le chateau, duquel on en tira vn autre. Quelques trois iours apres que nous eftions fur la mer de la Manche, les foldats Allemands de noftre nauire Admiral efmeurent fedition, & firent prendre les armes aux autres, comme cux fe plaignans qu'on ne leur donnoit point de fromage, eau de vie ny tabacq, & fous ce pretexte ofterent au boutelier du vaiffeau les clefs du magazin,y beurent & mangerent l'efpace de deux iours, fe moquoient de leurs officiers, & menaçoiết de ietter en la mer Monfieur Vangoch, & tous ceux de la cahutte ou chambre du Capitaine: pendant cette fougue nous nous mifmes fur nos gardes, les portes de la chambre du gouuernail furent barrées, & celles du Lieutenant & des Pilotes qui font au deffus pareillement; on difpofa les petards & pieces d'artillerie pour battre fur le tillac, en cas d'attaque, outre vne bonne prouifion de toutes fortes d'armes ; pendant quoy on eut moyen de nous faire approcher és enuirons des vaiffeaux de la flotte, & remplir noftre cahutte d'officiers,qu'on fit entrer par les feneftres de la chabre du canonnier, ce qui fit moderer la fougue des mutins, qu'on ne vouloit pourtat pas perdre, à caufe qu'on en auoit befoin; & s'eftants apperceus de n'eftre pas les plus forts ils demanderent pardon à genoux à Meffieurs Vangoch & Beaumont, qui apres apres leur auoir remonftré que ce n'eftoit pas les armes au poing & auec menaces qu'il falloit requerir quelque chofe, que cela fe deuoit faire par requeste verballe ou par escript, & ne meritoient rien moins que la mort, que neanmoins ils leurs accordoiét leur pardon, à la charge de ne plus retourner à pareille faute, & de demeurer fidelles; fit diftribuer à chacun vne liure de tabaq, de l'eau de vie & vnfromage d'Hollande, pour les appaifer: les autheurs pourtant de cette fedition, encore qu'on leur eut pardonné par confideration, furent marquez, comme l'on dit, fur le papier rouge, aufquels la corde ne fut pas efpargnée au Brefil, àla moindre faute qu'ils commettoient: mais afin qu'ils ne reuinffent plus à femblable émotion, ils furent diuifez par feptaines & départis en autres nauires, deux patrons qui voulurent refufer d'en receuoir leur part furent caffez de leurs charges, leurs gages confifquez & renuoyez en Hollande. Au fortir du grand canal de France & d'Angleterre & en entrant dans la grande mer de l'Ocean, entre le Royaume de Gallice & l'Irlande, comme Monsieur Vangoch eut fait affembler dans fon nauire tous les officiers de marine & milice, pour leur donner l'ordre qu'ils deuoient tenir durant le voyage, pour fe reconnoistre de nuit, & s'entrefecourir en P 1 cas de combat, de tempefte ou autre accident; Monfieur de Beaumont, qui feul des Seigneurs eftoit à noftre flotte, les autres s'en eftans efcartez dés les Dunes d'Angleterre, & auoient pris vne autre route, ne la voulut point receuoir, dit que c'eftoit à luy à la donner, qu'il deuoit commander à mettre la banniere, parce qu'il reprefentoit l'vne des plus fameufes Chambres de la Compagnie, & de la prouince d'Hollande, laquelle fans contredit, paffoit la premiere par tout; qu'en fon particulier il voudroit bien dépendre dudit fieur Vangoch & luy deferer;mais qu'en qualité de personne publique cet honneur luy appartenoit, & que iamais ceux qui l'auoient efleu ne luy reprocheroient de laiffer perdre leurs prerogatiues. Monfieur Vangoch luy refpondit que l'vn ny l'autre ne reprefentoiet pas en sen cette occurrence les prouinces d'Hollande & de Zelande, qui toutes deux receuoient loy des Estats generaux & non l'vne de l'autre, mais feulement les Chambres qui les auoient nommez, & fait confirmer, que Mildebourg marchoit apres celle d'Amfterdam, & non celle de Dordrecht, & que de refuser de luy obeyr, vouloir aller le premier & por-; ter la banniere à fon vaiffeau, c'eftoit ignorer lerang que tenoit laChambre deMildebourg aux assemblées de la Compagnie des Indes, pardeuant les Dixneuf. Les officiers ayants te- Vn bon vent conftant qui dura vn mois tout entier nous fit faire douze cents lieuës fur les hautes mers d'Efpagne où les vaiffeaux nauigent habillement, pour les vagues qui y font trois fois plus hautes qu'aux autres lieux, estant cette mer ordinairement agitée; & dautant que nos nauires retardoient trop à s'attendre les vns les autres,& qu'il falloit par fois baiffer les voiles des iours entiers, à cet effect il fut dit que chacun prendroit telle courfe qu'il voudroit, & gagneroit le deuant pour arriuer au plustoft auRecif:Nous paffasmes donc deuant le Cap de Fineterre, le long des coftes de Portugal, puis dix à douze lieuës vis à vis de la ville de Lisbonne,& en apres proche les grandes & hautes roches qui paroiffent en mer, & qu'on appelle les coches de Barrolles,les matelots pretendants que tous ceux qui n'auoient pas encore efté par là, leur deuoient de l'argent pour boire, ou qu'ils auoient droit de les plonger dans la mer, que c'auoit toufiours efté la couftume, & que le Roy d'Angleterre encore Prince de Galles,* allant en fon voyage d'Espagne, fut contraint de donner vne fomme de deniers aux mariniers: Les foldats fe mocquoient d'eux & de toutes les raisons fur lefquelles ils fondoient leurs demandes, & ne voulans pas ouyr parler de rien donner, les matelots entreprirent d'en faifir quelques-vns, qu'ils auoient defia liez de cordes fous les aiffelles pour les moüiller, qund ils fe virent chargez par les autres foldats qui auoient couru à leurs armes & prests à s'entretuer. Monfieur Vangoch fut bien empesché d'appaiser cette rumeur aduenuë en moins de demye heure; il commanda aux officiers d'arrefter chacun ceux qui estoient fous leur conduitte & de venir déduire leurs |