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Moi, qu'un de tes regards suffit pour embraser?

Perdita.

Mais, oh! viens pour danser; que mon bras te soutienne,
Ma douce Perdita, mets ta main dans la mienne.
Amie, unissons-nous pour ne plus nous quitter.
Ainsi que dans les cieux souvent on voit monter
Un couple entrelacé de jeunes tourterelles,
Ainsi mêlons nos cœurs.....

Je le jure par elles !

Et quand leurs mains se sont pressées, quand leurs âmes se sont unies en présence du ciel, le malheur qui dans un vague pressentiment jetait parfois son ombre sur l'amour de Perdita, le malheur qui déflore presque l'amour en lui enlevant une première illusion, celle qui nous fait paraître impossible le renversement d'une décision du cœur, le malheur subit, imprévu, l'accable tout à coup; elle y cède; elle se résigne ; mais un orgueil inné qui est au fond de son âme s'éveille, lorsque le roi Polixène verse ses dédains sur la pauvre fille des champs. Alors elle s'écrie:

Toute espérance est morte. Oh! c'en est fait de moi!
Pourtant de son courroux je n'avais pas d'effroi.
Tandis qu'il me parlait j'aurais pu le confondre ;
A son orgueil blessé le mien pouvait répondre
Que le même soleil qui luit sur son palais

D'une lumière égale éclaire nos chalets!

(A Florizel.)—Et vous, seigneur, adieu ; quittez cette demeure.
J'ai prévu ce malheur, et cependant j'en pleure.
Loin de moi prenez soin du bonheur de vos jours;
Le songe que j'ai fait est détruit pour toujours.
Hélas! je n'aurai plus le maintien d'une reine;
En pleurant je trairai mes brebis dans la plaine.

Florizel.- Pourquoi fixer sur moi ce regard attristé?

Rien ne peut, Perdita, changer ma volonté,
Ne désespérez pas d'un bonheur qu'on diffère :
Je ne suis qu'affligé, mais sans crainte, et j'espère.
Ce que j'étais pour vous, oh! je le suis encor;
Plus on veut m'arrêter, et plus je prends l'essor.
Le lien qui nous lie est trop cher à mon âme,

Pour qu'on puisse jamais en déchirer la trame.

Leurs âmes restent unies malgré l'arrêt qui les sépare. Perdita s'en repose sur la tendresse de son amant ; sa confiance est

illimitée comme son amour; une vague espérance la soutient. Ainsi qu'une prière qui obtient grâce, sa foi pieuse dans le bonheur doit l'attirer sur elle.

Perdita, c'est le type poétique de la vierge primitive, doux mélange de hardiesse virginale et de candeur modeste. Elle a, comme à son insu, la fierté que donne l'innocence, et les craintes charmantes d'un cœur qui n'a d'autre science que celle des sentiments. C'est une noble fille prête à se transformer en une noble reine. Comme Esther, devenir reine n'est pas un changement dans la vie de Perdita; la hauteur de ses sentiments l'a toujours placée au premier rang; le tròne ne l'ennoblit point, mais le doux éclat de ses vertus et de sa beauté est fait pour ennoblir le trône.

LOUISE COLET, née REVOIL.

LES MÉPRISES.

COMÉDIE.

Les habitants de Syracuse et ceux d'Ephèse, jaloux réciproquement de leurs succès dans le commerce, ont promulgué une loi barbare qui condamne à mort les marchands de chacune de ces deux villes qui seront pris sur le territoire de la ville ennemie, s'ils ne payent une énorme rançon. Ægeon, Syracusain, comparaît devant Solinus, duc d'Éphèse, qui, avant de l'envoyer au supplice, lui demande quel sujet l'a décidé à braver un péril inévitable. Le Syracusain raconte que dans un voyage par mer qu'il entreprit vingt-cinq ans auparavant avec sa femme, ses deux fils jumeaux et deux petits esclaves jumeaux aussi, une tempête ayant fait périr leur vaisseau, il vit son

épouse, un de ses fils et un des enfants esclaves, recueillis par une barque de pêcheurs corinthiens, tandis que lui, son second fils et l'autre esclave étaient sauvés sur un vaisseau qui faisait voile d'un côté opposé. Son fils Antipholus et le jeune esclave Dromio l'ont quitté depuis cinq ans pour aller tous deux à la recherche de leurs frères, qui se nomment aussi Antipholus et Dromio. Ægeon, désolé, voulant à son tour retrouver le fils qui lui était resté, est venu jusqu'à Éphèse, où, dit-il, il recevrait la mort volontiers s'il connaissait le sort de ses enfants. Le duc Solinus remet son supplice au lendemain dans l'espoir qu'il trouvera la somme nécessaire au rachat de sa vie. Personne ne se présentant pour cautionner l'infortuné Ægeon, il va perdre la vie lorsqu'une suite de circonstances extraordinaires amènent vers le lieu où il doit périr les deux Antipholus, ses enfants, et les deux Dromio, ses esclaves, qui, sans s'être jamais vus, se retrouvent réunis à Éphèse; les deux Antipholus sont reconnus par leur père, à qui le duc fait grâce, et dont le bonheur est complet quand, dans l'abbesse d'un monastère où l'on avait donné asile à un de ses fils cru fou, il découvre sa femme Émilie.

Ces quatre jumeaux, parfaitement semblables, donnent lieu, pendant tout le cours de la pièce, à une foule de méprises, plaisantes et graves alternativement, qui rappellent les Ménechmes de Plaute et l'Amphytrion de Molière. Il est évident que plusieurs scènes de ce chef-d'œuvre du premier des comiques français ont été imitées des Méprises.

Fidèle observateur et peintre admirable de la nature, le grand Shakspeare, en variant à l'infini ses créations, ne s'est jamais écarté de la vérité. Son œil perçant lit dans le cœur humain, et son génie dédaigne les préjugés du siècle qui s'opposeraient à la révélation des secrets qu'il découvre. Une épouse fidèle, une mère tendre et dévouée qui perd à la fois tous les objets de son amour, ne peut se livrer à sa douleur et conserver sa raison qu'en pleurant au pied des autels de celui qui consola Lia et ressuscita le fils de la Sunamite ou de la veuve de Naïm. Comme elle a rempli ses devoirs d'épouse et de mère, Emilie remplit ceux que lui impose la vie monastique qu'elle a choisie. Une charité immense, celle que prescrivit le législateur des chrétiens, embrase son cœur. Elle se résigne à souffrir, en soulageant les maux d'autrui; à la triste mais incontestable joie

de sentir couler ses larmes dans le repos du cloître, elle fait succéder l'activité qui recherche les infortunés, la résolution qui les recueille et les soutient, la persévérance qui les conduit au bonheur qu'elle n'espère plus pour elle-même. Ce n'est plus la voix de son époux, de ses fils, qui frappe son oreille; mais les gémissements du malheur ont la puissance, les charmes de cette voix, et la chrétienne a puisé dans les austérités le courage d'y répondre.

Tel est le caractère de l'abbesse, tracé par le prince des poëtes anglais, à une époque et dans un pays où l'abnégation de soi-même et les vertus toutes pures, toutes intellectuelles des récluses s'appelaient momeries de nonnes. Shakspeare devinait que dans les âmes nobles l'étroite observance des règles devenait l'amour de l'ordre, tel que voulut s'y soumettre celui qui fixa le cours des astres et le retour des saisons; que les jeûnes, les rigueurs de la pénitence, n'étaient que le triomphe de l'esprit sur la chair; que la prière perpétuelle n'était que cette communion de pensées qui lie les créatures à leur Créateur, et que les solitaires se chargent d'exprimer, en joignant ainsi le monde au ciel; que tant de soins, de minutieux détails, n'étaient que les œuvres d'une charité prévoyante et habile qui ne néglige rien, à l'imitation de Jéhovah, pourvoyant à la nourriture du passereau et au vêtement du lys des vallées... Ce fut ainsi que le génie de Shakspeare comprit la vie cénobitique, et que la pratiquèrent toujours les vrais chrétiens.

Mais au fond de ces voûtes obscures et silencieuses, sous cette bure, sous ces voiles, Émilie, qui chaque jour sent s'effacer les vains souvenirs du monde, conserve l'expérience qu'elle y a acquise, connaît et apprécie les illusions des enfants du siècle, et s'aidant des lumières divines qui sont devenues le prix de ces nouvelles vertus, rassure les consciences ou les épouvante. C'est sur une des passions les plus àâpres qui puissent troubler la paix du cœur et la félicité de l'union conjugale, qu'une jeune femme vient auprès d'elle répandre des larmes. « Je ne suis plus aimée, dit-elle; celui qui m'avait choisie me » fuit!... Une mélancolie, un chagrin profond, altèrent son » caractère...-A-t-il perdu sa fortune? demande la recluse; » a-t-il vu mourir un ami? ou, comme tant de jeunes hommes, » a-t-il laissé errer ses regards, et l'objet d'une passion adul>> tère est-il devenu l'arbitre de sa vie? La fortune lui est

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>> demeurée fidèle; il n'a point perdu d'ami...— Non, un amour » illégitime doit seul avoir anéanti celui qu'il m'avait juré. >> Et vous ne lui avez point adressé de plaintes, de reproches?... >> Seule ou entourée de parents et d'amis; vous étiez silencieuse » et feigniez d'ignorer cette offense?-Non, je n'ai point en» couragé par une indulgente faiblesse ce nouvel amour qui a » détruit mon repos et le sien... J'ai perdu dans les veilles in>> quiètes et dans les larmes la beauté qui l'avait charmé. J'étais >> toujours sur ses pas; ma tendresse épiait ses démarches; mes » yeux lui exprimaient une juste défiance... Ma bouche, qui >> ne souriait plus, s'ouvrit enfin, et je lui témoignai mon in» dignation. Quand je ne pouvais être entendue que de lui, je >> ne l'épargnais point... Avions-nous des témoins, mes allusions >> faisaient souvent rougir son front... Jamais je n'ai laissé de >> trève à cette affection criminelle, qui, vous le voyez, a fini >> par altérer sa raison. Pourquoi n'accusez-vous point de >> ce malheur les aigres et constantes clameurs d'une femme » jalouse? Quel poison avez-vous servi à la table de votre >> époux ? Quelles épines avez-vous semées sur sa couche ! Quoi! »> nul répit dans ses travaux ni dans ses délassements? et son >> sommeil troublé par vos cris comme celui du criminel par » les remords?... Femme coupable! c'est votre jalousie et non >> son amour qui l'a rendu insensé. Plus de paix, plus de joies » domestiques. L'humeur constante, l'ingénieuse persécution, » d'un côté... de l'autre, le découragement, la tristesse, l'in>> consolable désespoir, et le délire qu'ils provoquent... Frap>> pez votre poitrine, ou, si j'ai manqué de discernement, si >> mes paroles vous outragent, répondez-moi et justifiez-vous... >> Pourquoi vous taire? - Hélas! votre voix a réveillé celle de >> ma conscience. Je n'entends plus qu'elle... >>

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Cette justice sévère qu'exerce l'abbesse, sans doute elle s'y conforma toujours; aussi, quand elle retrouve son époux privé de sa liberté : « Je le dégagerai de ses chaînes, s'écrie-t-elle; le >> rendre libre, c'est le rendre à son Émilie. >>

En montrant l'énergie du caractère de l'abbesse quand elle usa du droit d'asile accordé à son monastère, et qu'elle le soutint avec fermeté, Shakspeare a voulu que les vertus de la religieuse fussent récompensées dans la mère de famille; c'est son fils que, sans le reconnaître, Émilie a protégé et défendu, et c'est de l'épouse de son fils qu'elle a obtenu les aveux qui ont

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