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et tous les villages qui en ce pays étoient ; etemmenèrent grand pillage et grand'proie en leurs garnisons.

Et quand ceux de Douay furent retraists (retirés), les soudoyers (soldats) de Bouchaing issirent (sortirent) hors et chevauchèrent et ardirent (brûlèrent) l'autre partie de la ville d'Abscon, qui se tenoit Françoise, et tous les villages François jusques aux portes de Douay, et la ville d'Escrechins. Ainsi que je vous ai ci-dessus devisé, les garnisons des frontières étoient pourvues et garnies de gens d'armes; et souvent y avoit des chevauchées, des rencontres et des faits d'armes des uns aux autres, ainsi que en tels besognes appartient. Si avint en cette même saison que soudoyers (soldats) Allemands qui se tenoient de par l'évêque de Cambray en la Malmaison, à deux lieues de Castel en Cambresis (Cateau-Cambrésis), et marchissant (limitrophe) d'autre part plus près de Landrecies dont le sire de Potelles, un appert (expert) chevalier, étoit capitaine et gardien, car le comte de Blois, quoiqu'il en fut sire, l'avoit rendu au comte de Hainaut, pourtant (attendu) qu'il étoit François; et le comte le tenoit en sa main et le faisoit garder pour les François. Si avoient souvent le hutin (dispute) ceux de la Malmaison et ceux de Landrecies ensemble: dont un jour saillirent (sortirent) hors de la Malmaison les dessus dits Allemands bien montés et bien armés, et vinrent courir devant la ville de Landrecies et accueillirent la proie, et l'emmenoient devant eux, quand les nouvelles et le haro en vinrent à Landrecies entre les Hainuyers qui là se tenoient. Adonc s'arma le sire de Potelles et fit

armer ses compagnons, et montèrent à cheval et se partirent pour rescourre (reprendre) aux Allemands leur proie qu'ils emmenoient. Si étoit adonc le sire de Potelles tout devant, et le suivoient chacun qui mieux mieux. Il qui étoit de grand' volonté et plein de hardiment (hardiesse) abaissa son glaive et écria aux François qu'ils retournassent, car c'étoit honte de fuir. Là avoit un écuyer Allemand qu'on appeloit Albrecht de Cologne, appert (expert) homme d'armes durement, qui fut tout honteux quand il se vit ainsi chasser. Si retourna franchement et baissa son glaive, et férit cheval des éperons, et s'adressa sur le seigneur de Potelles, et le chevalier sur lui, tellement qu'il le férit sur la targe (bouclier) un si grand horion que le glaive vola en pièces; et l'Allemand le consuivit (atteignit) par telle manière de son glaive roide et enfumé que oncques ne brisa (1) ni ploya, mais perça la targe, les plates et l'hocqueton, et lui entra dedans le corps et le poignit droit au cœur, et l'abattit jus (en bas) de dessus son cheval, navré (blessé) à mort. Dont vinrent les compagnons Hainuyers, le sire de Bousies, Girard de Mastain, Jean de Mastain, et les autres qui de près le suivoient, qui s'arrêtèrent sur lui quand en ce parti le virent, et le regrettèrent durement; et puis requirent les François fièrement et asprement en contrevengeant le seigneur de Potelles qui là gissoit navré (blessé) à mort. Et combattirent et assaillirent si dur Albrecht et sa route (troupe) qu'ils furent déconfits,

(1) On durcissoit quelquefois le bois des lances au feu. J. A. B.

morts et pris, ou peu en échappèrent; et la proie rescousse (délivrée) et ramenée, et les prisonniers aussi en Landrecies, et le sire de Potelles mort, dont tous les compagnons en furent courroucés durement.

CHAPITRE CXIV.

COMMENT FRANÇOIS ET HAINUYERS S'ENTRECOUROIENT

SUS LES UNS AUX AUTRES, ET COMMENT LE PAYS DE HAINAUT ÉTOIT EN GRAND'TRIBULATION.

APRÈS la mort du seigneur de Potelles, le sire de Floyon fut un grand temps gardien de la ville et du châtelde Landrecies; et couroit souvent sur ceux de Bouchaing, de la Malmaison et du Castel en Cambrésis (Câteau-Cambrésis) et des forteresses voisines, qui ennemies leur étoient. Ainsi couroient un jour les Hainuyers, un autre les François. Si y avoit souvent des rencontres, des escarmouches et des rués (renversés) par terre des uns et des autres; carau voir (vrai) dire, tels besognes le requièrent. Si étoit le pays de Hainaut en grand' tribulation et en grand esmay (inquiétude); car une partie de leur pays étoit arse (brûlée) et exillée (ravagée); et si sentoient encore le duc de Normandie sur les frontières, et ne savoient qu'il avoit empensé; et si n'avoient aucunes nouvelles de leur seigneur le comte. Bien est voir (vrai) qu'il avoit été en Angleterre où le roi et les barons l'avoient honoré et fêté, et avoit fait et juré

grands alliances au roi Anglois; et s'en étoit parti et allé en Allemagne devers l'empereur Louis de Bavière: c'étoit la cause pourquoi il séjournoit là tant. D'autre part messire Jean de Hainaut étoit allé en Brabant et en Flandre, et avoit montré au dit duc de Brabant et à Jaquemart d'Artevelle la désolation du pays de Hainaut, et comment les Hainuyers leur prioient qu'ils y voulsissent (voulussent) entendre et pourvoir de conseil. Les dessus dits lui avoient répondu que le comte ne pouvoit longuement demeurer, et lui revenu, ils étoient tous appareillés d'aller à (avec) tout leur pouvoir là où il les voudroit mener. Or reviendrons-nous au duc de Normandie, et recorderons comme il assiégea ceux de Thun l'Évêque.

CHAPITRE CXV.

COMMENT LE DUC DE NORMANDIE ASSIÉGEA LE CHATEL de Thun l'ÉvêquE, ET COMMENT CEUX DE DEDANS EURENT TRÈVES DE QUINZE JOURS A LUI RENDRE LE CHATEL OU A LUI COMBATTRE.

ENTREMENTES (pendant) que le duc de Normandie se tenoit en la cité de Cambray, le dessus dit évêque et les bourgeois du lieu lui remontroient comment les Hainuyers avoient pris et emblé (enlevé) le fort châtel de Thun, et que par amour, et pour son honneur garder, et le profit du commun pays, il voulsist (voulut) mettre conseil et entente (intention)

FROISSART. T. I.

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au r'avoir; car ceux de la garnison contraignoient durement le pays de là environ. Le duc y entendit volontiers, et fit de rechef semondre (convoquer) son ost et mit ensemble grand'foison de seigneurs et de gens d'armes, qui se tenoient en Artois et en Vermandois, lesquels il avoit eu en sa première chevauchée. Si se partit de Cambray et s'en vint à (avec) toutes ses gens loger devant Thun, sur la rivière d'Escaut, en ces beaux plains au lez (côté) devers Ostrevant; et fit le duc là amener et charger six grands engins (machines) de Cambray et de Douay, et les fit dresser et asseoir fortement devant la forteresse. Ces engins (machines) jetoient nuit et jour pierres, et mangonneaux (1) à grand' foison, qui engrand'foison, fondroient et abattoient les combles des tours, des chambres et des salles, et contraignirent par ce dit assaut durement ceux du châtel; et n'osoient les compagnons qui le gardoient demeurer en chambre et en salle qu'ils eussent, fors en caves et en celliers. Oncques gens d'armes ne souffrirent pour leur honneur en forteresse autant de peine ni de meschef que cils (ceux-ci) faisoient. Desquels étoit souverain capitaine un chevalier Anglois qui s'appeloit messire Richard de Limosin, et aussi deux écuyers de Hainaut, frères au seigneur de Mauny, Jean et Thierry. Ces trois, dessus tous les autres, en avoient la charge, la peine et le faix, et tenoient les autres compagnons en vertu et en force, et leur disoient:

(1) Mangonneau, machine à jeter des pierres, etc. On entendoit aussi par ce mot les pierres et tout ce qu'on lançoit avec cette machine. (Voy. le Gloss. de Ducange et le Supp. au mot mangonear!. ) J. D.

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