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CHAPITRE NEUVIEME.

DE LA VOCATION A LA VIE SOLITAIRE ET CONTEMPLATIVE.

Notre but, dans ce chapitre, n'est | la sauver ? C'est alors que nous compas de traiter des différentes vocations, prendrions bien ces paroles : périsse mais seulement de la vocation à la vie solitaire et contemplative : nous ferons cependant quelques réflexions générales.

Dieu est la fin dernière de l'homme; l'homme ne peut arriver à sa fin dernière qu'en accomplissant la volonté de Dieu; connaître la volonté de Dieu à notre égard, c'est au fond connaître notre vocation, ce à quoi il nous destine: Notre vocation, voilà donc la grande question pour nous. Le choix d'un état de vie, nous dit Louis de Grenade, est comme le grand ressort, la roue principale de tous les mouvemens de notre vie; c'est la base et la clé de voûte de tout l'édifice spirituel; c'est enfin le moyen le plus court et le plus sûr d'arriver à notre patrie célesLa première condition de salut pour nous, c'est donc de connaître l'état de vie où Dieu veut que nous soyons.

te.

Ne perdons jamais de vue cette vérité une seule chose est nécessaire, UNE SEULE, c'est de SAUVER NOTRE AME! Si nous estimions notre âme ce qu'elle vaut, PLUS QUE TOUT L'UNIVERS; si nous la regardions, comme David regardait la sienne, lorsqu'il l'appelait son unique; si nous l'estimions sa juste valeur, que ne ferions-nous pas pour

plutôt tout l'univers que notre âme ! car à quoi nous servirait d'avoir gagné tout l'univers, si nous venions à perdre notre âme, notre unique? Oui, à quoi nous servirait d'avoir tout gagné dans ce monde si, à l'heure de la mort, nous devions tout perdre dans l'autre ?

Telle est la question importante que chaque Saint s'est posée au début de sa carrière; et après avoir écouté la voix de Dieu, qui se fait entendre dans le calme et le silence des passions; et après avoir reçu l'avis d'un directeur, qui parle au nom et par l'inspiration du St-Esprit, chaque Saint a agi, SELON SA VOCATION, foulant aux pieds toutes les considérations humaines, surmontant tous les attraits et toutes les répugnances de la nature corrompue; et, dans toutes ses actions, il n'a eu qu'une pensée, qu'une volonté,- -CELLE DE SON SALUT! Et son salut, il l'a opéré à tout prix; au prix des richesses, des honneurs, des plaisirs, de la santé ; au prix de la vie même. Oh! que les Saints étaient admirables de logique et de foi! Après avoir résisté aux promesses, aux séductions du monde et aux ruses du démon, ils ont soumis la chair rebelle à l'esprit, ils ont dompté la concupiscence et l'orgueil; après avoir vaincu tous leurs ennemis, ils se

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sont vaincus eux-mêmes : c'était plus difficile! Ah! lorsqu'il s'agissait de leur salut, de cette unique affaire, c'est en vain que l'on s'efforçait de les retenir dans le monde, au milieu des dangers, sur cette mer orageuse, semée de tant d'écueils, et si féconde en naufrages aucune considération ne pouvait les empêcher de fuir là où ils espéraient trouver un abri plus sûr pour leur innocence : et ils allaient se cacher dans les bois, au fond des cavernes, sur les montagues, partout où la solitude leur offrait un port assuré contre la tempête.

dans le monde. NOTRE VOCATION, voilà donc la question, la seule importante question pour nous.

Tous, nous avons le même but; tous, nous voulons être heureux en accomplissant la volonté de Dieu; mais tous, nous n'atteignons pas ce but par la même voie et les mêmes travaux : dans un navire, le capitaine, les officiers, l'équipage et les passagers, tous ensemble sont emportés vers le même port; mais chacun occupe une place différente et remplit sa tâche personnelle; tous sont utiles, mais chacun dans sa spécialité. De même, dans la barque divine de St-Pierre, dans la nacelle agitée de l'Eglise, tous sont utiles, tous sont occupés; mais chacun a sa mission spéciale, chacun suit sa voca

il faut un Pape, des Evêques, des prêtres; il faut des Ordres religieux, des congrégations, des états séculiers pour toutes les vocations, pour tous les goûts, pour tous les caractères; et dans le choix de l'état qui lui convient le mieux, chaque homme doit être libre; le contrarier dans ce choix, c'est contrarier Dieu lui-même. Dieu n'impose pas sa volonté à l'homme; il respecte la liberté, le libre arbitre qu'il lui a donné : comment donc l'homme oserait-il contrarier, violenter l'homme dans l'exercice légitime de sa liberté ? Or, quel exercice plus légitime de cette liberté que le choix de l'état de vie, où il puisse opérer le plus sûrement son salut.

Mais, dira-t-on, n'est-il pas possible de se sauver dans le monde, aussi bien que dans la solitude; dans l'état du mariage, aussi bien que dans l'état du célibat religieux ou sacerdotal? - Cetion. Dans cette barque impérissable, n'est pas là la question importante pour nous : Oui, sans doute on peut se sauver dans tous les états séculiers approuvés par l'Eglise, si l'on y est appelé, et si l'on s'y conduit selon l'esprit que la religion inspire: il y a eu des Saints dans toutes les conditions de la société ; des Saints parmi les avocats, les magistrats, les négociants, les militaires, les marins, les artistes et les ouvriers; des Saints dans l'état du mariage et de la viduité. Encore une fois, ce n'est pas là la question : tous ces états sont saints, mais ils ne conviennent pas indifféremment à tous les hommes; chaque homme a son aptitude, son genre de talent et d'attrait, sa vocation; c'est en suivant leur vocation que tant de Saints, de caractères et d'âges si différents, ont accompli sur la terre leur glorieuse destinée tel, qui se fût perdu dans le monde, a été un grand Saint dans la solitude; et tel, qui se fût perdu dans la solitude, est devenu un grand Saint

Pour que l'ordre règne dans la société civile, aussi bien que dans la société religieuse, chacun doit être à sa place, dans sa sphère; il doit suivre son génie, exercer son talent, travailler et servir la société selon les dons qu'il a reçus de Dieu, selon son attrait et sa

vocation. Tout homme qui n'est pas | bitables, on se rende coupable d'infidélité ? Hélas! à la vue de ce qui se passe, comment s'étonner qu'il y ait si peu d'élus : -personne ne veut se

à sa place souffre et fait souffrir ceux qui l'entourent; et voilà pourquoi, savoir bien gouverner, c'est savoir bien discerner les esprits, les encourager et les appliquer à ce qui leur est propre et facile : de là l'infinie variété qui existe dans l'ordre social, comme dans la nature, et qui produit toute la beauté de cet ordre, en détruisant la monotonie et en empêchant mille conflits, qui amèneraient la plus violente confusion. Certes, ceci est clair en théorie; or, comme la véritable théorie ne diffère point de la sage pratique, cette théorie doit être appliquée par nous avec une scrupuleuse fidélité, sous peine de manquer à un de nos devoirs les plus délicats de conscience et de charité à l'égard du prochain, surtout si nous sommes appelés à prononcer sur sa vocation religieuse, ou sur la position qu'il doit prendre dans le monde.

sauver!

Ecoutons le P. Lacordaire :

"Pour l'homme du monde, la vie n'est qu'un espace à franchir le plus lentement possible par le chemin le plus doux : mais le chrétien ne le considère point ainsi. Il sait que tout homme est vicaire de Jésus-Christ pour travailler PAR LE SACRIFICE DE SOI-MÊME à la rédemption de l'humanité, et que, dans le plan de cette grande œuvre, chacun a une place éternellement marquée, qu'il est libre d'accepter ou de refuser. Il sait que s'il déserte volontairement cette place que la Providence lui offrait dans la milice des créatures utiles, elle sera transportée à un meilleur que lui, et lui, abandonné à sa propre direction dans la voOIE LARGE ET COURTE DE L'ÉGOÏSME. Ces pensées occupent le chrétien à qui sa prédestination n'est pas encore révélée; et convaincu que le plus sûr moyen de la connaître est de désirer l'accomplir, quelle qu'elle soit, il se tient prêt pour tout ce que Dieu voudra." (Vie de St-Dominique, par le P. LACORDAIRE, page 23.)

"J'invite vivement, dit Blanc SaintBonnet, les hommes bien nés à suivre l'inspiration qui est en eux. Nos bons mouvements nous sont toujours donnés en proportion de notre nature. Beaucoup ignorent combien il sera dur à leur cœur d'être restés au dessous d'eux-mêmes."

En manquant sa vocation, on est privé des grâces d'état; grâces spéciales, efficaces, victorieuses; grâces qui assurent, pour ainsi dire, le salut. Une âme qui a suivi sa vocation, qui a répondu promptement à l'inspiration du St-Esprit, cette âme est comme Après ces réflexions préliminaires sur l'astre rayonnant qui accomplit harmo- l'importance de la vocation, nous abornieusement son mouvement dans l'or- derons franchement notre sujet. "Le bite que Dieu lui a tracée; mais l'âme propre des êtres libres est de ne point égarée, infidèle à sa vocation, est semse ressembler. L'empire de la liberté blable à un météore errant, qui jette est celui de la variété." L'unité n'exle désordre dans l'espace et l'épouvan-clut pas la variété, et la variété ne déte dans les cœurs; qui n'a que destruit pas l'unité; effacer les différences, mouvements désordonnés et qu'un c'est engendrer la confusion et le dé

éclat sinistre.

sordre l'ordre consiste dans la vaUne vérité incontestable est donc riété ramenée à l'unité. Le nivellecelle-ci en dehors de sa vocation ilment, l'uniformité, c'est la destruction est très difficile de se sauver! comment alors concevoir que l'on attache si peu d'importance à sa vocation; et que, malgré les marques les plus indu

de toute hiérarchie, de toute harmonie et de toute beauté. Les dons de Dieu sont diversifiés, et les grâces sont distribuées selon les dons et les vocations.

"Pour l'ordinaire chacun a un attrait | tels sont ceux d'une âme qui a eu le particulier qui se fait sentir, qui indique malheur de tomber et de récidiver soules desseins de Dieu. L'attrait de la grâce porte les uns à la mortification, les autres à l'oraison, les uns aux ouvres extérieures du zèle et de la charité,

les autres à la solitude et à la retraite ; chacun a son attrait particulier, qui lui marque la voie qu'il DOIT SUIVRE POUR ÊTRE A DIEU ET POUR ALLER AU CIEL : quand il n'y a pas d'ATTRAIT PARTICULIER, il faut s'en tenir aux VOIES ORDINAIRES de la Providence." (L'Ame Religieuse élevée à la perfection. BAUDRAND.)

Les circonstances në FONT PAS notre vocation, mais nous la RÉVÈLENT SEULEMENT notre vocation est L'ŒUVRE DE DIEU. Nul chrétien ne peut donc embrasser un état quelconque sans y être appelé de Dieu nullus christianus debet statum aliquem seligere sine divinâ vocatione, nous dit le théologien Jacob Besombes. (Moralis christiana, tract. IV. cap. IV. art. 1.)

Mais quelles sont les âmes qui sont appelées à une vie solitaire, à une vie plus ou moins retirée et contemplative? Ici nous devons d'abord nous rappeler ce qui a été dit dans le second et dans le septième chapitre.

Pour les personnes, dont l'état de vie n'est pas encore fixé, et qui par conséquent sont libres encore, parmi les motifs qui peuvent les conduire ou les pousser dans la solitude, il y a des motifs d'amour, des motifs de crainte, et des motifs de nécessité: 10 des motifs d'amour, tels sont ceux d'une âme innocente et expansive qui sent le besoin de s'éloigner des hommes pour être tout entière à son Créateur, à son Epoux divin; 20 des motifs de crainte, tels sont ceux d'une âme qui a l'expérience de sa faiblesse, qui par cette expérience est devenue craintive et prudente, et qui alarmée veut se mettre à l'abri des dangers pour mieux assurer son salut; 30 des motifs de nécessité,

vent, qui se voit toujours dans une occasion prochaine de péché, qui comprend que le monde est pour elle un trop puissant séducteur, un ennemi trop terrible, et que pour le vaincre, il faut le fuir et le combattre à distance.

Ces différents motifs de retraite sont assez bien exprimés dans les beaux vers suivants :

LXIX.

To fly from, need not be to hate, mankind;
All are not fit with them to stir and toil,
Nor is it discontent to keep the mind
Deep in its fountain, lest it overboil

In the hot throng, where we become the spoil
Of our infection, till too late and long
We

e may deplore and struggle with the coil, In wretched interchange of wrong for wrong Midst a contentious world, striving where none [are strong

LXX.

There, in a moment, we may plunge our years
In fatal penitence, and in the blight
Of our own soul, turn all our blood to tears,
And colour things to come with hues of Night.

LXXI.

Is it not better, then, to be alone,...

Than join the crushing crowd, doom'd to inflict for bear? (BYRON. Childe Harold's pilgrimage.) .How happy he, Who quits a world where strong temptations try, And, since 'tis hard to combat, learns to fly! (GOLDSMITH.)

For safety cautious flight alone remained. (MRS TIGHE.) Outre ces motifs décisifs, il en est d'autres qui ne le sont pas moins, ce sont les heureuses disgrâces, les salutaires afflictions, les malheurs providentiels, que la divine miséricorde nous ménage, et qui en tous temps ont jeté tant d'âmes désabusées du monde, dans le port tranquille de la solitude et

du salut.

Mais, outre ces derniers motifs en

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sions... Pour une centaine de romaus veritablement moraux, qu'on trouverait à grand'peine dans toute notre littérature, il en est des milliers qui ne peuvent que fausser l'esprit et pervertir le cœur.' (La Médecine des Passions, par DESCURET, p. 68.)

"Il se trouve, nous dit l'abbé Forichon, des constitutions caractérisées par une sensibilité excessive de l'appareil nerveux, qui devient, pour ceux qui en sont affligées, la source d'une susceptibilité extrême; toutes les impressions les troublent et les mettent hors d'eux-mêmes; la plus légère contrariété les agace et les fait souffrir...

core, il en est d'autres, qui n'ont pas | triste sur le développement des pasmoins contribué à déterminer un très grand nombre d'âmes à fuir le monde et à chercher un lieu de repos et de consolation sur les montagnes et dans les déserts sauvages; et ces motifs puissants, ces occasions et ces prétextes, (car la cause première est toujours une impulsion du Saint-Esprit) c'est l'envie, la calomnie, l'injustice, le dégoût, l'indignation; c'est la crainte du succès, des applaudissements, de la réputation et des marques d'estime; ce sont enfin les persécutions de tout genre que la malice nous suscite, et que Dieu permet pour nous désenchanter du monde et nous détacher de la terre. Enfin le tempéramment nerveux, devenu aujourd'hui si commun, rend la vie au milieu du monde plus difficile et plus dangereuse qu'autrefois; et par conséquent la solitude plus attrayante et plus nécessaire.

"Ce tempéramment, (nous dit Débreyne, dans son Précis de Physiologie humaine) qui est moins une constitution naturelle de l'organisme qu'un état factice et adventice, étend aujourd'hui immensément son empire, et s'enracine profondément dans l'espèce humaine, surtout depuis près d'un siècle, c'est-àdire, depuis que tant de perturbations sociales et tant de bouleversemens politiques ont ébranlé et secoué violemment l'Europe, ou plutôt le monde entier. A cela ont peut ajouter une autre cause également puissante, l'extension démesurée d'un luxe effréné et d'une civilisation excessive qui jette l'homme le plus loin possible des sages lois de la nature.

"La surexcitation du système nerveux, si générale depuis quelques années, doit en partie être attribuée aux émotions violentes que les femmes et les enfants vont chercher au théâtre. Ces émotions, qui deviennent de véritables besoins, contribuent, plus qu'on ne le croit, à affaiblir les constitutions, en même temps qu'elles favorisent le développement des passions, développement déjà si précoce par suite de l'irritabilité morbide qui tourmente notre société... La lecture des romans n'exerce pas une influence moins

"On peut leur opposer les hommes à constitution réfractaire, qui se jouent avec les excès et ne sont accessibles à aucune impression; elles passent sur eux comme un trait sur le roc. Quoiqu'il arrive à ces hommes, leur cœur, comme le balancier d'une pendule, bat toujours la même mesure, et leur estomac n'interrompt jamais sa digestion; c'est la constitution des indifférents et des égoïstes par excellence. Cependant, si de tels hommes ont des talents et de la moralité, ils peuvent devenir très utiles dans les calamités publiques, ils y conservent toujours leur sang-froid, comme leur santé; mais, quelle que soit leur intelligence, ils ne seront jamais orateurs touchants; les douces émotions du sentiment n'échaufferont pas leur langage. Le besoin ineffable des affections n'a point de part dans leurs projets, dans leur plan de vie, et ce n'est jamais dans leur sein qu'un ami peut déposer ses larmes et soulager son cœur. (Le Matérialisme et la Phrénologie,

page 344.)

"C'est dans les climats chauds qu'il faut voir jusqu'où peut aller l'exquise sensibilité des organes, et par suite les

désordres de l'innervation."

"C'est quelquefois chez les êtres les plus faibles et les plus débiles en apparence, que le feu de la vie se montre intellectuelle semble les dévorer." avec le plus d'éclat : une sorte de fièvre

(DUBOIS D'AMIENS.)

"Peu aptes aux travaux qui exigent une certaine dépense de force musculaire, ils éprouvent une fatigue excessive au moindre exercice; mais, par compensation, le développement et l'activité de leur système nerveux coïncident avec beaucoup d'intelligence et une exquise

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