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a voulu entourer par avance sa tendre et courageuse Bretonne, qu'il n'expose à toutes les infortunes que pour la réserver à tous les triomphes; car ne l'a-t-il pas en effet traitée comme l'enfant de sa prédilection? Regardez Ophelia, Desdemona, Cordelia, Juliette, ces anges d'amour et d'innocence : son génie tragique les pousse de catastrophe en catastrophe pour les immoler à la fin sans pitié. Pourquoi Imogène est-elle plus épargnée au dénoûment? pourquoi ne la voyons-nous pas, « comme un lis, pencher la tête et mourir (1)? » Ne dirait-on pas qu'après lui avoir prodigué tant de qualités aimables, il s'est pris pour elle d'une affection plus intime, et qu'au moment de la frapper comme les autres le cœur lui a failli? Elle vivra donc, heureuse exception pour les héroïnes tragiques, elle vivra pour dompter le sort, apaiser son père, confondre ses ennemis, et délivrer son époux d'un double supplice, les soupçons et les remords.

Nos vieux romans de chevalerie n'en ont pas autant fait sans doute pour la belle Euriant, dont la situation principale a tant de rapports avec celle d'Imogène. Ce souffle créateur, qui donne la vie et la réalité à des êtres éclos dans l'imagination, la nature ne l'avait pas jeté en partage à des chroniqueurs vulgaires. Aussi nous est-il permis de le croire, quand Weber, ce grand poëte en musique, répandit sur la maîtresse de Gérard de Nevers le trésor de ses mélodies, ce qui l'avait surtout inspiré, c'est le souvenir de la fille de Cymbeline, s'offrant à lui parée de toute la poésie d'un Shakspeare.

PAUL DUPORT.

Cymbeline est une des plus charmantes pièces historiques de Shakspeare. C'est un roman dramatique, dans lequel les parties les plus saillantes de l'histoire sont dialoguées, et les circonstances intermédiaires sont expliquées par les interlocuteurs, suivant que l'occasion l'exige. L'action est, par conséquent, moins resserrée. La lecture de cette pièce est comme celle d'un voyage dont le but est incertain, et dans lequel l'at

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I'll hang my head, and perish.

SHAKSPEARE, Henri VIII, acte m, scène 11,

tention est suspendue et augmentée par les longs intervalles. qui se trouvent entre chaque action. Cependant la chaîne qui lie les intérêts divers de l'histoire n'est jamais rompue. Les incidents éloignés et fortuits en apparence sont conduits de manière à rendre le développement de la catastrophe plus complet. La facilité et l'aisance avec lesquelles elle arrive font paraitre l'habileté de l'auteur plus merveilleuse. Nous n'en pouvons donner que quelques passages.

Le scélérat Iachimo, après s'être introduit dans l'appartement d'Imogène, l'aperçoit endormie, et s'écrie:

- « O sommeil, image de la mort, appesantis-toi sur elle, et >> rends-la insensible comme le monument placé dans une cha>> pelle! Viens à moi, viens. Aussi facile que le nœud gordien >> l'était peu, il est à moi, et ce bracelet sera un témoin visible, >> aussi fort que la conscience, pour désespérer son époux. Ah! » son sein gauche est empreint d'une étoile à cinq rayons, » pareille aux gouttes de pourpre qui brillent dans le calice >> d'une primevère. Voilà une preuve au-dessus des plus fortes » preuves que puissent jamais acquérir les lois mêmes. Ces » signes cachés le forceront de croire que j'ai ravi le trésor » de son honneur. Que me faut-il de plus? »

Posthumus, trompé par les perfides calomnies de Iachimo, fait éclater ainsi sa jalousie :

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<< Oh! vengeance, vengeance! La perfide! souvent elle >> mettait un frein à mes légitimes ardeurs; elle implorait >> l'abstinence avec une rougeur si pudique que, dans ces ins» tants, sa vue seule eût réchauffé la vieillesse. Je la croyais >> chaste comme la neige nouvelle qui n'a point encore senti >> l'atteinte du soleil..... Si je pouvais découvrir en moi ce qui » appartient à la femme! car l'homme n'a point en lui de >> penchant pour le vice, qu'il ne vienne de la femme. Se fait-il » un mensonge, il vient de la femme; quelque flatterie, elle est » d'elle; quelque perfidie, c'est encore d'elle. Ambition, cu» pidité, orgueil, dédain, caprice, médisance, inconstance, >> enfin tous les vices qui ont un nom et que l'enfer connaît, » viennent de la femme, en tout ou en partie; oui, en tout. » Elles ne sont pas même constantes dans un vice; elles en

>> changent sans cesse, quittant toujours l'ancien pour un plus »> nouveau. Je veux écrire contre elles; je les déteste; je les » maudis. Oh! c'est avoir pour elles une haine véritable et in>>dustrieuse que de prier le ciel d'accomplir leur volonté; le » diable lui-même ne pourrait mieux les tourmenter. »

Imogène, en apprenant le débarquement de Posthumus, s'écrie:

- «Oh! un cheval avec des ailes! L'entends-tu, Pisanio? il » est au havre de Milford. Lis, et apprends-moi à quelle dis>> tance nous sommes de ce lieu. Si un homme qui n'est appelé » que par un léger intérêt peut la parcourir en une semaine, »> ne pourrais-je, moi, y voler dans un jour? »

Lorsqu'Imogène apprend de quoi elle est accusée :

— « Infidèle à sa couche! Qu'est-ce qu'être infidèle? Est-ce d'y veiller les nuits en songeant sans cesse à lui, d'y pleurer toutes les heures? Et, si le sommeil saisit la nature accablée, l'interrompre aussitôt par un rêve effrayant dont lui seul est l'objet, et me réveiller en poussant un cri, est-ce être infidèle ?

Pisanio. Hélas! vertueuse dame!

Imog.- Moi infidèle! ta conscience en est témoin... Fachimo, tu l'accusas d'infidélité, et dès lors tu parus à mes yeux un lache; aujourd'hui tes traits me semblent moins bideux. Quelque courtisane d'Italie l'aura trahi, et moi, malheureuse, je ne suis plus qu'une femme surannée, un vêtement passé de mode, trop riche pour être suspendu négligemment aux murailles, et qu'il vaut mieux découdre, mettre en pièces. Oh! les serments des hommes sont des traîtres qui perdent les femmes ! Ta coupable inconstance va faire croire que toute apparence vertueuse n'est que trahison, étrangère au visage qui l'emprunte, et piége tendu aux femmes.

Pisan.

Ma chère maîtresse, écoutez-moi.

Imog. Jadis, après la trahison d'Enée, tous les amants fidèles furent crus perfides comme lui... Et moi, honnête Pisanio, que ferai-je pendant ce temps-là? où habiterai-je ? comment vivre? ou quelle consolation aurai-je dans la vie, après que je serai morte pour mon époux, et lui pour moi?... Oh! pour arriver là, je braverai tout, excepté la perte de mon hon

neur... Hé bien, épargne les paroles : je vois ton but, et déjà je me sens presque un homme..... »

Imog. (seule.) - « Mon cher époux, et toi aussi es-tu du nombre des hommes perfides?..... Maintenant que je songe à toi, ma faim est passée; il y a un moment, j'étais prête à succomber d'épuisement. Mais que vois-je ? un sentier me mène à cette caverne; c'est quelque repaire sauvage :je ferai mieux de ne pas appeler. »

Imogène, déguisée en jeune page, accepte l'hospitalité qu'Arviragus et Guiderius lui ont offerte. Ceux-ci, la croyant morte, la pleurent dans ces accents enchanteurs:

Arvir. - «Elle est morte, la colombe tant chérie de nous ! J'aurais mieux aimé, passant d'un bond de seize ans à soixante, avoir changé ma souple jeunesse contre le bâton du faible vieillard, que d'avoir été témoin de cette mort.

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Guid. O le plus beau, le plus tendre des lis! penché sur les bras de mon frère, tu n'as pas la moitié des grâces que tu avais, lorsque tu te soutenais toi-même.

Arvir. Oui, tant que l'été durera, tant que je vivrai dans ces lieux, Fidèle, je viendrai parer ton triste tombeau des plus belles fleurs. Jamais tu ne manqueras de ces primevères qui ont la douce pâleur de ton visage, ni de jacinthes azurées comme tes veines, ni de feuilles d'églantine dont le parfum est moins doux que ton haleine. Le rouge-gorge lui-même, dont la pitié fait affront à ces riches héritiers qui livrent à la terre leurs pères sans monument, viendrait t'apporter ces fleurs dans son bec charitable, et protégerait tes restes contre le froid par un vêtement de mousse. »

N. B. On trouvera les Notices sur Troilus et Cressida et Timon d'Athènes, dans celles sur les drames antiques qui précèdent la tragédie de Jules César.

LES DEUX GENTILSHOMMES

DE VÉRONE.

TRAGI-COMÉDIE.

Valentin, ami de Protéo, parti de Vérone pour aller voyager, arrive à Milan et devient amoureux de Silvie, fille du duc. Protéo, qui aime Julie et qui en est aimé, reçoit l'ordre de son père d'aller le retrouver à Milan. Là il oublie Julie, et s'éprend d'amour pour cette même Silvie que le duc veut marier à Thurio. Silvie, qui a de la répugnance pour ce mariage, consent à se laisser enlever de nuit par Valentin. Protéo, mis dans la confidence, en informe le duc, et Valentin est exilé de Milan. Le duc et Thurio prient Protéo de disposer l'esprit de Silvie en faveur de l'époux que son père lui destine. Le traître Protéo profite de cette occasion pour essayer de la séduire. Valentin est arrêté dans un bois par une bande de voleurs qui ne lui laissent la vie qu'à condition qu'il sera leur chef. D'un autre côté, Julie, qui n'a point reçu de nouvelles de Protéo depuis son départ, se déguise en homme, arrive à Milan, et se place comme page chez son amant, dont elle découvre bientôt la passion pour Silvie. Celle-ci, pressée par son père d'épouser Thurio, se décide à fuir le palais de Milan pour chercher Valentin, et tombe entre les mains des mêmes voleurs qui ont arrêté son amant. Le duc, Thurio et Protéo courent à sa poursuite. Protéo arrive le premier, et délivre Silvie avant que les voleurs aient eu le temps de la conduire à leur chef. Il fait écarter Julie qui l'a accompagné et qu'il croit toujours être un homme, et veut profiter de ses avantages. Mais Valentin arrive avec sa troupe. Protéo, honteux et pressé par ses remords, tombe aux pieds de son ami, lui avoue ses crimes, et lui demande grâce. Valentin lui cède généreusement ses droits sur Silvie. Julie, qui avait conçu

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