Puck. - Écoutez donc ces deux amants; Maître, écoutez-les, je vous prie. PHILARÈTE CHASLES, C'est également à la plume élégante de M. Philarète Chasles que l'on doit la belle imitation suivante : Enfoncements des bois, océans de verdure, Berçant la jeune reine, et charmant son repos. « Si je ne me trompe, à vos termes, à votre air » et à votre démarche aisée, je crois voir en vous ce démon » espiègle que l'on nomme dans les champs Robin le bon » Luron, » ajoute la fée, après lui avoir donné l'épithète ci-dessus. Puis elle continue, en le caractérisant par la spécialité de ses fonctions : « Dites, n'est-ce pas vous qui le soir, à la veillée, aimez à » lutiner nos jeunes villageoises, qui volez, sans pouvoir être » pris sur le fait, le lin et la crème, qui troublez par cent tours » malins la bonne ménagère, et qui la mettez en colère? Tantot » son beurre ne prend pas; tantôt son rouet tourne avec bruit, Lá fée. » ou bien c'est sa boisson qui, privée de levain, n'a plus que le » goût de l'eau. N'est-ce pas vous encore qui, dans les nuits » sombres, tirez le voyageur hors de son chemin, et qui, lors» qu'il erre dans la plaine, vous riez de sa peine, en l'égarant » toujours davantage? Quant à ceux qui, charmés de votre » esprit malin, vous appellent le bon Puck, ou le joli démon, » vous leur portez bonheur, et vous faites leur ouvrage. Dites » donc, me trompé-je ? Oh! je parie que c'est bien vous. » Interrogation à laquelle Puck répond dans les termes suivants : « Oui, tu as bien dit, je suis ce feu-follet et bouffon d'Obé» ron, qui, la nuit, aime à faire éclater sa gaieté maligne. » Shakspeare a donné au lutin et au démon malin des devoirs et des fonctions d'une espèce très-différente; il est le messager et le serviteur affidé du roi des esprits qui , à cause de sa capacité, l'appelle bon et doux. Il réunit à ses qualités héréditaires la promptitude , la légèreté et le savoir intellectuel des esprits les plus élevés dans le monde des fées, comme le dit Obéron : « Va me chercher cette herbe : et sois revenu avant que le » Léviathan n'ait nagé l'espace d'une lieue.» La distinction entre les deux espèces est exactement marquée quand Puck , d'après quelque appréhension, fait observer à Obéron que la nuit diminue vite; que le messager de l'Aurore parait, et que tous les esprits infernaux voltigent vers leurs lits : Puck. Mon maître, håtons-nous, car notre heure est venue, Les dragons de la nuit ont traversé la nue. Ce sont les pâles sæurs de la nuit au front noir. Nous sommes des esprits d'une plus pure essence. Mme LOUISE COLET. Le roi et la reine des fées, qui, dans Chaucer, sont identifiés avec le Pluton et la Proserpine des enfers, sont, sous le nom d'Obéron et de Titania, représentés par Shakspeare sous un jour aimable ; car, quoique jaloux l'un de l'autre, ils sont ordinairement employés à alléger les malheurs des bons et des infortunés. Leur influence bénigne, parait en effet s'étendre sur les pouvoirs physiques de la nature; car Titania dit à son époux que, d'après leurs querelles de jalousie , une étrange intempérie s'est emparée des éléments. Ainsi que les Liös-Alfar, ou esprits brillants des Goths, les fées de Shakspeare se plaisent à donner des bénédictions, à faire prospérer les ménages. Car cette race bonne et douce, entrant dans la maison de Thésée au milieu de la nuit, reçoit les ordres suivants de leur bienveillant monarque: Avant que le dernier feu meure, Chantez , dansez, troupe badine. A chaque mot une cadence, Oberon. Que chaque fée erre dans ce palais, En cadences, Mme LOUISE COLET. Si le caractère moral et bienveillant de ces enfants de l'imagination sont en grande partie de la création de Shakspeare, les images qu'il a employées dans la description de leurs personnes, de leurs meurs et de leurs occupations, ne paraîtront pas inférieures en beauté, en nouveauté et en peinture naturelle, à celles que la magie de son pinceau a répandues sur toutes les autres parties de son monde imaginaire. Ainsi, pour nous donner une idée de la petitesse de ses fées, de quelles minuties pittoresques il a marqué son esquisse, en parlant de l'altercation entre Obéron et Titania, il dit, comme un de ses résultats, que « tous leurs sylphes épouvantés se sauvent, et se » cachent dans les coupes des glands. » Mais où l'imagination badine et illimitée de notre poëte se déploie de la manière la plus étonnante, c'est dans la description des emplois des fées auprès de leur reine, et dans l'exécution de ses ordres. L'emploi d'un de ses suivants était d'entretenir les riches primevères pour l'embellissement des pensionnaires de sa majesté. Une autre fonction non moins importante était d'endormir leur maîtresse sur le sein d'une violette ou d'une rose musquée : Je connais un berceau semé de thym sauvage: La douce primevère en jonche les sentiers, que de ce suc préparé par mes charmes, å tire-d'aile, Mme LOUISE COLET. D'autres occupations semblables sont décrites avec une imagination encore plus libre, mais avec une plus grande richesse d'images : Titania. -Oh! de ces verts gazons épaississez l'enceinte, Inclinez sur mon front ces touffes d'hyacinthe Aux calices d'azur ! Un sommeil calme et pur! Expire sous vos coups. Voltige autour de vous ! |