Изображения страниц
PDF
EPUB

>> corps ne faisaient qu'un. C'est ainsi que nous avons grandi >> ensemble, pareilles à la cerise double qui semble séparée, >> quoique unie dans la séparation même; pareilles à deux fraises » vermeilles qui croissent sur la même tige! nous avions deux >> corps, mais nous n'avions qu'un cœur! et tu veux briser >> notre ancien amour! et tu veux te joindre aux hommes pour » railler ta pauvre amie! Oh! cela n'est pas généreux, cela » n'est pas digne d'une jeune fille. Maintenant, seule et trahie » par mon amie, l'injure est mille fois plus sensible à mon

» cœur.»

Le fond de la pièce délicieuse sur laquelle nous reviendrons dans le cours de cette notice, reposant essentiellement sur la mythologie des fées, il est nécessaire de connaitre le système sur lequel Shakspeare a appuyé cette ingénieuse création, nonseulement parce qu'il fait allusion aux superstitions de l'époque, mais parce qu'il peut en résulter pour le lecteur des détails curieux et intéressants.

Il est probable que les poëtes et les romanciers de l'Espagne, de l'Italie et de la France, ont tiré les êtres imaginaires qu'ils appellent Génies bons ou mauvais, de la mythologie des Perses et des Arabes (1). Les croisades et le séjour des Maures en

(1) Les créations fabuleuses, telles que géants, dragons et châteaux enchantés, qui forment l'assaisonnement des aventures de chevalerie, ont reçu le nom de fictions romanesques. On a imaginé différentes théories relatives à ces fictions; on a successivement attribué aux scaldes du Nord, aux Arabes, aux peuples de l'Armorique ou Bretagne, et aux contes classiques de l'antiquité, l'origine de ces fables extraordinaires qu'on a si étrangement défigurées dans les romans de chevalerie, et que la muse d'Italie a si élégamment ornées.

Ce serait une recherche curieuse que de remonter à l'origine de ces fictions ainsi qu'à la naissance de cet esprit de chevalerie qui donna lieu aux combats singuliers, qui fit courir le chevalier à la recherche des aventures, et lui imposa l'obligation de protéger et de venger sa dame. De même que cet esprit aventureux, qui fut approprié à l'histoire des chevaliers en particulier, et surtout de ce qui a rapport à Arthur et à la Table-Ronde, et aux Pairs de Charlemagne, dont les exploits réels ou fabuleux ont fait le sujet du roman.

Mallet et Percy font dériver la fiction romanesque des scaldes du Nord, qui embellirent leurs récits de fictions merveilleuses, propres à séduire les esprits ignorants et crédules de leurs auditeurs. Longtemps avant

Espagne contribuèrent puissamment à entretenir et à alimenter le goût pour ces sortes de fictions, surtout depuis que la langue des peuples conquérants devint, pendant le moyen age, le véhicule de la science et du gai savoir. De là cette

les croisades, on croyait à l'existence des géants et des nains, aux sortiléges et aux enchantements.

Percy assure que les scaldes, qui probablement suivirent l'armée de Rollon pendant sa migration du Nord dans la province de la Neustrie, y introduisirent ces fictions. A leurs ancêtres païens, les ménestrels substituèrent les héros de la chrétienté, dont ils embellirent les fêtes des fictions scaldiques, de géants et d'enchanteurs. Ces histoires se propagèrent rapidement dans toute la France, et par une transition aisée passèrent en Angleterre après la conquête des Normands.

Saumaise et Warton attribuent aux Sarrasins la base de la fiction romanesque. Ce fut dans un temps une opinion reçue en Europe, que les merveilles des créations arabes furent d'abord communiquées à l'Occident par les croisés. Mais Warton, tout en avouant que ces expéditions contribuèrent beaucoup à propager ces fables, soutient que ces fictions furent introduites plus tôt par les Arabes, qui, au commencement du huitième siècle, s'établirent en Espagne. Les histoires idéales des conquérants d'Orient, remplies de descriptions brillantes et inconnues jusqu'alors aux habitants des régions occidentales, se répandirent rapidement sur tout le continent d'Europe. De l'Espagne, elles passèrent en France par suite des communications commerciales établies entre Toulon et Marseille. Elles furent reçues avec empressement dans l'Armorique ou Bretagne.

Warton soutient que, si l'Europe doit aux scaldes les histoires extravagantes de géants et de monstres, ces fables doivent toujours être rapportées à une origine orientale, d'où elles ont dû passer dans le nord de l'Eu– rope avec une nation asiatique qui, après la défaite de Mithridate par Pompée, pour se soustraire à la domination des Romains, s'enfuit sous la conduite d'Odin, et vint s'établir en Scandinavie.

Mais cette hypothèse de Warton ne paraît pas reposer sur un fondement solide; car les fictions des Arabes et des scaldes sont totalement différentes. Les fables et les superstitions des bardes du Nord sont d'une couleur plus sombre, d'une nature plus sauvage que celles des Arabes. Il y a quelque chose dans leurs fictions qui glace l'imagination. Les spectacles sublimes de la nature avec lesquels ils étaient familiarisés dans leurs solitudes septentrionales, leurs précipices, leurs montagnes gelées et leurs forêts sombres, agirent sur leur imagination, et donnèrent à leurs images une teinte d'horreur. Les esprits qui envoient des tempêtes sur la mer, se réjouissent des cris inarticulés des matelots naufragés, ou répandent une peste à laquelle

grande ressemblance entre les Peri et les Dives des Perses, les deux espèces de Génies des Arabes, les Fées et les Démons des poëtes de l'Europe méridionale.

Les Peri ou Fairi des Perses sont représentées comme des

rien ne résiste ; les magiciens qui préservent du poison, qui émoussent les traits d'un ennemi, ou évoquent les morts de leurs tombeaux, voilà les ornements de la poésie du Nord. Les fictions arabes sont d'une nature plus splendide. Elles sont, il est vrai, moins terribles, mais elles ont plus de variété et de magnificence; elles nous conduisent à travers des forêts délicieuses; elles élèvent des palais brillants d'or et de diamants. Nous chercherions en vain, dans les premières poésies gothiques, plusieurs des fables qui ornent les ouvrages des romanciers. Cependant nous les trouvons facilement dans le vaste champ de la fiction orientale. Le griffon ou l'hippogriffe des écrivains italiens ressemble au fameux Simurgh des Persans, qui joue un si grand rôle dans les poëmes épiques de Saadi et de Ferdusi.

Les pèlerins, qui visitèrent la terre sainte, et qui, revenus de si loin, imposèrent toutes ces fictions à des auditeurs crédules, ainsi que les fabulistes de France, qui prirent les armes et suivirent leurs barons à la conquête de Jérusalem, les introduisirent en Europe.

Leyden dit qu'une colonie de Bretons se réfugia dans l'Armorique, au cinquième siècle, pour éviter la tyrannie des Saxons, et qu'elle emporta avec elle les archives échappées à la fureur des conquérants. La mémoire d'Arthur et de ses chevaliers fut ainsi conservée dans l'Armorique aussi bien que dans la province de Galles ou le Cornouaille; et les habitants de l'Armorique furent en France le premier peuple avec lequel les Normands établirent des relations d'amitié. En un mot, selon Leyden, tous les romans français naquirent en Bretagne, et toutes les nations d'Europe tirèrent leurs contes de chevalerie de France.

On a imaginé une quatrième hypothèse, qui représente les histoires des jardins enchantés, les monstres et les coursiers ailés, introduits dans les romans, comme tirés des auteurs classiques, des légendes grecques, greffées sur des mœurs modernes, et modifiées par les coutumes du jour. Il est vrai que les auteurs classiques étaient à peine connus au moyen âge. Mais les superstitions qu'ils avaient inculquées avaient fait une impression trop profonde sur les esprits, pour en étre aisément effacées. Les idées mythologiques étaient répandues dans une foule d'ouvrages populaires. Les premiers pasteurs chrétiens, afin de faciliter la conversion des païens, ont toléré et même conservé des cérémonies païennes; on ne peut guère douter que plusieurs ouvrages classiques n'aient été convertis en fictions romanesques. Dans plusieurs contes de chevalerie, on voit un chevalier retenu dans ses recherches par les enchantements d'une sorcière qui n'est autre que

femmes d'une beauté remarquable, constamment bonnes, ayant la forme humaine, et assujetties à la mort. Quoique la durée de leur vie ne fût pas limitée comme la nôtre, on les supposait habitant une région particulière et privilégiée, se

la Calypso ou la Circé d'Homère. L'histoire d'Andromède pourrait avoir donné lieu aux fables des jeunes vierges sur le point d'être dévorées par un monstre marin et secourues par leur chevalier favori. Les héros de l'Iliade et de l'Énéide ont fourni tous deux l'idée des armes enchantées, et l'histoire de Polyphème, celle d'un géant et de sa caverne. Hérodote, dans son histoire, parle des Arimaspi, race de cyclopes qui habitaient le Nord et faisaient perpétuellement la guerre à une tribu de griffons qui gardaient des mines d'or. L'expédition de Jason à la recherche de la toison d'or; les pommes des Hespérides, gardées par un dragon; la fille du roi, cette enchanteresse qui s'éprend d'amour pour le chevalier et le sauve, tiennent au merveilleux de la fiction romanesque, surtout de celle qu'on suppose introduite par les Arabes. Quelques-unes des fables les moins familières de la mythologie classique, telle que, dans la théogonie d'Hésiode, l'image des prisons obscures où les Titans furent enfermés par Jupiter, sous la garde des géants fortement armés, ont une ressemblance frappante avec les fictions gothiques les plus sauvages et les plus sublimes. De plus, un grand nombre de ces fables regardées aujourd'hui comme orientales, paraissent avoir été primitivement des traditions grecques portées en Perse du temps d'Alexandre le Grand, et introduites ensuite en Europe avec les modifications qu'elles avaient reçues des idées orientales.

Ritson a successivement tourné en ridicule les systèmes gothique, arabe et classique, et il a soutenu que l'origine du roman, dans tous les temps et dans tous les pays, doit être cherchée dans les différentes espèces de superstitions qui ont prévalu de temps en temps à différentes époques. Il prétend que c'est une vaine et futile entreprise que de chercher ailleurs l'origine de la fable. L'exagération ou la crainte ont enfanté la croyance dans des agents surnaturels de toutes sortes de monstres. Il était naturel, dans un temps d'ignorance, comme nous le voyous, même de nos jours, chez les Turcs, que le vulgaire crût qu'un palais magnifique était l'ouvrage des enchanteurs. Il faut ajouter aux merveilles surnaturelles, produit d'une imagination superstitieuse, les merveilles naturelles, exagérées par l'ignorance des phénomènes de la nature. Ainsi, l'on peut attribuer aux illusions de la vue, produites par certaines dispositions de lumière et d'ombre, au pouvoir qu'ont les brouillards et les nuages de réfléchir et d'amplifier les objets, une partie des histoires des spectres et des géants dans les pays montueux ou nuageux, entrecoupés de profondes vallées et de lacs, ou de bois, de rochers et de rivières. Ajoutez à cela les chimères produites

jouant dans les nuages, parées des couleurs de l'arc-en-ciel, et se nourrissant des parfums de la rose et du jasmin. Les Dives, opposés à ces créatures délicieuses, sont représentés comme des hommes d'un aspect hideux et difforme, vicieux, cruels et impitoyables.

Les génies des Arabes, bons ou mauvais, étaient semblables aux premiers, quant à leurs attributs, mais avec moins d'éclat et de beauté. C'est de cette source qu'est venue la fiction qui prévaut dans la littérature romantique des climats chauds de l'Europe; et c'est particulièrement des belles et charmantes conceptions de l'Orient qu'elle est passée dans les féeries de Boyardo et de l'Arioste, dans les romances en vers et en prose de la France et de l'Espagne. C'est à ce genre de fiction empruntée à l'Orient que Spenser doit la forme et la couleur qu'il donne à ses fées, êtres cependant encore plus éloignés des fées populaires des Goths, que les agents surnaturels des bardes de l'Italie, dont les chants empreints d'orientalisme ne sont qu'une allégorie continuelle, et forment un caractère tout particulier.

Quant à l'origine des fées de Shakspeare et de la tradition. populaire anglaise, il faut la chercher ailleurs; il faut remonter vers le Nord et jusque vers la Scandinavie. Les farouches conquérants de l'Espagne, de la France et de l'Angleterre imposèrent aux pays soumis leur langage et leurs superstitions; et, comme ils dominèrent plus longtemps en Angleterre, ils forcèrent le peuple vaincu à embrasser leurs rites religieux, après avoir aboli ses coutumes et ses lois, et l'habituèrent à un idiome tout différent de celui que parlent les habitants de la Grande-Bretagne, mais qui renferme encore aujourd'hui un vocabulaire de mots relatifs à leurs croyances poétiques ou superstitieuses.

Le génie de Shakspeare excella dans toutes ces fictions qui sont l'âme de la poésie, et qui, s'élevant à des inspirations divines, finissent par s'associer à la religion. Le poëte ancien était

par une imagination qui se plaît à des combinaisons gaies et bizarres. Tels furent le chérub emblématique des Hébreux, les images composées des Égyptiens. Le griffon était de même un composé du lion et de l'aigle. Le serpent et le lézard peuvent avoir suggéré l'idée d'un dragon. Je reviendrai sur ce sujet dans mon Essai sur la littérature irlandaise.

« ПредыдущаяПродолжить »