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» braves que lui; » mais elle dit aux Romains dans un esprit bien différent :

« Avant de me quitter, entendez ceci : Autant le Capitole >> surpasse en hauteur la plus humble maison de Rome, autant >> mon fils, que vous avez banni, vous surpasse tous. >>

Dès la première scène, avant l'introduction des principaux personnages, un citoyen fait observer à un autre que les exploits militaires de Marcius ont eu moins pour motif l'amour de son pays que le désir de plaire à sa mère.

Le ton imposant d'autorité que Volumnie prend envers son fils, quand elle veut arrêter son impétuosité, son respect et son admiration pour ses nobles qualités, et sa forte sympathie même pour des sentiments qu'elle combat, se déploient tous dans la scène où elle obtient de lui qu'il essaiera de calmer les plébéiens irrités.

Vol.-« Je vous en prie, mon fils, cédez à ces conseils : j'ai un cœur aussi fier que le vôtre peut l'être; mais ma tête sait guider ma colère au point d'en tirer le plus grand avantage.

Menen. C'est bien dit, noble dame; si le malheur des temps n'exigeait pas ce remède, je reprendrais à l'instant les armes pour sa cause, quoique mon corps défaillant puisse à peine les supporter, plutôt que de consentir qu'il abaissat devant ce troupeau l'orgueil de son illustre front.

Cor.- Eh bien! que faut-il faire?

Menen.- Retourner vers les tribuns.
Cor.-Pourquoi?

Menen. Pour rétracter ce que vous avez dit. Cor.. - Me rétracter pour eux! Ah! je ne le ferais pas même pour les dieux.

-

Vol.-Vous êtes trop absolu. On peut, sans s'avilir, plier sous la loi de la nécessité.

Mon fils, je t'en prie, accompagne-les, le bonnet à la main, étends-le vers le peuple, en pliant les genoux. L'action, dans ce cas, est la véritable éloquence; l'œil de l'ignorant entend mieux que son oreille. En dépit de ton cœur, abaisse ta tête altière; plus humble alors que la figue mûre qui tombe sans efforts dans la main qui la touche, nomme-toi leur soldat; dis-leur que, dès ton enfance, élevé dans les camps, tu n'as point pris ces manières dont la douceur t'aurait pu mériter leur amour; mais que désor

mais tu mettras tous tes soins à leur complaire en tout autant qu'il te sera possible.

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Va, mon fils, soumets-toi ; je sais bien que tu aimerais mieux poursuivre dans un gouffre l'ennemi qui t'aurait offensé, que de vouloir le flatter un instant dans un bocage.

Cor.-Faut-il aller, la tête nue, d'un air repentant et d'une bouche vile, donner un démenti à mon noble cœur? m'abaisser ́à ce point? soit, j'y consens. Plût au ciel que Marcius fùt seul en danger. Ils pourraient me broyer; jeter mes cendres aux vents!... Au Forum! au Forum! Vous m'avez forcé à un rôle humiliant que de ma vie je ne pourrai jouer.

Vol. Ah! mon fils, de même que tu m'as dit que c'est en te louant que je t'ai fait soldat, fais, pour obtenir de moi des éloges nouveaux, ce que jusqu'ici tu n'as point fait encore.

Cor. Eh bien! je cède! Honneur, courage, abandonner mon cœur à la honte!... Non, je ne le ferai pas, de peur de survivre à mon honneur et, par cette action, d'apprendre à mon esprit à se livrer à la bassesse.

Vol.-A ton choix, Marcius. Il m'est plus honteux de te prier en vain, qu'à toi de consentir à supplier le peuple. Que tout périsse! Que ta mère elle-même, plutôt que d'être en butte à ton orgueil obstiné, éprouve tous les maux qui vont fondre sur toi. J'ai le cœur aussi haut que toi; je méprise la mort comme toi; agis comme tu voudras. Ton courage est le mien, puisque tu le suças de moi; mais ton orgueil tu ne le dois qu'à toi.

Cor. Ma mère, apaisez-vous; je vais au Forum. » Coriolan admire dans un ennemi ce courage qu'il honore en lui-même; c'est ainsi qu'il s'assied au foyer d'Aufidius avec la même confiance qu'il l'aurait combattu sur le champ de bataille; il est persuadé qu'en se mettant en son pouvoir, il lui ôte jusqu'à l'idée de s'en servir contre lui. Cette noble confiance fut aussi celle de Napoléon: l'une et l'autre furent déçues, parce que tous les hommes ne comprennent pas tout ce qu'elle a de grand, de sublime même.

Au-dessous du nom des personnages de ce drame, on lit que la vie de Coriolan, par Plutarque, a été exactement suivie. Il est assez intéressant de rechercher jusqu'à quel point cette assertion est vraie. Deux des principales scènes entre Coriolan et Aufidius, et Coriolan et sa mère, sont rapportées de la manière suivante dans la traduction de Plutarque par

sir Thomas North, dédiée à la reine Elisabeth: « Ce fut le soir qu'il entra dans Antium sans être reconnu par aucune des nombreuses personnes qu'il rencontra dans les rues. Il se rendit directement chez Tullus Aufidius, et s'assit à son foyer sans prononcer un seul mot, ayant la figure entièrement couverte. Surpris de cette sorte d'apparition d'un homme qui, dans son déguisement, conservait une certaine majesté, les gens de la maison, loin de l'en chasser, coururent avertir Tullus, qui était à son souper. Celui-ci se lève, l'aborde, et lui demande qui il est, et ce qu'il veut. Soudain Marcius se découvre, et, après être resté quelque temps sans répondre : » Cor.« Me reconnais-tu, à présent?

Tullus. Je ne te connais point. Ton nom?

Cor.- Mon nom est Caïus Marcius, qui a fait tant de mal à toi et aux Volsques, ainsi que l'atteste mon nom de Coriolan. Mes services pénibles, mes dangers extrêmes, et tout mon sang prodigué pour mon pays ingrat, n'ont reçu pour toute récompense que ce surnom. Il te rappelle la haine invétérée que tu dois justement entretenir pour moi : ce nom seul m'est resté. La cruauté et l'envie du peuple, tolérées par une noblesse sans courage qui m'a abandonné, ont dévoré le reste; ils ont souffert que je sois chassé de Rome par des voix d'esclaves. C'est cet outrage qui m'amène dans tes foyers, non pas dans l'espoir (ne va pas t'y méprendre) de conserver la vie; car, si je craignais la mort, tu es le seul homme de l'univers que j'aurais évité : si tu me vois ici, c'est que je veux me venger de ceux qui m'ont banni. Ainsi, si ton cœur renferme quelque fiel, si tu veux venger les affronts que tu as reçus, et si tu veux relever ta patrie abaissée, saisis l'occasion, et sers-toi de ma misère; sers-t'en de manière que les actes de ma vengeance deviennent des services utiles pour toi; car je combattrai contre mon pays corrompu avec l'acharnement des esprits infernaux. Mais, si tu n'oses plus rien entreprendre, et que tu sois fatigué de tenter de nouveau la fortune, alors, je te le dis en un mot, je suis aussi fatigué de vivre plus longtemps; je présente ma tête à ton ancienne inimitié. M'épargner serait en toi folie, moi qui en tout temps t'ai poursuivi de ma haine, moi qui ai versé par torrents le sang de ta patrie! je ne puis vivre désormais qu'à ta honte, ou pour te servir. »

A ces mots, Tullus, au comble de la joie, reprend :

-« O Marcius! Marcius! chaque mot que tu viens de prononcer a arraché de mon cœur ma vieille haine. Si le père des dieux, du haut de l'empyrée, venait de prononcer des divines paroles en me disant : « C'est vrai, » je ne le croirais pas avec plus de respect que je te crois toi-même, illustre Marcius!..... O laisse-moi entourer de mes bras ce noble corps, contre lequel mon javelot s'est tant de fois brisé, et effraya la lune par ses éclats! J'embrasse en ce moment l'enclume de mon épée ; je veux qu'à l'avenir mon amour le dispute au tien avec autant d'ardeur que j'en mettais autrefois à défier tes coups. Sache d'abord que j'aimai la jeune vierge que j'ai épousée; jamais amant ne soupira plus sincèrement : eh bien, le plaisir de te voir ici, noble mortel, fait éprouver à mon cœur de plus violents transports que ne m'en inspira la vue de ma maîtresse franchissant pour la première fois le seuil de ma porte, le jour de mes noces. O Mars! viens avec moi. Je te dirai que nous avons une armée sur pied, et que j'étais décidé à tenter encore de t'arracher ton bouclier, ou d'y perdre mon bras. Tu m'as battu douze fois; et depuis lors je n'ai rêvé que combats entre toi et moi; dans mes rêves, nous nous sommes terrassés tous deux, nous enlevant nos casques, et nous serrant à la gorge; et je m'éveillais à moitié mort. Digne Marcius, n'eussions-nous à nous venger sur Rome que de ton bannissement, nous nous armerions tous depuis l'âge de douze à soixante-dix ans, et, portant la guerre jusque dans les entrailles de cette ville ingrate, nous l'inonderions comme un torrent débordé. Mais viens, viens prendre la main de nos sénateurs, qui sont rassemblés ici pour prendre congé de moi. J'étais prêt à marcher, non pas contre Rome même, mais contre son territoire. Cor. - O dieux! je vous bénis! >>

L'entrevue de Coriolan avec sa mère est aussi presque la même que dans le drame. Marcius assis sur un siége de distinction, et pendant qu'on lui rend les honneurs dus à un tel général, aperçoit une députation de femmes ayant son épouse et sa mère à leur tête. Il veut s'opposer d'abord à leur approche; mais enfin, vaincu par leurs prières et leurs larmes, il sent couler les siennes, et appelle le chef du conseil des Volsques pour entendre ce que sa mère Volumnie va lui proposer.

Coriolan. — « Ah! quel est ce bruit? Serais-je tenté de

rompre mon serment au moment même où je viens de le prononcer?... il n'en sera rien.

(Virgilie, Volumnie, conduisant par la main le jeune Marcius; Valérie et autres dames romaines entrent en habits de deuil.)

Ciel! j'aperçois ma femme qui marche la première, puis ma vénérable mère, tenant par la main l'enfant de son fils. Mais, loin de moi la tendresse! Que tous les liens et tous les droits de la nature s'anéantissent! que l'obstination soit ma seule vertu! Je les vois s'incliner; et ces yeux de colombe me lancent des regards dont la douce puissance rendrait un dieu parjure! Je m'attendris, et je ne suis pas formé d'une argile plus dure que les autres hommes. Ma mère s'agenouillant devant moi! c'est comme si le mont Olympe s'humiliat devant une taupinière ! et mon jeune enfant, dont les traits semblent me supplier! et la nature qui me crie : « Ne le refuse >> pas ! »> Que les Volsques promènent la charrue et la herse sur les ruines de Rome et de l'Italie entière, je ne serai point assez stupide pour obéir à la voix de l'instinct; je resterai insensible, comme si l'homme était le créateur de sa propre existence, et qu'il ne connût point d'autres parents!

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-

Cor. Je ne vois plus avec les mêmes yeux dont je vous voyais autrefois dans Rome.

Virg. La douleur qui nous a tous changés vous le fait croire ainsi.

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Cor. · Tel qu'un mauvais acteur, j'ai déjà oublié mon rôle, et je suis près d'essuyer un affront complet. Mais toi, chère compagne, pardonne à ma tyrannie; mais ne me dis pas : « Pardonne aux Romains! » O approche! que je prenne un baiser qui dure autant que mon exil, et qui soit aussi doux que l'est ma vengeance! Par la reine jalouse des cieux ! le baiser, ma bien-aimée que tu me donnas en partant, mes lèvres fidèles l'ont toujours depuis conservé vierge. Grands dieux! je me répands en vaines paroles, et je laisse la plus respectable mère de l'univers sans la saluer! - Allons, à genoux, Coriolan, et montre ici un sentiment de respect plus profond que les enfants vulgaires. (Il se met à genoux.) Vol. O reste debout, et sois béni! C'est moi qui tombe à genoux devant toi sur les pointes de ces cailloux, et qui

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