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dans la bagarre; il prononce à tort et à travers des paroles imprudentes. Que sortira-t-il de tout cela? Je n'ose le prévoir.

Chose incroyable! Les deux principaux théâtres de Florence, le Pagliano et la Pergola, jouent en même temps deux opéras français, Faust et la Juive. Transplanter de la musique française en Italie, c'est, comme diraient les Anglais, porter du charbon à Newcastle. Le fait est positif cependant.

AUGUSTE AVRIL.

Florence, 8 mars 1867.

P.S. MM. Minghetti et Ratazzi viennent de donner un exemple utile à leurs concitoyens. Ces deux hommes d'Etat ont prononcé chacun un discours, le premier à Bologne et le second à Alexandrie, où sont examinées, - à la manière anglaise, toutes les questions qui agitent leur pays.

Du programme de M. Minghetti je vous dirai peu de chose, parce que je n'ai pas eu le plaisir de l'entendre, et que, du reste, ses idées sur les finances et la liquidation des biens ecclésiastiques sont fort connues. Il n'en est pas de même de celui de M. Ratazzi. Muet, pour ainsi dire, depuis Aspromonte, il n'avait pas eu l'occasion de s'expliquer depuis cette mémorable époque. Je viens de lire le discours qu'il a prononcé, le 1er mars, devant les électeurs d'Alexandrie. Je le dis sans hésitation voilà un manifeste digne d'un véritable homme d'Etat.

M. Ratazzi s'explique sur toutes les grandes questions qui préoccupent l'Italie. Au point de vue financier, ses idées sont catégoriques : l'Italie étant arrivée au summum de ses désirs, et personne ne songeant plus à l'inquiéter, c'est dans un désarmement sérieux qu'elle doit trouver les économies nécessaires pour combler son déficit. Une véritable décentralisation, jointe à un désarmement sérieux, produirait, selon l'orateur, une ressource de 75 millions. Quant au surplus, il conseille de se le procurer au moyen du patrimoine ecclésiastique, dont une intelligente liquidation peut procurer, à l'en croire, le salut financier de l'Etat et l'indépendance de l'Eglise.

Je ne suivrai pas M. Ratazzi sur le terrain de la liberté reli

gieuse. Malgré mon dissentiment avec lui sur ce point délicat, je reconnais que les considérations qu'il tire de la présence, au milieu de l'Italie, d'un prince ecclésiastique jouissant du pouvoir temporel et toujours armé contre la liberté de l'Etat ont un grand poids, lorsqu'il propose, en conséquence, l'ajournement de la liberté absolue de l'Eglise au jour où les Italiens seront à Rome.

Ce que je veux louer surtout dans ce magnifique discours, c'est la pensée maîtresse qui révèle en M. Ratazzi le véritable homme d'Etat. J'ai voté, dit-il, pour le ministère Ricasoli, bien que ma conviction fût contraire à la mesure prise par lui contre les meetings autorisés par l'article 32 du statut, parce que j'ai voulu sauvegarder le principe d'autorité. »

Il y a trois ans, dans une de mes premières correspondances, je comparais l'impopularité actuelle de M. Ratazzi en Italie à celle de Casimir Périer autrefois en France. Ces deux hommes d'Etat ont réprimé d'une main ferme, l'un et l'autre, l'anarchie. La France a probablement dû au second quinze ans de liberté. Ma conviction profonde est que l'Italie doit sa fortune actuelle au premier, qui n'a pas hésité, au péril de sa popularité, à réprimer en 1862 une tentative imprudente, qui pouvait tout compromettre.

Patience le sentiment de la justice finit toujours par triompher. Le jour de la réparation arrive. Du reste, le travail de la justice est rendu singulièrement facile, lorsqu'il s'accomplit en faveur d'un homme qui agit et qui parle comme M. Ratazzi.

A. A.

IV

CORRESPONDANCE D'ORIENT.

Constantinople, 29 janvier 1867 1.

M.

Merci de votre sympathie pour mes compatriotes. Nous en avons bien besoin en ce moment.

L'insurrection de Candie continue. Malgré le froid et la faim, les braves combattants de l'île tiennent tête à l'armée turque, forte de 60,000 hommes ! Nous n'osions pas espérer une résistance aussi opiniâtre. Vous avez lu sans doute la défense du couvent d'Arcadi, où des centaines de femmes et d'enfants ont préféré mourir plutôt que de se rendre aux Turcs. Leur dévouement héroïque a excité la sympathie des Anglais, et l'Assurance a pris à son bord plusieurs familles (450 personnes en tout) pour les transporter à Athènes. Les Russes ont aussi envoyé une grande frégate qui a recueilli 1,200 femmes et enfants. Quand a été signalé le navire anglais, la population d'Athènes s'est portée au Pirée pour crier : « Vive la reine d'Angleterre et vive le commandant Pym!» Une semaine après, on rendait les mêmes honneurs à la frégate russe. Les médecins du bord ont constaté sur toutes ces malheureuses femmes les maladies occasionnées par le froid et la faim. Quelques-unes étaient dans un tel état

1 Nous ne donnons qu'un extrait de la lettre qui nous est communiquée et nous en avons même modifié quelques expressions trop amères contre la France. Nous espérons, comme le correspondant, que l'acte reproché à un de nos officiers a été mal interprété à Athènes. (N. D.)

d'extinction, qu'on pouvait avec peine leur faire avaler un peu de gruau. Elles ont déclaré que, pendant plusieurs jours, elles n'avaient mangé que de l'herbe. Le commandant, les officiers et tout l'équipage ont prodigué aux réfugiées tous les soins d'une charité vraiment chrétienne, et nous ne pouvons assez remercier la marine anglaise et la marine russe, ainsi que la presse de ces deux pays. Nous espérions avoir à remercier en même temps les représentants du gouvernement français, mais ils semblent avoir pour les Turcs une tendresse toute fraternelle. Aimer tendrement et fraternellement les Turcs, passe encore; mais ce sentiment devrait-il aller jusqu'à propager de fausses nouvelles en leur faveur? Et, si les Turcs sont si aimables, ont-ils besoin qu'on cherche par ces fausses nouvelles à égarer l'opinion de l'Europe chrétienne contre les Grecs?

De peur que vous ne me trouviez injuste et ingrat, je dois vous dire ce qui s'est passé la semaine dernière. Coronéos, le chef des Candiotes, avait renvoyé de son corps d'armée 250 à 300 hommes sans aveu, qui n'étaient venus sous son drapeau que pour piller. Il aurait peut-être dû les faire fusiller: il s'est contenté de les désarmer en leur disant d'aller se faire fusiller ailleurs. Ces misérables se sont rendus chez le consul de France, qui les a amenés devant Mustapha pacha. Celui-ci aurait peut-être dû aussi les faire passer par les armes, mais il a eu l'idée de les renvoyer à Constantinople (d'où ils étaient partis il y a deux mois) comme prisonniers de guerre. C'était un plaisir que le consul de France pouvait très-bien laisser au sultan ; les Grecs s'y seraient prêtés généreusement, si Mustapha pacha n'avait trouvé plus glorieux encore pour la Turquie d'expédier ses prisonniers au Pirée sur deux grandes frégates, et si le consul de France n'avait consenti à faire convoyer les frégates turques par la Salamandre, la canonnière française, dont le pavillon devait être une sauvegarde pour les uns et pour les autres. C'est, en effet, ce qui est arrivé. Mais, tout en respectant le pavillon de la France, les autorités d'Athènes ont refusé de recevoir de prétendus prisonniers qui n'étaient pas même natifs de la Grèce. Sur ce refus, les Turcs les ont transportés à bord de la Salamandre, laissant aux chaloupes françaises le soin d'effectuer le débarquement. La résistance de la population a coûté la

vie à un ou deux de ces malheureux, et peut-être serait-il arrivé pire encore si la Salamandre ne s'était dirigée sur Salamine, où, grâce au concours de la police, on a pu enfin les débarquer.

Avons-nous tort d'accuser les Français d'avoir voulu faire honneur au pacha d'un faux acte d'humanité, après s'être tenus à l'écart lorsque le même pacha commettait en Crète des cruautés inouïes? Avons-nous tort encore, s'ils n'ont agi ainsi que pour persuader à l'Europe que la Crète était pacifiée? En ce cas, tort aussi ont eu lord Lyons et le général Dgnatieff, qui ont immédiatement dénoncé cet acte à leurs gouvernements comme une ruse franco-turque. Ce voyage des frégates turques jusqu'au Pirée a produit une pénible impression. Nous tenons trop aux sympathies de la France pour ne pas souhaiter sincèrement que notre interprétation de l'expédition de la Salamandre soit réfutée par le gouvernement français.

Vous savez sans doute que, malgré le blocus, un petit bateau à vapeur grec va régulièrement une fois par semaine en Crète pour y porter des munitions et des vivres, sans craindre la poursuite des bateaux turcs. Comme il ne navigue que par le mauvais temps, les marins turcs n'osent pas le poursuivre, et il a excité l'admiration générale par ses courses périlleuses.

A Saint-Pétersbourg, a été donné, au profit des Candiotes, un grand bal qui a produit 300,000 francs. A Leipzig aussi, on a ouvert des souscriptions pour la même cause. Les Grecs de Londres ont fait l'achat d'un bateau à vapeur armé de dix canons, qui vient d'arriver en Grèce. La lutte n'est donc pas discontinuée, quoi qu'on en dise, et nous sommes bien aises de le faire savoir aux philhellènes français, si, comme nous voudrions le croire, il en est encore. D'ailleurs, l'insurrection de la Crète n'est qu'une question secondaire dans la crise imminente de la Turquie. Si même l'autorité turque était rétablie à Candie, l'empire turc n'en marcherait pas mieux. Si les Français tiennent toujours à l'intégrité de cet empire, il faudra qu'ils interviennent par un concours direct et qu'ils fassent pour le Grand Turc ce qu'ils ont fait autrefois pour la Grèce, ce qu'ils ont fait plus récemment pour le pape, à Rome, pour Maximilien, au Mexique. Comme Maximilien, le Grand Turc aurait bien besoin des millions et des soldats de la France;

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