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sidère l'alliance offensive et défensive avec le groupe des Etats du Sud comme étant en très-bonne voie, et l'on cite, à ce propos, un mot assez fin de M. de Bismark. L'ambassadeur d'une grande puissance (vous la devinerez sans peine) lui ayant demandé si cette alliance était conçue en vue de tout cas de guerre, le ministre prussien répondit : « C'est pour le cas de guerre. »

A côté de cette propagande belliqueuse, il s'en fait une autre pour hâter la proclamation du nouvel empire d'Allemagne. Dans une brochure intitulée La politique allemande de la Prusse en 1785, 1806, 1849 et 1866, M. Adolphe Schmidt expose les trois premières tentatives avortées de la Prusse pour accroître sa puissance en Allemagne par des unions avec d'autres Etats allemands. Puis il nous montre ce but atteint en 1866 par la force, et il conclut ainsi : « Pour vaincre le particularisme, il faut élever au-dessus des royautés allemandes un empire allemand. L'empire national est le pont le plus sûr pour passer le Mein. »

D'autre part, M. Alexandre Duncker, un des plus importants libraires de Berlin, est l'auteur d'une poésie patriotique qui se vend au profit des invalides entretenus par la fondation Victoria. Cette poésie se termine ainsi :

Ce qui a été nain trop lontemps est devenu géant; L'Allemagne veut couronner son empereur au milieu des cris d'allé[gresse.

Réveille-toi, Barberousse! les temps sont accomplis, et tu vas voir se réaliser, grâce au puissant roi Guillaume, tous les rêves de ton long sommeil !

Il sera grand, il sera fort, le nouvel empire d'Allemagne; il reprendra tout ce qu'il a perdu. Ecoute plutôt ce que dit le Tageblatt de Cobourg : « L'Allemagne, dans le cours des siècles, a perdu, par la faute de ses princes, plus de 8,000 milles carrés de territoire et de 27 millions d'âmes appartenant à l'ancien empire germanique. Tout cela lui a été enlevé par l'étranger. » Il est vrai qu'on intente un procès au Tageblatt pour offense envers les princes allemands. Mais toi, vieux Barberousse, qui comprends son indignation patriotique, tu demanderas sa grâce à ton suc

cesseur, et il ne te la refusera pas. Ecoute! je vais te raconter une touchante histoire que peut-être il ne connaît pas. Tu la lui rediras, et sois certain qu'elle ira droit à son cœur.

L'an passé, au moment où il appelait ses sujets sous les armes, cent vingt jeunes Prussiens résidant à Orla, ville russe du gouvernement de Grodno, se disposaient à répondre à cet appel et à retourner dans leur pays. Le 11 juillet, l'un d'eux écrivit à sa mère la lettre suivante : « Le jour de notre départ, l'empereur Alexandre arrivait à Orla. Dès le matin, les troupes étaient réunies à la gare du chemin de fer pour le recevoir. Nous nous rassemblions, prêts à quitter la Russie peut-être pour toujours. Chacun de nous portait une écharpe noire et blanche, et, précédés d'un corps de musique, nous nous dirigions vers la gare aux sons de l'air : Je suis Prussien, connais-tu mes couleurs? Tout à coup une musique militaire se fait entendre en avant de nous c'est l'empereur qui fait son entrée dans la ville à la tête de ses gardes. Nous essayons de nous engager dans une autre rue; mais il est trop tard, et déjà l'empereur s'arrête devant nous. « Halte!» nous crie-t-on; et il se fait un profond silence. Les Russes sont blêmes de peur; nous, calmes et tranquilles, nous attendons ce qui va advenir. Après nous avoir examinés quelque temps, l'empereur fait avancer son cheval vers nous et nous demande « Qui êtes-vous? « Prussiens, Votre Majesté. » Je me trouvais par hasard le plus rapproché de lui, et c'est moi qui lui répondis. « Que signifie ce cortége? - Nous retournons dans notre pays. Ne vous plaisez-vous plus dans le mien, ou quelqu'un vous en chasse« t-il? » Chère mère, je m'avançai encore d'un pas et je répondis « Non, Majesté; mais notre roi nous appelle pour le salut : « de la patrie, que menace l'ennemi, et nous ne pouvons pas « manquer de nous rendre à son appel.» Ses yeux s'illuminèrent à ces mots; il nous examina longuement, puis il nous dit : « Mais vous ne la sauverez plus! - Alors nous nous ense« velirons avec elle!» Tel fut le cri par lequel nous répondîmes tous. En ce moment j'ai vu cet homme, devant lequel tremblent des millions d'hommes, retenir avec peine les larmes qui lui venaient aux yeux. Allez en paix, nous dit-il, faites votre devoir et comptez sur les amis de la Prusse! Quoi qu'il ad

vienne, elle ne périra pas. Allez, et que Dieu vous conduise! » Il dit ensuite quelques mots à l'oreille de son aide de camp, fit un signe de la main, et la musique du régiment des gardes se mit à notre tête. On commanda : « Présentez armes! » et nous partimes, salués par un tonnerre d'acclamations de la garde, qui criait : « Vive l'empereur! vivent les Prussack! (Prussiens) » Rapporte cette histoire au roi Guillaume, vieux Barberousse, et il t'embrassera. Aussi bien n'en apprend-il pas tous les jours d'aussi agréables. N'a-t-il pas dû sanctionner récemment la condamnation à un an de forteresse prononcée, le 21 octobre, par le conseil de guerre du huitième corps d'armée, contre un de ses propres généraux, le vieux de Prittwitz-Gaffron, convaincu d'avoir, en mai dernier, à l'ouverture de la guerre, répandu des feuilles volantes dans lesquelles il excitait les hommes de la landwehr à ne pas se rendre sous les drapeaux? Tu ne voudras pas le croire, toi, Barberousse, et cependant c'est vrai, si vrai, que ce vieux serviteur, pensionné par son roi, ce général, qui, en 1861, commandait encore la place de Thorn, vient d'être enfermé à la forteresse de Glogau pour y subir sa peine, malgré ses soixante et onze ans et le décret d'amnistie.

Et lorsque, il y a peu de jours, le roi Guillaume est venu rendre à son bon frère de Dresde la visite qu'il en avait reçue à Berlin, se doute-t-il de ce qui s'est passé? Sait-il que beaucoup de fenêtres s'étaient hermétiquement fermées sur son passage, et que les sujets du roi Jean ont amicalement brisé les vitres de ceux qui avaient arboré le drapeau prussien? Sait-il que l'on voit avec peine, pour ne pas dire avec colère, les vainqueurs de Sadowa monter la garde devant le château de son bon frère de Dresde? qu'on les met en quarantaine, absolument comme à à Francfort, et qu'on paye de la plus noire ingratitude ses efforts désintéressés pour faire le bonheur des Saxons? Sait-il que, dans les Etats de Thuringe, on lui souhaite un Parlement bien hostile, de même qu'il y a un an on lui souhaitait une bonne défaite? Sait-il qu'à Francfort on est obligé d'expulser en son nom M. Frédéric Horn wack, un poëte lyrique, bien dangereux, à ce qu'il paraît, en vers et en prose? qu'à Berlin même on va saisir chez M. Hermann Kuhn, correspondant du Monde, jusqu'à des cartes de visite et un livre de comptes? S'il l'ignore, il

est un petit fait qui doit l'effrayer au moins autant, si ce n'est plus, car il est peu de souverains qui solent exempts de superstition. Le 3 de ce mois, par un temps parfaitement calme, les quatre ailes du fameux moulin de Sans-Souci se brisaient sans cause apparente, ainsi que la tête de l'arbre dans lequel elles sont assujetties; elles entraînaient dans leur chute une partie de la galerie avec sa balustrade et les étançons qui la supportent. Et pourtant depuis que Frédéric-Guillaume IV, plus heureux que Frédéric II, a pu acheter ce moulin historique, il se repose... comme le droit. Le moulin de Sans-Souci n'aurait-il pas voulu protester à sa manière contre la doctrine de la force, qui fait qu'il n'y a plus de juges à Berlin? Dans son bon temps, il s'en souvient, le droit était encore quelque chose, puisque, tout en volant une province, on était obligé de respecter un moulin.

Autre signe fâcheux : un oiseau fort rare vers le sud jusqu'au Danube, le bombicilla garrula, a visité Vienne par bandes nombreuses pendant cet hiver, chassé probablement des régions plus au nord par l'extrême abondance des neiges. Ce magnifi- ! que voyageur emplumé est regardé comme un oiseau de mauvais augure par le peuple autrichien, qui le nomme peste ou todten-vogel, oiseau de peste ou de mort, dans la croyance que son apparition nous prédit la peste, la famine et la guerre.

C'est pour cela qu'on se hâte de fortifier Vienne, qui va recevoir une triple enceinte avec quarante-deux forts détachés et une tête de pont fortifiée à Stadelau. C'est pour cela aussi que la Hongrie vient d'obtenir enfin son ministère national.

Mais écartons tous ces sinistres présages, et terminons par le récit d'une charmante fête de famille qui a eu lieu à Berlin le 20 février. Il s'agissait de célébrer le jubilé de cinquante ans de doctorat de l'illustre historien Léopold Ranke. Presque toutes les universités allemandes y étaient représentées par des députations, et des félicitations sont arrivées de tous côtés par voie télégraphique. A neuf heures du matin, le ministre des cultes était venu, de la part du roi, remettre au jubilaire la décoration de l'Aigle rouge de deuxième classe. Plus tard, à onze heures, se réunissaient les diverses députations, parmi les quelles figuraient, entre autres, les représentants de l'Académie

de Berlin, des universités de Berlin, Leipzig, Greifswald, Breslau, Munich, Kœnigsberg. La librairie était aussi représentée par MM. Henri Brockhaus et Geibel, de Leipzig. Ce dernier transmit au jubilaire les félicitations de MM. Duncker et Humblot, éditeurs de Leipzig. A midi, un dîner de cent couverts réunissait à la Maison anglaise les élèves et les admirateurs de l'illustre maître.

Voilà une commémoration qui vaut mieux que celle de cent batailles.

ABRAHAM ROLLAND.

P. S. 2 mars. Le Parlement du Nord vient d'élire pour son président M. Simson, président du Parlement de Francfort. Le duc d'Ujest a été nommé premier et M. de Bennigsen, deuxième vice-président.

II

Autre Correspondance.

LES PHILISTINS, LE PHILISTINISME ET LA PHILISTIE.
PARLEMENT DE LA CONFÉDÉRATION DU NORD.

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LE MINISTÈRE HON

GROIS.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Berlin, 1er mars 1867.

Les Allemands ont un mot intraduisible, qu'il faut rendre par un commentaire, c'est celui de philistin. Ils appellent philistin tout individu ami de la routine et rétif au progrès. Pourquoi philistin? Je l'ignore absolument; malgré toutes mes recherches, je n'ai pas pu remonter à la racine ou plutôt à l'origine de cette expression célèbre. Il y a quelque trois mille ans, les Philistins étaient les ennemis du peuple de Dieu. Il doit en être encore ainsi. Le peuple élu aujourd'hui, ce sont les hommes d'élite, les philosophes, les poëtes, les artistes; les philistins, ce sont les borgnes et les aveugles, les boiteux et les manchots... au point de vue intellectuel, bien entendu. Cette explication ne vous suffit pas? Il y a un mot français, lequel, pris dans une certaine acception, pourra peut-être venir à notre secours, c'est

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