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HISTOIRE NATURELLE. GEOLOGIE.

LES CORAUX DE LA FLORIDE 1.

A quelque distance de la pointe la plus méridionale de la Floride se développe une suite d'îles connues sous le nom de Florida Keys (cayes de la Floride), séparées de ce délicieux pays par un canal étroit qui s'élargit graduellement de l'est à l'ouest, et se comble d'année en année. Partant de Virginia Key et Key Biscayne, points très-rapprochés de la terre ferme, ces fles s'avancent dans la mer en forme de croissant jusqu'à Key West, à douze milles de la côte; mais leur chaîne se prolonge bien au delà, puisqu'à environ soixante milles plus à l'est, on retrouve, isolé dans le golfe du Mexique, le groupe de Tortugas. Quoique ces dernières îles soient, à l'œil, séparées les unes des autres, elles reposent toutes sur un récif de corail, continu sous l'eau, concentrique avec la côte, et visible là seulement où quelques-unes de ses sommités ont complétement accompli leur croissance.

On sait que l'élévation d'un banc de corail s'arrête à la surface de la mer; mais qui dira l'histoire de ses assises dans les profondeurs de l'abîme, de sa croissance, de ses éboulements?

'Une visite au curieux aquarium du boulevard Montmartre nous a rappelé cet article, oublié dans nos cartons, et qui est du célèbre naturaliste Agassiz. Le propriétaire de cet aquarium, déjà si curieux non-seulement par ses poissons, mais encore par les imitations de quelques grottes marines, pourrait trouver dans l'étude que nous publions l'idée d'une addition intéressante. (N. R.)

Car, là comme partout, la création et la destruction semblent se donner la main. Des matériaux arrachés à une partie du banc vont s'y rattacher plus loin, comme pour le fortifier sur un point après l'avoir affaibli sur un autre.

On voit au Zoological Museum de Cambridge de gros fragments de bancs de corail qui donnent à juger assez exactement de l'aspect qu'un récif en progression offre au-dessous du niveau de la mer. Quelques-uns de ces fragments consistent en ce qu'on pourrait appeler des terrasses superposées entre lesquelles on aperçoit d'innombrables cavités dues aux irrégularités de leurs surfaces, où non-seulement les animaux constructeurs, mais aussi des coquillages, des vers, des crabes, des étoiles de mer, des oursins, etc., viennent s'installer, s'établir et jouir d'une tranquille retraite.

On se tromperait si l'on regardait un récif de corail comme une construction partout également massive et compacte. On le comparerait plus justement à une forêt où croît une multitude de plantes rampantes ou grimpantes, de fougères, de mousses, de fleurs sauvages, d'arbrisseaux nains qui remplissent de broussailles les espaces compris entre les plus gros arbres. Un banc de corail a aussi ses broussailles; légères, branchues, brillantes, elles comblent les interstices qui frangent son sommet et, revêtant ses flancs des formes les plus délicates et les plus gracieuses, elles offrent de sûrs abris à diverses espèces de la création marine, qui viennent s'y réfugier pour se garantir de l'action souvent désordonnée des flots, comme beaucoup d'animaux terrestres préfèrent à une plaine découverte l'abri de bois épais et touffus. Une forêt n'est pas plus peuplée d'oiseaux, d'écureuils, de fouines, etc., qu'un banc de corail ne l'est d'une foule d'êtres variés qui, malgré l'asile qu'ils y trouvent, ne contribuent en rien à son accroissement.

Mais cette analogie est plus complète encore; car, de même qu'une foule de parasites imperceptibles à l'œil nu, surtout les insectes et leurs larves, se logent dans l'arbre, les uns s'arrêtant à l'écorce, d'autres pénétrant jusqu'au cœur, de même aussi une multitude de coquillages et de vers de mer, cherchant leur voie dans les entrailles solides du rocher, le percent dans toutes les directions, jusqu'à ce que de gros blocs en deviennent telle

ment minés, qu'il suffit d'une tempête pour les détacher de la masse. Ainsi séparés, ces débris sont ballottés, heurtés, brisés, pulvérisés par les vagues; constamment soulevés par les marées et les orages, ils sont portés au sommet du récif, dont les parties saillantes au-dessus de la surface de l'eau ne tardent pas à se couvrir de détritus provenant d'insectes, de coquillages, de vase et de mille autres substances enlevées aux terres voisines; un ciment calcaire s'élabore avec la décomposition de débris rocheux maintenus en suspension dans la mer, et que chaque vague vient y jeter. Tels sont les éléments d'un dépôt des plus compactes, qui devient bientôt un sol fertile propre à favoriser une prompte végétation; finalement, des graines apportées par le vent, ou venues du rivage, ou échappées du bec des oiseaux, germent sur l'île nouvelle.

Le palétuvier, arbre appartenant aux climats tropicaux, est particulièrement favorable à la formation de ces îles. Sa graine germe dans le calice même de la fleur, et, avant sa chute, il a produit de petites tiges brunes longues de trente à cinquante centimètres, grosses comme le doigt et garnies à l'une de leurs extrémités de petites racines déjà développées. Ces tiges du palétuvier, qui ressemblent singulièrement à des cigares, flottent souvent en grand nombre près des récifs de la Floride. J'en ai vu parfois en si grande quantité, que l'on aurait pu croire au naufrage de quelque navire de la Havane dont le précieux chargement se serait éparpillé sur l'Océan.

Ces rudiments de racines rendent les tiges plus pesantes d'un côté que de l'autre; aussi ces dernières ne flottent-elles pas horizontalement. Lorsque le flux les a portées sur le sol que j'ai décrit, les racines s'y attachent légèrement; le mouvement de va-et-vient des vagues les abaisse, les redresse tour à tour, jusqu'à ce qu'elles se soient logées et fermement implantées dans le sable; elles demeurent alors droites, commencent à croître et jettent de nouvelles racines qui, jusqu'à plusieurs pieds du sol, entourent la partie inférieure du tronc de l'arbre comme d'un filet à mailles serrées. Toutes sortes de matériaux, sable, vase, coquillages, etc., viennent ensuite s'assembler contre ce treillis naturel, et, comme les palétuviers se multiplient aisément et atteignent une hauteur assez considérable,

ils contribuent grandement à la solidité des terrains sur lesquels ils se sont élevés.

Ce sol nouveau est naturellement très-fragile et il peut être complétement balayé par une violente tempête, comme on l'a vu, il y a peu d'années, pour le phare de Sand Key, qui fut enlevé avec l'île entière sur laquelle il avait été construit. On ne doit donc le tenir pour sérieusement consolidé qu'après une longue période de temps et de nombreuses accumulations successives.

Plusieurs cayes de la Floride, telles que Key West et Indian Key, sont déjà devenues de grandes îles de plusieurs milles d'étendue, habitables et habitées. L'intervalle entre elles et la terre ferme se remplit peu à peu par le même procédé que celui qui les a formées. Leurs pentes douces et celles du canal qui les sépare de la terre ferme sont couvertes d'excroissances du plus léger corail branchu, tel que les gorgones, les corallines, etc., qui jouent le même rôle que les racines inextricables du palétuvier. Tous les débris du récif, ainsi que le sable et la vase apportés du rivage, se prennent, s'arrêtent dans ce filet de corail qui croît dans le canal et y forment une masse continue, douée d'un certain degré de consistance, et qui finira, en comblant l'espace dans un temps plus ou moins éloigné, par unir la Florida Key aux rives actuelles du continent.

Un autre banc s'étend au delà des cayes précédentes; abrupt comme le premier du côté du large, il s'abaisse insensiblement vers le récif intérieur, dont il est séparé par un canal. Moins rapproché que ce dernier de la surface de l'eau, on y découvre cependant çà et là une couche de sable assez considérable pour y fonder un fanal, et donner à penser qu'une suite d'îles pourrait bien aussi se former à son sommet.

Il pourra paraître étrange que ce banc ne s'élève pas horizontalement au niveau de la mer et qu'il produise des îles, au lieu de former une masse continue. Cette circonstance est due autant à la délicatesse des coraux, qui cèdent à toute influence défavorable à leur vitalité, qu'à l'inégalité comparative de la croissance des diverses espèces qui les construisent. Partout où un courant parti du rivage passe sur le banc, qu'il couvre des impuretés transmises par la terre, la croissance des coraux se

ralentit et, conséquemment, ces fractions du récif s'élèvent moins rapidement que celles où de semblables influences défavorables ne se sont pas fait sentir. Mais, quoi qu'il en soit, le banc extérieur arrivera, avec le temps, dans toute son étendue, à la surface de l'eau, et se joindra au récif intérieur, alors que déjà, depuis longtemps, celui-ci ne fera plus qu'un avec les côtes actuelles de la Floride par la consolidation des couches de sable qui, un jour, transformera son canal en terres sèches.

Mais quelle est la mesure de la croissance de ces bancs de corail? C'est ce que nous ne saurions déterminer avec précision, parce qu'ils sont aujourd'hui à peu près complétés. Toutefois, comme on sait que le corail s'élève partout où il prend pied, il ne resterait qu'à déterminer le taux approximatif de croissance de chacune des différentes espèces. Calcul difficile ! car l'élévation progressive du récif n'est pas en raison directe de la hauteur des coraux vivants; elle doit se mesurer d'après ses parties solidifiées qui ne se décomposent jamais. N'y a-t-il pas, d'ailleurs, beaucoup de madrépores délicates et fragiles qui atteignent une hauteur considérable, mais ne contribuent à l'accroissement du banc que pour l'épaisseur qu'elles n'ont acquise qu'après avoir été renversées et ramenées à son sommet? Une forêt abattue n'exhausse pas la terre d'une épaisseur égale à la hauteur de ses arbres, mais bien d'une couche légère produite par la décomposition de sa végétation tout entière; de même, pour le banc de corail, nous devons tenir compte non-seulement de la déduction des parties sans consistance, mais encore de la division de toutes les branches fragiles qui risquent d'être brisées par l'action des flots, et qui ne peuvent, par conséquent, ajouter au banc qu'en proportion de leur volume quand elles sont sur pied.

Les fondations du fort Jefferson, entièrement construit de roches de corail, ont été creusées, en 1846, sur les Tortuga. Un ouvrier contre-maître fort intelligent observa certains coraux qui s'étaient établis sur ces fondations, et fit un rapport sur la marche de leur élévation progressive. Il me montra les rochers sur lesquels les coraux avaient, disait-il, crû de vingt-cinq centimètres environ en dix années, et l'exactitude de ce fait m'a été confirmée par plusieurs témoignages provenant de localités

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