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sont fiers... d'appeler le roi Guillaume « mon cousin » et M. de Bismark «mon noble ami! » Entre autres charges de cour, à Berlin, l'Almanach nous apprend qu'il existe « un grand maître de cuisine!» qui est un comte de Konigsmark. Il doit avoir fort à faire si le roi nourrit tous les fonctionnaires attachés à sa maison. L'Almanach de Paris fera une rude concurrence à l'Almanach de Gotha jusqu'à ce que Paris soit annexé à Berlin..., ce qui semblerait devenu un des rêves des vainqueurs de Sadowa. (Voir notre Correspondance d'Allemagne.)

Nous avons reçu trop tard quelques-uns des plus magnifiques volumes de la saison pour pouvoir en parler avant le 1er janvier; mais on peut justement appliquer à leurs éditeurs le souhait banal d'une bonne année suivie de plusieurs autres. Le Monde de la Mer, par Alfred Frédol, a-t-il rien perdu à avoir deux ans de date? Le Monde des Papillons (nous en avons parlé à la suite de l'article des architectes ans mains) ne sera-t-il pas plutôt de circonstance ce printemps que cet hiver? Les Fougères, publiées par le même éditeur, forment une suite de figures aux couleurs toujours fraîches. Quelle riche mosaïque pour être transportée par nos Pénélopes sur un canevas de tapis! Il y a mieux, l'histoire botanique et horticole des fougères, telle qu'elle est rédigée par trois auteurs sous la direction de M. J. Rothschild lui-même, est un riche trésor d'expressions qui peuvent devenir une étude utile pour le style pittoresque et poétique. Notre ami Marmier nous raconte aujourd'hui les chastes amours d'un botaniste suédois qui aurait fait le tour du monde pour former un herbier aussi splendide que le volume publié par M. Rothschild, et nos lecteurs n'ont qu'à franchir un des ponts de la Seine pour se le procurer! C'est à rendre une dame folle de la botanique. La chromo-lithographie y surpasse la nature par le simple procédé d'une scrupuleuse imitation.

Quant à l'Oiseau, de M. Michelet (une huitième édition), les 210 vignettes sur bois de M. Giacomelli auraient rajeuni ce beau livre s'il pouvait vieillir, et c'est celui sur lequel, inspiré par la gracieuse Mme Michelet, notre philosophe a répandu les plus charmantes coquetteries de son style. Les idées y ont des ailes comme ces habitants de l'air dont M. Michelet décrit les formes, les mœurs, les nids et les amours. Relisez le chapitre où l'historien des oiseaux raconte sa visite dans un muséum et, comme un magicien, rend la vie à la nature morte; mais ce n'est pas M. Michelet qu'il faut louer le plus dans ce volume, c'est l'artiste, c'est l'éditeur, c'est l'imprimeur, qui ont conçu et exécuté ce livre en artistes.

La Vie souterraine, les Mines et les Mineurs M. Simonin, l'auteur de ce livre, a compris son sujet comme un récit de la lutte de l'homme contre un ananké non moins formidable que l'ananké des éléments,

auquel Victor Hugo fait déclarer la guerre par ses « travailleurs de la mer.» Mais, pour rendre ce récit aussi dramatique que celui du romancier-poëte, M. Simonin n'a eu besoin que de sa réalité la plus exacte. Que d'études suppose ce volume! Virgile ne fait descendre qu'une seule fois Énée au Tartare et il l'arme d'un talisman, le rameau d'or de la sibylle ; Dante s'y fait accompagner de Virgile luimême et se met sous la protection de Béatrice. M. Simonin, sans rameau d'or, sans poëte et sans fée ou sainte secourable, a dù affronter seul les ennemis du houilleur, l'incendie du feu souterrain, l'explosion du grisou, les gaz viciés, les éboulements, etc., car, hélas! malgré toutes les précautions humaines, malgré la lampe de Davy, chaque jour une catastrophe nouvelle nous fait voir que le facilis descensus averni, la facile descente dans la mine, est une des nombreuses tentations que la mort présente aux explorateurs du monde souterrain. Le curieux a quelques chances de plus en sa faveur; mais qui lui garantit qu'une explosion ou un éboulement n'aura pas lieu juste au moment où il parcourra ces régions sombres qui, comme l'avare Achéron des anciens, ne rendent pas volontiers au jour celui qui vient leur dérober leurs trésors, houille, fer, cuivre, argent, or, diamant, etc.? M. Simonin a pénétré dans toutes les espèces de mines (excepté celles du pétrole, que la Revue Britannique a décrites si complétement l'année dernière), et il a eu le bonheur d'en revenir : ce doit être personnellement un homme d'une physionomie particulière, dans le genre du poëte florentin, qui, dit-on, ne pouvait traverser une rue ou une place sans voir un doigt indicateur étendu vers lui, et sans entendre un passant, se tenant à une distance respectueuse, dire aux autres : « Cet homme a visité l'enfer. » M. Simonin convient lui-même que le mineur contracte à la longue un aspect de corps et de visage qui le distingue des habitants du monde éclairé par le soleil. Avoir visité tant de mines successivement, y compris celles de mercure, doit équivaloir à un séjour prolongé dans une seule. En tout cas, la mémoire de M. Simonin est restée intacte, et il nous raconte autant d'événements et d'incidents qu'il y en a dans toutes les Impressions de voyage d'Alexandre Dumas, récit, disons-le encore une fois, aussi vrai que dramatique, récit illustré par des centaines de gravures et des cartes comme les prodigue la maison Hachette aux élus de sa librairie. Cette librairie est un véritable paradis ou élysée bibliographique sur le seuil duquel on rencontre la foule des auteurs aux manuscrits refusés, foule suppliante et aussi nombreuse que celle des ombres repoussées par Caron de la nef où il admet Énée :

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La maison Hachette, si riche en livres classiques, ne m'en voudra pas, j'espère, de mes comparaisons, plus exactes que neuves, et inspirées peut-être par le ripa ulterioris amore qui laisse une autre foule à la porte de la maison Lévy.

Il serait bien possible qu'au-dessus de tout ce luxe de calcographie et de chromo-lithographie, dont je me fais le sincère enthousiaste, les vrais amateurs missent le volume qu'un de nos plus savants bibliophiles, M. Le Roux de Lincy, vient de consacrer à la vie et à la bibliothèque de Jean Grolier1. Si, par hasard, ils avaient tort, le papier leur donnerait raison dans vingt ans. Je ne veux pas dire que la matière soit supérieure à l'œuvre, mais seulement que l'œuvre méritait ce papier (qui est celui qu'aurait choisi Jean Grolier lui-même), car papier et œuvre méritent doublement une de ces reliures connues des bibliophiles comme reliures de Grolier. Je ne puis mieux louer le livre de M. Le Roux de Lincy, qui fait à son libraire, M. Potier, un compliment dont ses confrères pourront être jaloux; mais combien en est-il aujourd'hui qui seraient dignes d'être les collaborateurs d'un bibliophile aussi érudit? Hélas! combien de lecteurs se demanderont si ce Jean Grolier a laissé un nom qui justifie le monument typographique élevé à sa mémoire? Jean Grolier eut une bibliothèque dont la dispersion est aussi déplorée par les amateurs que la dispersion des Juifs par les prophètes d'Israël. Mais quel livre a-t-il écrit lui-même? quelle bataille a-t-il gagnée? quel traité de paix a-t-il négocié? Je m'arrête à ces questions, par lesquelles je me rappelle avoir jadis scandalisé mon ami A. de Terrebasse, le Châteaugiron dauphinois, que je ne scandaliserai plus après avoir lu les recherches de M. Le Roux de Lincy. Aujourd'hui je serais vaniteusement tenté d'aller défier mon autre ami le bibliophile Jacob au milieu de la bibliothèque où il remplace si bien Charles Nodier, ce bon Nodier, mon premier maitre en bibliographie, accusé d'avoir légèrement pu croire que le révérend M. Dibdin, ce don Quichotte des bibliomanes anglais, avait confondu Jean Grolier avec un doreur de livres. M. Le Roux de Lincy a cherché en vain cette erreur dans les ouvrages de Dibdin. Mais que n'a-t-il par cherché et trouvé? A mon tour, voulant lui prouver que je l'ai lu, j'ai relevé, à la page 159, deux lettres de moins au nom du duc de Marlborough, - à moins qu'un bibliophile n'ait le droit d'écrire ce nom comme l'auteur de la chanson Mironton, mirontaine. AMÉDÉE PICHOT.

M. A. Ribot, avocat, a publié une biographie de lord Erskine, dont nous parlerons.

Nous étions sous l'influence du jugement que, dans un de ses plus brillants Essais, lord Macaulay exprime sur Machiavel: M. Paul Deltuf a trouvé l'art de nous intéresser encore à la controverse provoquée par ce génie si diversement interprété selon le point de vue où l'on se place. Maint aperçu de cette nouvelle biographie critique nous à paru ingénieux; l'ensemble de l'ouvrage témoigne d'ailleurs d'études consciencieuses et d'une impartiale exemption de tout parti pris. Les conclusions sont donc excellentes.

M. Crétineau Joly publie en deux volumes (lib. Amyot) l'Histoire des trois derniers princes de la maison de Condé, épisodes tragiques dont le drame s'emparera un jour. Si nous avions eu entre les mains les documents plus au moins authentiques de l'ouvrage, nous aurions attendu quelques années encore pour en faire usage. Nous ne voyons aucune opportunité à reproduire certaines allégations, n'auraient-elles pas été complétement réfutées devant les tribunaux du temps.

Le cours d'hindoustani, à l'École impériale des langues orientales vivantes, est chaque année ouvert par un discours de M. Garcin de Tassy, qui mét ses auditeurs au courant de tous les progrès de la civilisation européenne dans l'Inde. Ces progrès sont lents, mais ils sont réels. Le professeur nous a fait connaître, le 3 décembre dernier, un des instruments les plus puissants de l'infiltration des idées : c'est

presse vingt-six journaux nouveaux ont été fondés dans l'inde en 1866, et dans le nombre, parmi les plus anciens, il en est qui entretiennent chez leurs lecteurs la curiosité des sciences et des littératures étrangères. M. G. de Tassy signale encore des traductions de l'anglais en hindoustani qui ne peuvent que concourir utilement au même but. – Ce discours d'ouverturè attesté, commé les précédents, la riche érudition de celui qui l'a prononcé.

M. L. Wolowski a publié en petit format sa piquante conférence sur la monnaie, qui ne peut que populariser les principes économiques dont le professeur du Conservatoire des arts et métiers s'est fait l'interprète dans sa chaire. Le Times le citait dernièrement, car M. L. Wolowski est une autorité en Angleterre comme en France. Soyons juste: en Angleterre aussi, et en Écosse surtout, comme en France, M. Michel Chevalier fournit des arguments dont profitent les économistes d'une autre école sur la question des banques et de la circulation mo

nétaire. Le Blackwood Magazine n'a pas encore été converti par M. Louis Wolowski. Sa déposition dans l'enquête achèvera cette conversion.

L'Annuaire de notre bureau des Longitudes a un rival en Belgique, c'est l'Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles, dont le principal rédacteur est M. A. Quetelet, secrétaire perpétuel de l'Académie royale et membre des principales sociétés scientifiques de l'Europe. La trentequatrième année de cet Annuaire n'est pas moins intéressante que les précédentes, non-seulement pour les articles de M. Quetelet lui-même, mais encore de ses collaborateurs, qui s'inspirent de ses indications et de ses leçons pratiques, etc. Ainsi, de M. Mailly y complète ses notices si bien rédigées sur les institutions savantes de la Grande-Bretagne par de nouvelles notices sur le British Museum, l'Institution royale, la Société royale d'Édimbourg et l'Académie royale d'Irlande.

Les éphémérides, pour l'année 1867, sont utiles à consulter; nous y voyons l'annonce de quatre éclipses, deux de soleil, deux de lune. La statistique est rédigée avec un soin particulier, et les notes astronomiques attestent encore que M. A. Quetelet a dans son fils un coadjuteur digne de son nom.

Les lettres de Charles-Quint à Rabelais, citées dans notre livraison de décembre, sont définitivement authentiques. Nous en donnerons un fac-simile en février.

Nous apprenons la mort de M. Ingres. Le deuil de ses élèves et de ses amis sera un deuil national.

Une jolie petite publication hebdomadaire et illustrée, c'est le Musée des Enfants. Parmi les articles variés que contient chaque numéro de ce journal, nous remarquons les Aventures d'un Joueur de fifre, racontées par lui-même. Ce jeune conteur narre ses tribulations en pays étranger avec une gaieté qui rend très-attrayantes la morale et l'instruction répandues dans son récit.

Nous maintenons pendant un mois la réduction-prime sur l'Histoire de la Caricature; mais, en livrant ce volume au prix exceptionnel de 5 francs au lieu de 10 francs, nous réclamons 50 centimes en plus pour le port.

Le Directeur, Rédacteur en chef: AMÉDÉE Pichot.

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