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feroit-ce pas
attirer noftre ruïne, puis que
c'eft nous quile compofons en partie? quelle
raifon nous y obligeroit, ne viuons-nous
pas paifiblement & foubs vne domination fi
douce? n'auons-nous pas l'exercice de noftre
religion, la poffeffion de tous nos biens qu'on
nous pouuoit ofter, lefquels on nous a re-
mis, & on nous fait auffi la meilleure part de
ce que tous vos nauires amenent d'Europe:
mais quand on voudroit braffer quelque
entreprise, le pourrions-nous de nous-mef-
mes? feroit-ce le Roy Dom Iean qui nous y
fauoriferoit ? Quoy qu'il vouluft rompre
auec les Estats generaux, l'alliance defquels il
honore tant & luy eft fi chere, par les ordinai
res bien-faits, & le fupport qu'il en reçoit,
bien loin de nous auctorifer, il employeroit
pluftoft toutes les forces pour nous destrui→
re. Ces traiftres & artificieux difcours fecont
dez de dons & prefents, firent changer la de
liberation prife par les feigneurs du Confeil,
de fe faifir de tous les principaux,& d'enuoyer
faire vne recherche exacte par rout: Ils fe per
fuaderent que la coniecture eftoit trop fois
ble, & que quand les Portugais auroient le
cœur à quelque reuolte, que cela fe defcou
uriroit affez, qu'il leur eftoit impoffible d'en
venir à bout, que le Roy Dom Ican fe done
neroit bien garde d'heurter les Eftats gene-

a

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raux qui luy estoient fi neceffaires : par ainfi ils ne diminuerent rien de l'eftime où ils auoient cesPortugais,s'occuperent au negoce, mépriferet les diuers aduis qu'on leur donna, & leur continuerent le mefme accez& priuautés qu'auparauant: mais entr'autres eftoit tresbien venu Iohan Fernandes Diera, Molate de naiffance, efclauc affranchy, pourtant intelligent & homme fubtil; il auoit efté quelques années domeftique de l'vn des politiques,prit connoiffance des affaires, s'acquit de la creance,tenoit à ferme les droits de laCompagnie fur le fucre qui fe faifoit dans les EnEngins font les lieux gins, faifoit couper le bois de brefil, auoit & maisons de la cam toufiours quelque propofition à faire pourle profit de la Compagnie, & toufiours quelques raretés curieufes ou de valeur qui n'auoient pas efté veuës, qu'il venoit offrir aux feigneurs & magiftrats pour gagner leurs af fections;il eftoit en tel credit & faueur parmy cux, que fouuent il eftoit appellé pour dire fon opinion, concernant les affaires de la Compagnie, qui ne luy eftoient pas autremét cachées, parce qu'on fe fut meffié de tout autre pluftoft que de luy; mais fon pere estant Portugais il les aimoit mieux que les Hollandois. Il fut remarqué qu'il publioit en diuers lieux certains mefcontentemens contre le Confeil, de ce qu'on ne luy auoit voulu rien ra

pagne où l'on fait le fucre,

battre

battre du prix de fa ferme, où il difoit auoir beaucoup perdu, fans fes peines: cela fut écript au Viceroy qui le prattiqua, l'attira à son feruice, luy donna penfion & promeffes de le faire grand, moyennant qu'il luy mandast fidellement ce qui fe pafferoit, les aduis & le temps qu'il iugeroit propre pour chaffer les Hollandois; enfin il ioüa fi bien fon personnage pour ne point manquer à fa parole, & pour l'acheminement de fes intentions, qu'il fift prouifion de longue main dans fa maison, de moufquets, fuzils,poudre & plób: cependant qu'il donnoit les inftructions à la Baye de ce qui fe difoit & faifoit au Confeil du Recif& parmy le peuple; fes lettres n'eftoient pas addreffées au Viceroy, mais au nommé André Vidal son fauory, fils d'vnseigneur d'Engin de Parayba, qu'il connoiffoit particulierement, auquel il efcriuit vne fois que les Portugais auoient gagné leur caufe Recif,qu'ils auoient eu le temps de ferrer leurs armes,qu'il eftoit temps de fe défaire des Hollandois & furprendre leurs places, qu'il vint le trouuer en diligence & prift le pretexte de venir vifiter fon pere; Vidal luy fit refponce qu'il feroit bien-toft à luy pour reconnoistre leurs forces & aduifer à tout, qu'il faifoit equipper vne bonne flotte, laquelle paroiftroit en temps & lieu. En attendant auec im

G

au

Paray ba eft vne Ca

du

pitanie ou Prouince Brefil, la ville & aufli Parayba du nom trement le fort fainte

le chafeiu s'appelle

de la Prouince, & au

Marguerite.

patience la venue de Vidal, il aduint qu'vn Iuifnommé Moyfe d'Accoignes s'eftoit abfenté du Recif à caufe de fes grandes debtes, qu'il eut bien acquittées,s'il eut peu eftre payé des Portugais, & pour efuiter la prifon s'alla

cacher dans la maifon de ce Iohan Fernandes . Diera, à vne lieuë du Recif:L'vn de fes domeftiques qui fçauoit le fecret, inuita indifcrettement ce luif d'eftre du party & de vouloir y contribuer fon poffible, que c'eftoit le moyen de le rendre riche, lequel feignant d'en eftre bien aife, refpondit qu'il ne demandoit pas mieux que de reftablir fa fortune ruynée:mais le lendemain il n'attendit pas la pointe du iour pour en venir donner aduis au Recif, enuoya fupplier les feigneurs du Confeil par vn folDeffein defcouuert. dat,de lui accorder vne feureté de corps,pour leur aller declarer de bouche vne confpiration contre l'Eftat. Ils luy permirent feulement d'en approcher de demy lieuë, où Vvalbech leur fecretaire, auec trois autres Juifs, furent fçauoir ce qu'il auoit à dire; apres qu'ils l'eurent escouté, ils en allerent faire leur rapport au Confeil,qui repartit que ce n'eftoit que des bruits mal fondez du ple & vne inuention de ce banqueroutier,afin d'en auoir recompenfe, & exemption ourépit pour payer fes debtes,que cela les rendroit mefprifables, fi fur le moindre rapport du

peu

premier venu ils faifoient à tous momens des affrons aux Portugais, & qu'ils fçauoient bien que plufieurs perfonnes portoient enuie à Diera. On leur donna auffi aduis que le nomméManuel Franc Portugais,familier & grand amy d'André Vidal, & lequel frequentoit ordinairement chez fon pere, donnoit ouuertement tous fes moyens en Parayba à perfonnes foluables, à condition de luy rendre trois pour vn, lors que les Portugais feroient abfolus dans le pays, & en paffoient des contracts par deuant Notaires publics, & dit-on qu'il fe deffitainfi de plus de vingt milliures.

Le départ du Comte Maurice, le dépeuplement de foldats, la vifible nonchalance de ceux du Conseil, à diuertir le mal qui les menaçoit, & le murmure du peuple, donnoit

de

l'apprehenfion à plufieurs, notamment à ceux qui auoient fait leurs affaires: ils prirent enuie de fe retirer au lieu de leur naiffance, ils s'empreffoient de ramaffer leurs biens au mieux qu'ils pouuoient, & s'embarquoient à la foule dans les vaiffeaux qu'on retournoit en Europe: mais cette prudence humaine ne feruit qu'à les hafter à rechercher la perte de leurs vies & de leurs moyens, car plus de douze beaux nauires prifez à tant de millions, & les perfonnes qui eftoient dedans furent miferablement engloutis dans la mer

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