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Danger du calme.

Eau mortelle.

Menfonge de quel

battu.

calme eut encore continué, il eftoit capable de nous faire perir tous, comme il eftoit arriué l'année d'auparauant à vn nauire Portugais fous la mefme Ligne, dans lequel ne fut trouué aucun homme viuant, & feulement fix fepmaines apres qu'ils furent tous morts, ainsi qu'il fut remarqué par le iournal, & felon que l'affeurerent deux matelots qui faifoiét voyage, & furent là prefents:L'eau mefme qui fortoit des nuës eftoit defia corrompuë,parauant qu'elle fut tombée, pleine de petits vers, & de plus eftoit fi veninieufe, que les gouttes n'estoient pas plustoft fur les mains, fur la face ou autres endroits du corps, qu'il s'y formoit des veffies & ampoules, auec quelque legere douleur.

Le vent deuenu fauorable nous fit voir le pole du midy; & cognufmes par là les difcours de certains hiftoriens fabuleux, qui diques hiftoricas com fent que fous la Ligne l'on peut confiderer de la veuë les deux poles en vn inftant; veu que tout au contraire, alors qu'on s'y rencontre iuftement,l'on n'y void ny l'vn ny l'autre ; pareillement ce qu'on efcript, que les flots de la mer des coftes du Sud & du Nord viennent às'entrechoquer l'vn contre l'autre fous cette Ligne, pour la marquer: car cette Ligne qui n'eft qu'vn cercle imaginé auCiel,& que nous disons eftre deffous, quand nous en fommes

à deux ou trois degrez deçà ou delà, ne fe peut ainfi connoiftre fur l'eau: Il eft vray qu'on apperçoit infenfiblement de la difficulté aux vaiffeaux, parce qu'en l'approchant il faut monter, & vne grande facilité à descendre, quand on l'a paffée. Vne quinzaine de iours s'efcoulerent à nauiger, que les Pilotes nous dirent eftre de la hauteur de la Baye de todos los Santos,à cent lieuës par delà le Recif, où ils eftoient allez expreffément chercher le vent du Sud, cent lieuës plus haut que de prendre deux ou trois lieues plus bas, pour la faifon de ce vent, qui comme celuy du Nord fouffle fix mois,& partagent ainfi l'année; & ayants pris. leur courfe contre la terre, ils nous promettoient de iour à autre de nous la faire voir. Six iours entiers se passerent en cette efperance, que voguats à pleines voiles nous defcouurifmes enfin le Cap faint Auguftin, & deux heures apres la ville d'Ollinde, puis le Recif, & en vinsnes ancrer à demye lieuë. Monfieur Vangoch fut le premier des nouueaux feigneurs qui y arriua: Il y auoit defia d'autres nauires venus depuis quatre ou cinq iours,. mais fi à propos, que s'ils ne nous euffent deuancez de la forte, nous n'euffions iamais mis pied à terre au Recif, mais forcez à nous en reuenir.Ce pauure peuple languiffant fe trouuoit tellement preffe de l'extremité de la faim,

qu'ils en auoient perdu la patience & l'efperance, & fans faire plus d'eftime ny du pays, ny des moyens qui leur reftoient, ne penfoiét plus qu'à fauuer leur vie & fe garantir de la nort. Dans cette impuissance de pouuoir fubfifter dauantage, ils auoient refolu dans le Conseil, & en l'assemblée des bourgeois,d'en uoyer le lendemain du iour que ces trois nauires arriuerent, capituler auec les Portugais, fe rendre à leur mifericorde, & leur tout abadonner, moyenant la vie, & qu'ils leur donnaffent des viures & des nauires pour s'en retourner. De tous ces habitans il n'y en auoit point de plus tranfis de frayeur que les Iuifs, aufquels les Portugais auoient iuré de ne iamais donner de quartier, & de les brufler tous vifs;auffi s'estoient-ils propofez de mourirles armes au poing & védre leur peau bien cheremét, pluftoft que de tõber entre leurs mains. Nos vaiffeaux ne furent pas fi toft reconnus, que toutes les barques & efquifs nous vinrent au deuant & nous amenerent en ce Recif, où nous entrafmes fur les huit heures du foir: Ie laisse à l'imagination du lecteur quelle fut la ioye, & les acclamations de ce peuple accablé de famine, quand il vit fes reftaurateurs. Ily auoit trois mois entiers qu'on ne leur distribuoit qu'vne liure de farine d'Europe de pois ou de febues par fepmaine, contraints

pour le furplus de fe raffafier d'herbes, racines & feuilles qui croiffoient fur leurs baftions & cimetieres, qu'ils faifoient bouillir quatre ou cinq fois dans l'eau bracque, c'eft à dire ceux qui pouuoient recouurer du bois, pour en ofter l'amertume, & les mangeoient affaifonnez d'vn peu de fel, auec les poiffons qu'ils pouuoient pefcher ;tous les magazins eftoiết vuides,il ne reftoit pour plus de deux mil bouchès, qu'vn tonneau de farine, trois de pois, & quelques trois cents de ftochvifch,poiffon fort fecq & fans humeur : enuiron quinze cents perfonnes moururent de mifere ou de faim, & bien autant qui furent tuez, pris prifonniers & qui fe fauuerentaux ennemis, depuis le commencement de la reuolte iufques! à noftre arriuée.

Toute la foldatefque & la bourgeoifie fe mit fous les armes, on n'entendoit que le tonnerre des canons des nauires du havre & des fortereffes, qui furent tirez auec tant de defordre & de confusion, qu'vn vaiffeau & vne maifon furent ruynez & confommez par le feu de ces canons. Si les obiets les plus hideux peuuent furprendre, nous eufmes bien raifon d'eftre eftonnez à l'afpect des efclaues & fauuages, qui estoient tous nuds: leurs vifages noirs comme ebenne, bazanez, oliuastres & de couleur enfumée, &

leurs yeux qu'ils affectoient de rouler dans leur tefte d'vn regard farouche, & leurs corps maigres & fecs comme des fquelettes, euffent infpiré de la frayeur aux plus affeurez. Ils eftoient placez aux feneftres des maisons, & le long des coftez des rues, tenants en leurs mains des flambeaux & lumieres, de forte que cette nuit eftoit mieux efclairée qu'vn iour ferain. La refiouyffance fut fi publique, qu'elle fut accompagnée de mille cris d'allegreffe, les vns en marque de leur ioye frappoient de toute leur force la terre de leurs pieds, les autres faifoient des pas eftudiez & extraordinaires: Et le lendemain,afin que cette lieffe ne fut point troublée par vn odieux fpectacle,Monfieur Vangoch fit grace à deux criminels conGrace aux prifon, uaincus de larcin nocturne, qu'on alloit executer à mort. Le temps de fix fepmaines fe paffa, auant que les autres feigneurs, le General, fes Colonels, l'Admiral & tous les autres nauires de la flotte fe fuffent rendus au Recif Ils auoient efté contraints par les orages, & pour aller faire aiguade, d'aller ancrer aux ifles fortunées, à faint Vincent,Marahon, Angola, Guynée, &c. & fe trouuerent finalement au nombre de quarante-cinq, les cinq autres. furent fubmergées, qui auec les deux qui perirent aux Dunes, firent fept vaiffeaux que la Compagnie des Indes perdit en ce voyage,

niers en marque de te flouy flance.

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