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retournant d'enterrer le corps du deffunt, nous trouuafmes la tefte de fon meurtrier feparée du corps dans le village de Fazaire, où elle auoit efté apportée dans vn panier par deux hommes, pour nous faire voir comme on en auoit fait iuftice. Andiamboule nepueu du Roy en auoit efté l'executeur, ayant fçeu l'affaire comme elle s'eftoit paf fée, car comme il n'y a point de prifon en ce païs-là, auffi n'y a-t'il point de bourreau particulier, le premier, fans aucune distinction de rang, ny de qualité, qui peut attraper celuy qui eft declaré coupable, tient à honneur d'en eftre l'executeur, ce qu'il fait à grande peine pour luy, & plus grande foufrance du condamné, auec le fer de fa lance, qui n'est pas bien propre pour couper vne tefte, eftant trop eftroit & leger, de forte qu'ils la fçient pluftoft qu'ils ne la coupent pendant que deux hommes tiennent le corps du criminel foubs leurs genoux.

Cefte execution ne nous ayant point fatisfaits;nous fufmes faire nos plaintes à Andianramac,luy demandant qu'il nous liurast Andianrazo, qui auoit fait tuër Meldron, nous le trouuafmes chez luy, les larmes aux yeux, pleurant ce mal-heur, nous difant,qu'il nous permettoit de tuer à coups de fuzil, celuy qui auoit cfté cause d'vn tel meurtre,

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nous demandant de quelle mort nous faifions mourir en France, celuy qui auoit fait tuër vn autre. Nous luy refpondifmes qu'on y coupoit la tefte aux feigneurs, & qu'on pendoit, ou mettoit-on fur la roue les perfonnes de baffe condition. Cela dit, il nous fit voir la tefte du fupplicié, nous disant,f fi nous estions contens, nous luy repartismes, qu'il y failloit adiouster celle d'Andianfazo, prenez le, nous refpondit-il, & en faittes comme il vous plaira. Il nous enuoya puis apres loger chez sa mere, où on nous four nit ce qui nous eftoit neceffaire. Le lende main nous fufmes dans la maifon de la me re d'Andianferon gendre du Roy, pour luy demander le coffre de Meldron, qu'elle auoit pour faire inuentaire de ce qui eftoit dedans: on vendit le tout à l'encan, chacun achetant ce qui luy eftoit necessaire, l'ache tay fes liures, cartes, & autres inftrumens feruant à la nauigation, que ie paiay depuis à fes parens à Dieppe, lors que ie fus de re

tour.

Cela fait ayant pris congé du Roy,ieretournay chez moy, où n'ayant point d'employ, ie pris refolution d'aller voir Andiam boule feigneur de la prouince d'Amboule, ou Anamboule, accompagné feulement de quatre negrés nous trouuafmes entrans ex

ce païs plufieurs villages bruflez, que le fol dat ennemi auoit ruiné. l'arriuay trois iours apres mon depart de Mannhale, la nuict eftant fermée, il y auoit plus de deux heures, au deuant le village qui donne le nom à ceste prouince, & à fon feigneur. Il eftoit comme font tous les autres villages de cette ifle, enclos de palis, & l'entrée fermée de fagots defpines. Ceux de la garde & les fentinelles, qui eftoient là pofées, ayant fçeu que c'eftoit vn Chreftien, & quelques negres qui defiroient entrer en ce lieu, le feigneur nous vint trouuer,& nous mena en fa maison, où il nous prefenta dequoy manger. A peine estions nous en train, que plufieurs trompettes qu'ils appellent Antfiues, faittes d'vne* conque de mer, que nous ap- les Poëtes attribuent pellons en France, Vignot, commencerent à à Triton. fonner effroyablement au fignal d'vn feu, que les voifins auoient faict d'vne montagne à vne autre, pour les aduertir de l'approche des ennemis. Les habitans s'armerent auffi-tost, le Seigneur me demanda si ie voulois aller à la guerre auec luy, ie luy dis que, puifque i'eftois auec ceux de ma fuitte à Andianramac, qu'il n'eftoit raisonnable de prendre les armes contre les fiens. Il fit eftat de ma refponfe, & dit aux femmes de sa maison, qu'elles nous fiffent bonne

* Telle eft celle que

chere. En mefme temps il arma, ou pluftoft couurit sa teste d'vn bonnet de paille, duquel pendoit vne grande queue cordelée de la mesme matiere, qui luy defcendoit iufques aux feffes, c'eftoit, commeie me le perfuade, pour fe rendre plus affreux à fes ennemis; puis ayant fauté à fa lance & à fes dardilles, il fit ouurir la barriere, fuiui des fiens, qui marchoient quatre à quatre de rang, faifant vn regiment de cinq cent hommes. Ie fus eftonné qu'au bout de deux heures, trois des foldats d'Andiamboule apporterent au fer de leurs lances autant de teftes de leurs ennemis, qu'ils ietterent au milieu de la place du village, qui furent mal traittées les femmes & enfans: ils en creuepar rent les yeux, en aracherent les cheueux, & apres les auoir foulées aux pieds, les bruflerent hors de leur village d'Amboule. Les victorieux eftans de retour, le Roy leur fit tuër trois bœufs, qui furent partagez entr'eux par morceaux. Ie ne feiournay plus longtemps audit lieu, & fçachant que les ennemis d'Andiamboule eftoient les fubietsd'Andianramac, ie pris mon chemin par les montagnes, aux fommets defquelles ie trouuay quatre fontaines fi chaudes,qu'on n'y pouuoit arrefter le doigt vn moment, fans le brufler. Les habitans font tous gens de for

ges, qui ayans tité le fer des mines, le fondent facilement au feu, estant beaucoup plus doux que le noftre, & en font des gueufes d'vn pied & demi delong, & quatre doigts de l'argeur, chaque gueule, ou barre, n'eft eftimée parmy eux, qu'vne vache. Defcendant les montagnes ie fus baifer les mains à Andianramac en fon village de Fazaire, auquel ie racontay ce que i'auois veu à Amboule, delà ie retournay à Mannhale vers Andianmachicore, oùie fçeu par Abraham le Gaigneur, vn de mes affociez, que les Machicores auoient tué neuf Mannhalois, & enleué quâtre cent bœufs, dans lefquels nous y en auions quatorze. Tout eftoit en grande rumeur. Andianmachicore enuoya auffitoft aduertir tous les villages fur lefquels il commandoit : chacun fit fon efcoüade particuliere, auec fon trompette de vignot,pour moy i'en auois vne de corne de bœuf, de deux pieds & demy, courbée en façon d'vn cornet de chaffe. Andianmachicore con-duifoit l'auant-garde,ie le fuiuis auec fix negres chargez de mes moufquets & fuzils,accompagnez d'vn feptiefme, qui portoit mes prouifions de gueule. Nos foldats. gaillards & difpos, excitez par le defir de vangeance marchoient fi vifte,qu'à grand peine les pouuois-ie fuiure, m'ayans deuancé en moins

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