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lieux toute couuerte de vers qui brillent la nuict, comme des petites chandelles, il arriua, que ceste maudite engeance fe prit à noftre vaiffeau, & fe fourra fi auant en tous les endroits qui eftoient dans l'eau, depuis la quille iufques à fa premiere ceinture, ou nuaison, c'est à dire, iufques au lieu où l'eau mouille, lors que le vaisseau est chargé, que n'euft efté le ploc ou poil, qui tombe des cuirs des boeufs & vaches, lors qu'on les veut mettre dans les pleins,qui eftoit entre les bors des doublages, nostre vaisseau eust coulé à fond, nonobftant quoy, comme la pourriture euft fuiui ce degaft, l'eau croupiffant dans les trous que ces animaux auoient faits, lefquels entroient les vns dans les autres à trauers les planches & le gouuernail, nostre nauire fut iugé incapable de pouuoir repaffer en Europe.

Nous auions des Negres à la fournée pour vne corde de raffades, ou patenoftres de verres de plufieurs couleurs, les bois eftoient proches de nous, nous en filmes bastir vn magafin, dans lequel nous filmes porter les marchandises qui eftoient au nauire, les ca* C'eft adire,les cor- nọns & les * agreż, auec les * munitions. dages, anchres, ca- Puis nous l'abandonnafmes couché fur fon bles, poulies, masts, flanc fur le fable, n'y ayant per de flux balles, & mefches, en cet endroit, qui le pet porte plus auant.

& voiles.

Sont les poudres,

Les Negres en firent leur profit, emportans tout ce qu'il y auoit de fer, bandes, cheuilles, & clous.

Le magazin acheué, & tout ce que nous voulions conferuer mis dedans, noftre Capitaine m'enuoia auec Claude Ferrand premier pillote, Guillaume Reade premier Canonnier, & Elie Vafague pour reconnoistre la vallée d'Augoule, qui eft vne prouince abondante en beftail, efloignée du port de faincte Claire de feize lieuës, à la gauche de Fanzaire. Cette vallée eft enuironnée de toutes parts de montagnes couuertes de forests, ayant fept villages bien peuplez, qui ne reconnoiffent aucun Prince, ny gouuerneur. Noftre deffein eftoit de changer partie de noftre marchandife contre du beftail, mais ces gens-là ne fongeoient qu'à nous tuer,& voler. Ce qu'ayans apperceu, nous deman dafmes escorte, & main-forte au maiftre du premier village que nous rencontrafmes,lequel auec quelques habitans nous vint trouuer dans le logis où nous eftions, nous promettant d'apaifer ce bruit, ou de mourir auec nous. Il alloit vers eux, puis retournoit à nous, tachant à nous accorder, mais comme ces pendars nous euffent attaquez en la prefence, & que i'en eus mis vn deux par terre vn coup de fuzil, la tempestes'é

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meut plus grande, de forte que pour l'euiter nous fufmes contrains de retourner fur nos pas. Le mal eftoit, que pour fortir de cette vallée, il failloit monter dans des forefts, ils occuperent les chemins, s'eftans faifis des lieux eminens, d'où ils nous attaquoiét à coups de pierres, nous difans que nous laiffaffions noftre marchandise, pour recompenfer la vefue, & les enfans de celuy que l'auois tué, autrement qu'aucun de nous n'eschaperoit de leurs mains. Alors Guillaume Reade dechargea fon moufquet fur eux, ce coup qui en mit cinq fur la pouffiere, les eftonna tellement, qu'ils nous donnerent le loifir de gaigner le païs d'Andianramac, chez lequel ils nous fuiuirent, qui ayant entendu comme la chofe s'eftoit paffée, il les gourmanda de parolles, les appellant voleurs, & les chaffant honteufement, auec menace de les faire punir.

Le lendemain nous retournafines vers nos gens qui eftoient au port de S. Claire, où eftoit vn vaiffeau Hollandois de la charge de trois cent tonneaux, venant de la baie d'Antongil, ils y auoient acheté des Negres pour s'en feruir en l'ifle Maurice, ils nous venoient vifiter en noftre habitation, fçauoir comme nous nous portions, & ce que nous auions fait auec ceux de Madagascar

depuis le temps que nous estions auec eux. Ils fe chargerent de vingt-cinq des noftres, noftre barque n'eftant capable que de vingt hommes, ceux qui entrerent en leur vaiffeau eftans arriuez en l'ifle Maurice prirent parti auec eux, & s'en allerent aux Molu, ques.

au fond pour par fa

Apres qu'ils furent partis, on donna vn doublage par deffus le bordage de noftre barque, crainte des gros vers luifans, defquels nous auons parlé cy-deffus ; & d'vn gros cable de noftre nauire nous en filmes deux, chacun de fix--vingt braffes de long pour noftre ditte barque, qui fut * leftée de * C'est à dire mise bois d'ebene,& de dix-huict tonneaux d'eau, pefanteur fouftenir le tonneau tenant vne queue,& du bois à brûle vaisseau en estiue. ler.Chargée defix cent cuirs de bœufs, quantité de cire & gommes du païs, & d'vne grande partie de la marchandise que nous auions amenée de France, auec deux pieces de canon de fer portant quatre liures de balles, & deux autres de fonte mefme calibre, qu'on mit au fond du vaiffeau, iufques au Cap de Bonne Efperance, à caufe des tourmentes ordinaires en ces lieux. Dans cette barque entra Taques Soulas, qui auoit cfté maistre du grand vaiffeau de faint Alexis, auec dixneuf autres.

Il partit du port de faincte Claire, que

ceux du païs appellent Y tapere, fur la fin du mois de Mars mil fix cent quarante, apres auoir feiourné audit port vn an entier. Pendant lequel temps estant arriué vn vaisseau de Dieppe venant de la mer Rouge, duquel eftoit Capitaine vn nommé Digart, & maiftre lacques Guefpin de Dieppe,il y euft de la diuifion entre ceux-cy & les noftres. Ce vaiffeau, de la charge de deux cent tonneaux retournoit en France, la plufpart de ceux qui eftoient en iceluy abbatus de faim & de maladies, leurs viures ayant efté corrompus, ensemble leur eau,& perdu leur barque auec vingt hommes, que la tempefte auoit raui. Nous les fecourufmes de viures & de rafraichiffemens, & apres plufieurs conteftations inutiles, il fut enfin refolu, qu'ils fe chargeroient d'vne bonne partie des marchandifes qui eftoient en noftre magazin pour les porter en France à ceux de noftre compagnie qui eftoient à Paris & à Rouen, les principaux de laquelle fe nommoient Berrulier, & des Martins, à condition que ceux du vaiffeau de la Marguerite, commandé par ledit Digart, partageroient efgallement auec deux de noftre-ditte compagnie, lors qu'ils feroient arriuez en France. Cela ainfi fait, on mit les voiles au vent, emmenant Alonze Goubert noftre Capitaine, auquel on auoit

donné

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