12. Le vingt-vniesme outre ce que l'auois d'hommes, i'en pris deux dans l'Aldée des Brafiliens, pour nous conduire de-là la riuiere, à laquelle eftant arriuez fur le midy, dix Tapuies vindrent à nous qui auoient trauerfé celle de Pottegie ànage, entre lefquels eftoit Muroti, fils du viellard Ianduy leur Roy,qui me dit, que fon pere m'auoit mandé de le venir trouuer auffi-toft que l'ennemy luy auoit demandé fon affiftance. Ie luy repartis, qu'il y auoit trois femaines que i'auois quitté ma maison aller trouuer le Roy fon pere, mais que la creuë des eaux m'en auoit empefché: il me refpondit, qu'il m'enseigneroit vn lieu par lequel ie pourrois facilement paffer auec les miens. pour Le iour fuiuant, ie prefentay audit Muroti les prefens que Meffieurs les nobles & puif. fans Seigneurs, reprefentans Meffieurs les Eftats, enuoioyent au Roy Iandui fon pere, le priant de les faire porter par ceux qui eftoient auec luy. Le vingt-troifiefme ayant paffé le chafteau du fieur de Keule, & la riuiere Pottegie, i'enuoiay deux Brasiliens deuant moy, pour reconnoiftre les paffages,& auertir Iandui, ou fes gens,de mon arriuée. Cependant en chemin faifant, nous fufmes le vingt-quatriefme dudit mois receus courtoifement dans la mai la maison de Scholten, receueur des droicts de la Compagnie des Indes Occidentales, qui nous ayant fait boire de l'eau de vie, nous fit conduire par delà Pittimboa, où eftant arriuez, & pris vn porc fauuage, nous l'allafmes manger dans les Campinos efquels nous reposasmes la nuict. Au point du iour, quoy que nos chiens euffent efté bleffez par les fangliers, nous ne laiffafmes de prendre vn cheureuil, qui fut bocané peu apres fur les bords de la riuiere Piraufic, où nous nous rendifmes affez tard. Le iour fuiuant nous trauerfafmes à nage la riuiere de Monpabu, de laquelle le cours eft extremement violent. Ayant fait du feu à l'autre bord pour fecher nos hardes, les gens de Muroti me demanderét permiffion d'aller chaffer, & prendre quelques beftes au Coral d'André Claefen,ce que ie leur refufay,difant, qu'il y en auoit affez és bois & campagnes fans entrer dans les parcs des particuliers: menaçant de faire attacher à vn arbre le premier qui l'entreprendroit. Ils me repartirent que lors qu'ils m'auroient quitté, qu'ils tueroient dans ledit Coral tout ce qu'ils pourroient attraper. Leur ayant dit, que s'ils l'entreprenoient,ie sçaurois bien comme les traitter. · Et que nous feras-tu, dirent-ils, il t'apartient bien, ny à toy, ny aux Hollandois de Cc 13. 14. vous efleuer contre nous? Car quand mefme nous auriós commis toute forte de maux, comme ceux de Siara ont n'agueres faict, vous viendriez toufiours nous rechercher pour auoir la paix. Ie leur respondis, que ie chaftierois fi bien ceux de Siara de leur trahifon, que vous y prendrez exemple, & fi par le paffé, ie me fuis fié en vous, ie m'en defieray deformais. Alors pour montrer qu'ils faifoient peu d'eftat de ce que ie leur difois, ils entrerent audit Coral, & fe faifirent de deux vaches qu'ils vouloient égorger. Lors m'adreffant à Murotti, ie luy dis, que ie m'en plaindrois à fon pere, qui ne l'auoit point enuoyé vers moy pour mal faire. Iurant, que quiconque d'eux defcendroit deformais dans Rio Grandé fans la marque que ie donnerois moy-mefme à Iandhuy, que le le ferois mettre prifonnier dans le chafteau,& le chaftierois à ma discretion. Murotti ne repartit rien, & la nuict venuë, nous allasmes nous reposer. Le vingt-feptiefme nous tinfmes le chemin dit de Gartfman, lieu où s'eftoient retirez naguere nos ennemis ayans efté repouffez par les habitans de l'Aldée des fauuages nos amis, fife en noftre Capitainie, où le -Miniftre Aftette fut bleffé retournant de la - mine d'or, qui est du costé du Couchant de ว่า là noftre chafteau de Rio Grandé,& paruinfmes au lieu où Iandhuy auoit campé aucc fes gens, lors que le peuple de Conhahu fut maffacré par les habitans leurs voifins, ioints aux Portugais. Le plus grand foin qu'eut Murotti & ceux qui l'accompagnoient fut de ramaffer les os de ceux qui auoient efté tuez en ce combat de Conhahu, & les garder foigneusement pour l'occafion que nous dirons cy apres. Nous employalmes le iour fuiuant à la chaffe fur le chemin de Corra de la mina, à. la faueur de la bouffole, le vent ayant le Midy entre les deux Couchans, nous prismes deux cheureuils,huict grand porcs fauuages, & trois petits, puis encore cinq, apres auoir donné curée à mes chiens, les Tapuies fe mirent en befogne, parans, vuidans, coupans en pieces, les bocanans,icelles d'vn cofté,& les inteftins d'autre. Ils n'attendoient pas que les viandes fuffent acheuées de roftir, ains les mangeoient encore fanglantes, fe foulans auidement iufques à ce qu'ils n'en peurent plus, & pafferent ainfi la nuict. Ils continuerent leur feftin le iour fuiuant, les plus gaillards furent chercher du miel fauuage & des fruits, defquels ils firent vn breuuage qu'on nomme de la grappe, duquel quiconque beuuoit degobilloit auffi-toft, 18. 19. 20. 21. puis recommançoient à manger comme deuant, les autres dormoient d'vn long & profond fommeil. Le trentiesme nous vifitafmes l'Aldée de Vvarremeii, tirans du Couchant au Nort vers vne haute montagne, où nous passasmes la nuict parmy de grans bois la pluye fur le dos. LE PREMIER DE MAY. Ayans trauerfé plufieurs buiffons efpineux & des roches pointuës, cheminans tantoft vers le Septentrion,tantoft vers le Couchant, nous nous trouuafmes fur le bord de la riuiere Mompabu, que nous trauerfasmes à nage: elle auoit de largeur plus d'vne lieuë, & à l'autre riue vne petite ifle, où nous prifmes noftre repos, iufques au lendemain deuxième iour dudit mois, qui nous donna fort à foufrir eftans tombez dans des bois pleins de ronces, qu'il fallut ouurir à coups de ferpes & à belles mains, pour y paffer : à la fin nous paruifmes au fommet d'vne montagne, d'où nous decouurifmes celle des Mines. Là nous vuidasmes deux grands arbres pleins de miel fauuage, & chassans nous foupafmes fur vn petit tertre, d'vn gros ferpent nommé Cafçabilla, d'vn ieune oiseau, appellé Strus, & |