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PRÉFACE.

Nous entrons dans les grandes guerres entre les Anglais et les Français pour le trône de France.

Un fait qui n'a pas été assez mis en relief par les historiens dans la lutte des rois d'Angleterre contre les rois de France, c'est que les Anglais possédaient une grande partie du territoire et avaient des alliés parmi les grands vassaux de la couronne.

Tous les sujets français du roi d'Angleterre soutenaient donc l'effort de la guerre contre le roi de France, et l'on a remarqué que dans l'armée d'Edouard III à Poitiers, se trouvaient cinq mille Gascons. Ce ne sont donc pas les races anglaises qui combattaient les races françaises dans ces mémorables journées, c'étaient des Français combattant contre des Français sous les bannières du roi de France et du roi d'Angleterre. La féodalité avait donc créé une véritable guerre civile sous l'aspect

T. VIII.

a

d'une guerre étrangère. Il y a plus, Edouard III prétendait avoir un droit sur la couronne. Il avait pris pour devise Dieu et mon droit, et il portait les armes de France écartelées des armes d'Angle

terre.

Les provinces françaises se battaient donc contre des provinces françaises; les communes de France contre d'autres communes de France; des seigneurs français contre des seigneurs français.

Si les croisades avaient commencé l'affranchissement des communes, les guerres contre les Anglais développèrent ce mouvement de liberté et d'égalité en même temps que le génie guerrier de la France.

Rien ne servit plus l'égalité que ces guerres, qui amenèrent enfin les troupes soldées sous Charles VIII et par conséquent la fin du droit féodal. Il ne resta plus après cela que les formes de ce régime, qui auraient disparu longtemps avant 89 si les Etats- Généraux n'avaient pas cessé pendant cent soixante-quinze ans d'être convoqués.

Les défaites de Crécy, de Poitiers et d'Azincourt furent donc non-seulement la suite de la haine des Anglais contre les Français à l'occasion de la loi salique; mais encore une conséquence de la situation que la féodalité avait faite à la France.

Comme nous marquons avec soin les progrès de l'égalité, nous pouvons dire que les désastres de Crécy, d'Azincourt et de Poitiers, que nous allons raconter, servirent au développement de la nation française. M. de Châteaubriand a constaté cette grande vérité dans ses Etudes sur Philippe de Valois.

<< La grande aristocratie française, dit-il, a éprouvé trois grandes défaites par les Anglais, Crécy, Poitiers, Azincourt, comme la grande aristocratie romaine perdit contre les Carthaginois les batailles de la Trébie, de Trasymène et de Cannes. Ces désastres qui nous ôtèrent du sang, non de la gloire, tournèrent en dernier résultat au profit de notre civilisation et de nos libertés. Il fut ouvert au champ de Crécy une blessure dans le sein de la haute noblesse de France; blessure qui, élargie à Poitiers, Azincourt, et à Nicopolis, épuisa le corps aristocratique. Bientôt parut, après les déroutes de Philippe de Valois et de Jean, son fils, une noblesse dont on n'avait presque point entendu parler et qui succéda à la première, de même que la seconde noblesse franque s'était montrée après l'échec de Lothaire à la bataille de Fontenay. On avait méprisé la pauvreté des gentilshommes de provinces; on fut heureux de trouver leur épée : les Charny, les Ribaumont,

les Du Guesclin, les La Trémoïlle, les Boucicault, les Saintré, furent suivis des Pothon et des La Hire, et perpétuèrent cette race héroïque jusqu'à Bayard et au capitaine La Noue. Cette chevalerie seconde, non moins illustre, substituée aux grands barons, forma la transition entre l'armée aristocratique et l'armée plébéienne. Du Guesclin commença l'art militaire moderne et la discipline; La Jacquerie et les grandes - compagnies apprirent aux paysans qu'ils pouvaient se battre aussi bien que leurs scigneurs. Le ban et l'arrière-ban remplacèrent peu

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peu la levée en masse des vassaux; ce ban et cet arrière-ban devinrent inutiles, quand les troupes régulières s'établirent sous le règne de Charles VII. La royauté, ainsi que l'armée nationale, accrut sa force de l'affaissement même du corps aristocratique militaire et la société marcha par ce qui semblait un malheur, vers ce degré de civilisation où nous la voyons aujourd'hui. On peut dire que la couronne de France et la nation française furent trouvées sous les morts du champ de bataille de Crécy.

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«La dernière apparition des nobles comme soldats, eut lieu à la bataille d'Ivry, dans ce corps de deux mille gentilhommes armés à cru depuis la tête jusqu'aux pieds. Vers la fin du règne de Henri IV,

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