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de France. La conduite du pape n'agréa pas plus au roi, que celle du roi n'avait agréé au pape. Ce prince lui en écrivit fortement, blåmant surtout la suspension des pouvoirs des évêques et des inquisiteurs.

«Cependant le roi s'adoucit. Il accorda au pape ce qu'il souhaitait il consentit que les biens des Templiers fussent mis en séquestre entre les mains des cardinaux, et lui envoya les principaux des Templiers arrêtés, afin qu'il leur fit lui-même prêter l'interrogatoire.

« Le pape en interrogea jusqu'à soixante-douze, et fut fort surpris de l'aveu sincère qu'ils lui firent des principaux faits dont on les accusait. Leur déposition fut mise par écrit. Ils reconnurent de nouveau en présence des deux cardinaux qui revenaient de la cour de France et de quelques autres, qu'elle était véritable, et y persistèrent.

« Ces aveux faits sans contrainte et la franchise du roi firent que le pape leva la suspension du pouvoir des ordinaires et des inquisitions. Il leur permit par une bulle de procéder contre les Templiers, se réservant seulement ce qui concernait le grand-maître et les principaux officiers de l'ordre, et ordonna que les autres qui étaient arrêtés fussent mis au pouvoir de son nonce, l'évêque de Palestine. Mais, depuis, le nonce voyant bien que tant de prisonniers ne pourraient être transportés sûrement, consentit qu'ils fussent gardés au nom du pape par les gens du roi dans les lieux où ils avaient été arrêtés. Le pape et le roi réglèrent aussi de concert ce qui regardait les biens des Templiers. Ils convinrent ensemble que, supposé qu'on en vînt jusqu'à abolir tout l'ordre, ces biens seraient employés au recouvrement de la Terre-Sainte, et nommèrent des administrateurs pour en avoir soin.

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« Le roi commit ensuite le père Guillaume de Paris, dominicain, son confesseur, inquisiteur de la foi, député par le pape, pour faire des informations, et lui donna pour adjoints quelques gentilshommes du royaume. Ils interrogèrent cent quarante chevaliers du Temple de Paris, qui confessèrent 4° qu'à leur réception dans l'ordre, on leur faisait renier Jésus-Christ et cracher trois fois sur un crucifix.

2o Qu'on lui défendait d'avoir de commerce criminel avec les femmes, mais qu'en récompense on lui permettait de s'abandonner avec ses confrères aux plus horribles et aux plus infâmes désordres. Dans une autre information il est marqué que le commerce avec les femmes leur était défendu, de peur qu'elles ne les diffamassent. Les dépositions des cent quarante chevaliers, excepté trois, convenaient toutes sur ces trois points.

3° Quelques-uns confessèrent qu'on leur avait fait adorer une tête de bois, partie dorée, partie argentée, et qui avait une grande barbe; mais qu'on ne voyait cette tête qu'aux chapitres généraux, où il n'y avait que les principaux de l'ordre qui fussent admis.

4° Quelques-uns dirent qu'ils n'avaient jamais pu voir les statuts de l'ordre, que deux mois avant leur arrestation.

5° Qu'il y avait un statut qui portait que, si quelqu'un des chevaliers avait dit à l'un de ses confrères quelque péché qu'il avait commis, et que ce confrère le révélât, celui-ci était puni de la peine que méritait celui qui avait commis le péché.

6° Un de ceux qui furent interrogés, nommé Geoffroi de Gurneville, qui avait été reçu en Angleterre, avoua qu'à sa réception, ayant d'abord refusé de renier Jésus-Christ, le supérieur qui le recevait lui dit que cela ne lui devait faire au

cune peine que c'était une coutume de l'ordre introduite par un grand-maître, qui, ayant été pris par un soudan, obtint de lui sa délivrance, à condition d'introduire cet usage dans l'ordre. D'autres disaient qu'un grand-maître nommé Rancelin en était l'auteur, et d'autres que c'était un autre grandmaître appelé Thomas Béraud.

<< Plusieurs de ceux qui subirent cet interrogatoire témoignérent un grand repentir de leurs crimes. Quelques-uns dirent qu'ils s'en étaient confessés aux pénitenciers des évêques; et d'autres qu'ils avaient été à Rome en demander l'absolution au pape Boniface au grand jubilé, et la permission de changer d'ordre.

«Outre cet interrogatoire de cent quarante Templiers, parmi lesquels était le grand-maître qui avoua tout, on a lu les procès-verbaux de plusieurs autres procédures faites en diverses provinces du royaume, où les dépositions furent conformes à celles qui viennent d'être rapportées. Dans l'information que Guillaume de Paris, inquisiteur, fit à Troyes, ayant pour assesseurs deux gentilshommes du pays, comparurent cent onze chevaliers qui confessèrent les mêmes choses, excepté l'article de la tête dorée, parce que tous n'étaient pas admis à cette cérémonie, ainsi qu'il a été dit dans les dépositions précédentes.

« Le pape, pour n'avoir rien à se reprocher dans une affaire de cette importance, et pour ôter tout sujet de se plaindre, soit au public, soit à ceux qui s'intéressaient dans la cause des particuliers de cet ordre, envoya trois cardinaux à Chinon, où étaient prisonniers le grand-maître de l'ordre, le maître de Chypre, le visiteur de France, et ceux qu'ils appelaient précepteurs de Poitou; de Guienne, de Normandie. Ces cardinaux,

suivant l'ordre qu'ils en avaient, communiquèrent à ces principaux chefs des Templiers les informations faites par les inquisiteurs français, pour savoir s'ils les reconnaissaient pour véritables. Ils les reconnurent pour telles, et supplièrent qu'on les traitât favorablement, en considération de l'aveu sincère qu'ils faisaient de leurs fautes.

« Le pape, sur le rapport des trois cardinaux, et sur ce qui lui revenait de tous côtés touchant la corruption universelle de l'ordre des Templiers, forma dès-lors la résolution de l'éteindre entièrement. Mais comme il était répandu et puissant par toute la chrétienté, il fallait que tous les princes chrétiens y concourussent aussi bien que le roi de France. C'est pourquoi il fit expédier diverses bulles sur ce sujet, qu'il envoya en Angleterre, en Ecosse, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Hongrie, en Achaïe, et dans tous les états où les chevaliers du Temple avaient des maisons et des revenus. Il ordonnait par ces bulles aux évêques et aux inquisiteurs de faire des informations contre les Templiers, et leur marquait les articles sur lesquels il fallait les faire; c'étaient ceux-là même qu'on avait examiné en France, mais on y en ajouta quelques autres. Il voulut aussi qu'en France on fit quelques assemblées de prélats, d'abbés, de chapitres, de villes et de communautés, pour y traiter de cette affaire en attendant le concile général de Vienne.

« Le pape défendit en outre par une bulle, sous peine d'excommunication, de donner aucune retraite aux Templiers, et ordonna qu'on eût à leur courir sus partout où on les trouverait, et à les mettre entre les mains des inquisiteurs. Mais avant que de rien décider contre tout l'ordre par la voie canonique, le roi, avec le consentement du pape, fit une justice

exemplaire de plusieurs particuliers. On choisit ceux qui, malgré les preuves qu'on avait de leurs crimes et de leurs débordements, persistèrent, dans l'interrogatoire, à les nier, et on en brûla vifs plus de cinquante aux environs de l'abbaye des religieuses de Saint-Antoine de Paris, comme coupables d'hérésie et du crime infâme qui a été de tout temps puni par le feu. Ils souffrirent ce cruel tourment avec beaucoup de fermeté, et pas un ne voulut rien avouer, ce qui fit un très-mauvais effet sur l'esprit du peuple, qui les regarda comme des innocents calomniés.

Cependant soixante et quatorze Templiers présentèrent une requête afin qu'il leur fût permis de nommer un procureur pour défendre leur ordre, et déclarèrent qu'ils choisissaient pour cela P. de Boulogne, avec huit autres. Le chevalier de Boulogne lut lui-même cet acte en présence des commissaires, et soutint que hors de France, où on les avait surpris ou forcés, on ne trouverait pas un chevalier qui eût rien déposé de semblable à ce qu'on leur objectait; que toutes les accusations contre l'ordre étaient des calomnies avancées par de faux frères ou extorquées par les tourments. Il protesta de nouveau contre la nullité des procédures, parce qu'ils avaient un privilége de ne pouvoir être jugés que par le pape. Ils le firent encore dans un autre écrit où ils ajoutaient que ceux qui avaient déposé contre leur ordre s'étaient laissé gagner par la promesse qu'on leur faisait de la vie et de la liberté, en leur montrant des lettres scellées du sceau du roi où étaient ces promesses et des assurances de pensions viagères; qu'y ayant dans leur ordre un très-grand nombre de gens de la première qualité, il n'était pas vraisemblable qu'il ne s'en fût trouvé aucun qui eût révélé tant de mystères abominables, s'ils

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