duite du roi d'Angleterre donnassent lieu d'appréhender qu'on ne fût obligé d'en venir bientôt à une guerre, voulut faire quelques réglements sur certaines contestations, qui, de temps immémorial, s'élevaient à tous moments en France entre les ecclésiastiques, d'une part, et les juges laïqués et la noblesse, de l'autre, par rapport à leur juridiction et à leurs droits. «< Sous la seconde race de nos rois et sous les premiers règnes de la troisième, dit le Père Daniel, les ecclésiastiques avaient singulièrement empiété sur la juridiction séculièrė, soutenus qu'ils étaient par les papes, dont la puissance s'accrut étrangement durant ces temps-là. Philippe-Auguste et saint Louis avaient un peu modéré les entreprises des ecclésiastiques; mais, depuis les différends de Boniface VIII et de Philippe-le-Bel, on avait resserré plus que jamais leur juridiction. Le roi, à qui on portait des plaintes de part et d'autre, convoqua à Paris une assemblée d'évêques. Le chevalier Pierre de Cugnières, procureur-général du parlement, y parla fortement contre l'usage de porter devant les tribunaux ecclésiastiques certaines causes mixtes dont le fond était quelquefois purement civil, mais où les parties étaient l'une ecclésiastique et l'autre laïque, ou dans lesquelles il s'agissait de quelque crime capital commis par un clerc. Il soutint que ces causes regardaient la justice séculière et devaient être jugées par le tribunal laïque. On dit des deux côtés tout ce qu'il y avait de plus fort pour l'un et pour l'autre parti. Le roi, après avoir entendu ces deux plaidoyers, ne voulut rien décider sur-le-champ. Comme les évêques virent que la chose demeurait suspendue, ils vinrent trouver le roi le jour de la fête de saint Thomas de Cantorbery, et lui dirent qu'ils venaient le supplier de ne point abandonner la cause de l'Eglise, et qu'ils l'en conjuraient au nom d'un saint qui avait eu l'honneur de verser son sang pour la défensé de la liberté ecclésiastique. Le-rói, qui n'avait point encore pris son parti, leur répondit qu'il aurait soin que rien ne se fit contre l'ordre. « Sire, (reprit l'évêque d'Autun ), souvenez-vous que c'est par une espèce de miracle de la Providence que vous êtes monté sur le trône; souffrez que des évêques, qui offrent tous les jours à Dieu le saint sacrifice pour votre prospérité, vous prient de ne les pas contrister en les renvoyant avec une parole aussi ambiguë que celle que vous venez de nous dire. « Le roi leur répondit que son intention n'était point d'abroger au préjudice de l'Eglise des usages qu'il trouverait bien fondés. » On ne sait point en détail les réglements qui furent faits à ce sujet. On sait seulement qu'il y eut quelques abus retranchés dans la conduite et dans les procédés des officiaux, et que d'ailleurs les évêques furent contents. Le pape en remercia le roi. On prétend que c'est pour ce jugement qu'on donna à ce prince le surnom de catholique, et que ce fut à - cette occasion qu'on lui éleva une statue équestre à la porte de l'église cathédrale de Sens avec une inscription en deux vers latins, qui signifiaient qu'il était le protecteur du clergé. CHAPITRE VI. Hommage d'Edouard III. La sagesse et la conduite modérée de Philippe lui faisaient, pour le moins, autant d'honneur que sa valeur dans la bataille qu'il gagna sur les Flamands, et la France voyait, par expérience, l'avantage pour un état, dans un changement de règne, d'avoir un prince qui en montant sur le trône soit déjà d'un âge mûr et expérimenté dans le mnaniement des affaires. Tout était tranquille et soumis, et on attendait avec assez peu d'inquiétude le parti que prendrait le roi d'Angleterre sur l'hommage qu'il devait. Il fut même résolu qu'on le presserait de se déclarer. Ce fut pour cela que le roi envoya quelques mois après en Angleterre le duc de Bourbon, le comte de Harcourt, le comte de Tancarville, Louis de Clermont, avec quelques autres chevaliers. Il les fit accompagner par des jurisconsultes pour examiner avec le parlement, qui se tenait alors à Londres, les actes des hommages rendus aux rois de France par les précédents rois d'Angleterre. Durant le séjour des ambassadeurs français à Londres, il arriva quelque désordre en Guienne, et plus qu'il n'en fallait pour allumer une guerre. Les Anglais commirent quelques violences et quelques hostilités sur les terres de France; et comme ils prévirent bien qu'on en voudrait avoir raison, ils commencèrent à se fortifier dans la ville et dans le château de Saintes. Le roi envoya aussitôt de ce côté Charles, comte d'Alençon, avec une armée. Ce prince usa non-seulement de représailles sur les terres des Anglais, mais encore attaqua Saintes, l'emporta et fit raser les murailles de la ville et du château. On prétendit qu'il avait dépassé ses ordres, et que le roi ne lui avait pas donné cette mission. Cette conduite, après tout, fit comprendre au roi d'Angleterre, qu'on n'était pas en résolution de le ménager beaucoup, et que la Guienne courait grand risque, s'il ne s'accommodait au plus tôt avec la France. Ce sont là de ces conjonctures où il faut que la fierté cède à l'intérêt. Il fut donc conclu qu'Edouard passerait en France, pour terminer à l'amiable la nouvelle affaire de Guienne, et qu'auparavant il reconnaîtrait l'obligation de l'hommage-lige envers le roi de France pour la Guienne et pour le Ponthieu, et déclarerait que celui qu'il avait fait l'année d'auparavant en termes généraux, devait être regardé comme tel. L'acte en fut dressé, et il mérite d'être inséré dans cette histoire. Le voici tel qu'il est rapporté par un ancien historien, il est conforme à la lettre que l'on garde dans le trésor des chartes. ◄ Edouard, par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre, seigneur d'Irlande et duc d'Aquitaine, à tous ceux qui ces présentes lettres verront et liront, salut. Savoir faisons que. lorsque nous faisions à Amiens hommage à excellent prince notre fils cher, seigneur et cousin Philippe, roi de France, lors nous fut dit et requis de par lui, que nous reconnussions ledit hommage-lige, et que nous, en faisant ledit hommage, lui promissions expressément foi et loyauté porter, laquelle chose nous ne fimes pas alors, pour ce que n'étions informés, et fîmes audit roi de France hommage par paroles générales, en disant que nous entrions en son hommage, par ainsi comme nos prédécesseurs ducs de Guienne étaient au temps jadis entrés en hommage du roi de France, qui avait été pour le temps et depuis en ça nous avons été bien informés de la vérité, reconnaissons par ces présentes, que ledit hommage que nous fîmes, en la cité d'Amiens au roi de France, comment que par ces paroles générales fût, est, et doit être entendu lige, et que nous lui devons foi et loyauté porter comme duc d'Aquitaine, per de France et comte de Ponthieu et de Montreuil; et lui promettons foi et loyauté porter; et afin qu'au temps à venir ce ne soit jamais discord, nous promettons pour nous et nos successeurs ducs d'Aquitaine, que ledit hommage se fera en cette manière. Le roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine tiendra ses mains ès mains du roi de France, et celui qui adressera ces paroles au roi d'Angleterre, dục d'Aquitaine, et qui parlera pour le roi dira ainsi : Vous devenez homme-lige au roi monseigneur qu'ici est, comme dục de Guienne et per de France, et lui promettez foi et loyauté porter. Dites, voire; et le roi d'Angleterre et duc de Guienne, et aussi ses successeurs diront voire. Et, lors ledit roi de France recevra ledit roi d'Angleterre et duc de Guienne audit hommage-lige à la foi et à la bouche, sauf son droit et l'autrui. De rechef quand ledit roi et duc entrera en hommage du roi de France pour les comtés de Ponthieu et de Montreuil, il mettra ses mains entre les mains du roi de France pour le comté de Ponthieu et de Montreuil, et celui qui parlera pour le roi de France adressera ces paroles au roi duc, et dira ainsi vous devenez homme-lige du roi de France monseigneur qui ci est, comme comte de Ponthieu et de Montreuil, et lui promettez foi et loyauté porter; dites, voire; et le roi comte de Ponthieu dira voire. Et lors le roi de France recevra ledit roi et comte audit hommage à la foi et à la bouche, sauf son droit et l'autrui : et ainsi sera fait et renouvelé tontes les fois que l'hommage se fera de ce que nous baillerons et nos successeurs ducs de Guienne, après lesdits hommages faits, lettres-patentes scellées de nos grands sceaux, se le roi de France le requiert. Et avec ce nous promettons en bonne foi tenir et garder affectueusement la paix et accord faits entre les rois de France et lesdits rois d'Angleterre ducs de Guienne. Les ambassadeurs de France apportèrent ces lettres au roi. Le roi en fut satisfait et les fit mettre à sa chancellerie, afin |