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Que le moine Gallais 1, burlesquement disert,
De Midas Bénesech fasse un nouveau Colbert:
A tous ces beaux esprits il est permis d'écrire,
Et j'attends qu'un décret me condamne à les lire.

Plus tolérant encor, je souffre qu'en tout lieu
Trissotin-Roederer2 se dise Montesquieu.
Poursuis, cher Trissotin: doctement ridicule,
Écrase le bon sens sous ta lourde férule;
Et, de la renommée épris à son insu,
Régente l'univers sans en être aperçu.

Un sot est toujours vain. En passant dans la rue, Vous nommez Démosthène; et Lémerer3 salue. L'auteur même du Sourd n'est pas exempt d'orgueil. De Richer, de Ferlus, c'est le commun écueil;

Et Gallais, qui n'a point, mais qui donne la gloire, Croit que le sort du monde est dans son écritoire.

On condamne à l'oubli de petits charlatans
Mécontens du public, et d'eux-mêmes contens;
Mais c'est peu d'ennuyer: les sots veulent proscrire.

1. Gallais, l'un des anciens rédacteurs du Journal de Paris. 2. Ræderer, éditeur et rédacteur du Journal d'Économie politique, et l'un des propriétaires du Journal de Paris.

3. Lémerer, député à la Convention nationale.

4. Desforges (Nicolas), auteur de plusieurs autres comédies restées au répertoire et de quelques romans assez connus; mort en 1806.

A leur honte vénale on les a vus sourire.
Ils pouvaient, retranchés dans leur obscurité,
Echapper aux sifflets de la postérité :

Vaincus par l'ascendant d'une étoile ennemie,
Ils ont cherché l'éclat, l'argent et l'infamie.
Ah! ce n'est pas ainsi que les esprits bien faits
Méditent à loisir de durables succès:

Ils ne franchissent point la limite sacrée,
Et par eux la décence est toujours honorée.
L'écrivain philosophe, au-dessus des clameurs,
Instruit par la morale et même par ses mœurs;
La balance à la main, le sévère critique
Voit couronner son front du laurier didactique;
Armé de la satire, un utile censeur,

Avoué par le goût, en est le défenseur.
Le crime est au-delà : tout libelliste avide,
Armé de l'imposture, est un lâche homicide.
Le plus vil a le prix dans un métier si bas.
Mentir est le talent de ceux qui n'en ont pas;
Nuire est la liberté qui convient aux esclaves.
Pour donner aux Français de nouvelles entraves,
De libelles fameux les auteurs inconnus

Ont sur ce noble droit fondé leurs revenus.

Comme eux, nos décemvirs, ces tyrans du génie,
Chérissaient, protégeaient, vantaient la calomnie;
Et du chêne civique ils couronnaient le front
Qu'à Rome on eût flétri d'un solennel affront.

Ah! si quelque insensé défendait leur système,
Regarde, lui dirais-je, et prononce toi-même:
Vois le crime, usurpant le nom de liberté,
Rouler dans nos remparts son char ensanglanté;
Vois des pertes sans deuil, des morts sans mausolées;
Les grâces, les vertus, d'un long crêpe voilées;
Près d'elles le génie éteignant son flambeau,
Et les beaux-arts pleurant sur un vaste tombeau.
Ces malheurs sont récens. Quel monstre les fit naître?
A sa trace fumante on peut le reconnaître :
La calomnie esclave, à la voix des tyrans,
De ses feux souterrains déchaîna les torrens,
Qui, du Var à la Meuse étendant leurs ravages,
Ont séché les lauriers croissans sur nos rivages.
Nos champs furent déserts, mais peuplés d'échafauds;
On vit les innocens jugés par les bourreaux:
La cruelle livrait aux fureurs populaires
Du sage Lamoignon les vertus séculaires;
Elle égorgeait Thouret, Barnave, Chapellier',
L'ingénieux Bailly, le savant Lavoisier,

Vergniaux, dont la tribune a gardé la mémoire,
Et Custine, qu'en vain protégeait la Victoire.

1. Thouret, Barnave, Chapellier, tous trois avocats distingués, furent tous trois élus députés par le tiers-état à l'Assemblée constituante, et tous trois condamnés à mort par le tribunal révolutionnaire. Le premier était de Rouen; le second, de Grenoble; le troisième, de Rennes.

Condorcet, plus heureux, libre dans sa prison,
Échappait au supplice en buvant le poison.
O tems d'ignominie, où, rois sans diadême,
Des brigands, parvenus à l'empire suprême,
Souillant la liberté d'éloges imposteurs,
Immolaient en son nom ses premiers fondateurs!

I

Allons, plats écoliers, maîtres dans l'art de nuire,
Divisant pour régner, isolant pour détruire,
Suivez encor d'Hébert les sanglantes leçons:
Sur les bancs du sénat placez les noirs soupçons;
Qu'au milieu des journaux la loi naisse flétrie;
Dans les pouvoirs du peuple insultez la patrie;
Qu'un débat scandaleux s'élève, à votre voix,
Entre le créateur et l'organe des lois.
Empoisonnez de fiel la coupe domestique;
Étouffez les accens de la franchise antique;
Courez dans tous les cœurs attiédir l'amitié;
Séchez dans tous les yeux les pleurs de la pitié;
Opposez aux vivans l'éloquence des tombes;
Prêchez l'humanité, mais parlez d'hécatombes;
Plus coupables encor, tels que de noirs corbeaux,
Osez des morts fameux déchirer les lambeaux;
Auprès de leurs rayons rassemblez vos ténèbres;

1. Hébert (Jacques René), auteur d'une feuille révolutionnaire, intitulée le Père Duchesne. On peut juger de l'homme par cet infâme journal.

Brisez vos faibles dents sur leurs pierres funèbres.
Ah! de ces demi-dieux si les noms révérés

Par la gloire et le tems n'étaient pas consacrés,
Leur immortalité deviendrait votre ouvrage:
La calomnie honore en croyant qu'elle outrage.

Narcisse et Tigellin, bourreaux législateurs,
De ces menteurs gagés se font les protecteurs:
De toute renommée envieux adversaires,
Et d'un parti cruel plus cruels émissaires,
Odieux proconsuls, régnant par des complots,
Des fleuves consternés ils ont rougi les flots.
J'ai vu fuir, à leur nom, les épouses tremblantes;
Le Moniteur fidèle, en ses pages sanglantes,
Par le souvenir même inspire la terreur,
Et dénonce à Clio leur stupide fureur.
J'entends crier encor le sang de leurs victimes;
Je lis en traits d'airain la liste de leurs crimes;
Et c'est eux qu'aujourd'hui l'on voudrait excuser!
Qu'ai-je dit? On les vante! et l'on m'ose accuser!
Moi, jouet si long-tems de leur lâche insolence,
Proscrit pour mes discours, proscrit pour mon silence,
Seul, attendant la mort quand leur coupable voix
Demandait à grands cris du sang et non des lois!
Ceux que la France a vus ivres de tyrannie,
Ceux-là même dans l'ombre armant la calomnie,
Me reprochent le sort d'un frère infortuné,
Qu'avec la calomnie ils ont assassiné!

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