Изображения страниц
PDF
EPUB

pain, vin, avoine, poulailles, fromages, œufs et autres denrées, on lui payeroit tout sec et le feroit-on conduire à sauf conduit jusques à l'ost (armée); et leur fit-on savoir qu'on ne se partiroit de là entour jusques à tant que on sauroit que les Écossois étoient

devenus.

CHAPITRE XXXIX.

COMMENT LES ANGLOIS SOUFFRIRENT GRANDE FAMINE EUX ET LEURS CHEVAUX TANT QU'ILS FURENT OUTRE LA RIVIÈRE de Tyne.

LENDEMAIN entour heure de nonne (midi) revinrent les messages que les seigneurs et les autres compagnons avoient envoyés aux pourvéances (provisions), et en rapportèrent ce qu'ils purent pour eux et leurs maisnies (suite); grandement ne fut-ce mie; et avec eux vinrent gens pour gagner qui amenèrent sur petits chevalets et sur petites mules pain mal cuit en paniers, pauvre vin en grands barils et autres denrées à vendre, dont moult de gens et grand'partie de l'ost furent durement appaisés; et ainsi de jour en jour, tant qu'ils séjournèrent là entour huit jours sur cette rivière, entre ces montagnes, en attendant chacun jour la survenue des Écossois, qui aussi ne savoient que les Anglois étoient devenus, non plus que les Anglois savoient d'eux. Ainsi furent-ils trois jours et trois nuits sans pain, sans vin, sans chandelles, sans avoine et sans fourrage, ni

autre pourvéance (provision); et après par l'espace de quatre jours qu'il leur convenoit acheter un pain mal cuit six esterlins ("), qui ne dut valoir qu'un parisis(2), et un galon de vin vingt quatre esterlins, qui n'en dut valoir que six. Encore y avoit-on si grand'rage de famine que l'un le tolloit (arrachoit) hors des mains de l'autre, dont plusieurs hutins (disputes) et grands débats vinrent des compagnons les uns aux autres. Encore avec tous ces meschefs il ne cessa point de pleuvoir toute cette semaine, parquoi leurs selles, panneaux et contresangles furent tous pourris et tous les chevaux ou la plus grande partie tachés (blessés) sur le dos; et ne savoient de quoi ferrer ceux qui étoient déferrés, nide quoi couvrir, fors que de leurs tuniques d'armes : et aussi n'avoit la plus grande partie que vêtir, ni de quoi soi couvrir pour la pluie, ni pour le froid, fors que de leurs hoquetons et de leurs armures, et n'avoient de quoi faire feu, fors de verte buche, qui ne peut durer contre la pluie.

(1) L'esterlin valoit 4 deniers tournois de 220 au marc ou un peu moins de 20 sols actuels. J. A. B.

(2) Le parisis valoit 25 sous. J. A. B.

(3) Mesure contenant deux pots. (Voyez le supplément au Gloss, de Ducange par Carpentier, au mot Galo.) J.D.

(4) Les imprimés continuent de retrancher, tantôt des mots, tantôt des membres de phrases; ce qui rend quelquefois le sens louche ou absurde. J. D.

CHAPITRE XL.

COMMENT LES ANGLOIS REPASSÈRENT LA RIVIÈRE DE TYNE ET COMMENT UN ÉCUYER APPORTA NOUVELLES AU ROI OU LES ÉCOSSOIS ÉTOIENT.

A

TEL meschef et pauvreté demeurèrent-ils entre ces deux montagnes et la dite rivière, toute cette semaine, sans ouïr, ni savoir nouvelles des Écossois qu'ils cuidoient (croyoient) qu'ils dussent par là ou assez près repasser, pour retourner en leur pays. De quoi grand❜murmuration sourdit (s'éleva) entre les Anglois; car aucuns vouloient mettre sus aux autres qu'ils avoient donné ce conseil de là venir en tel point qu'ils avoient fait, pour trahir le roi et toutes ses gens: si que fut ordonné pour ce entre les seigneurs qu'on se mueroit (transporteroit) de là, et repasseroit-on la dite rivière, sept lieues par-dessus, là où elle étoit plus aisée à passer; et fit-on crier que chacun s'appareillât pour déloger lendemain, et suivît les bannières: et si fit-on adonc crier que qui se voudroit tant travailler qu'il put rapporter certaines nouvelles au roi là où l'on pourroit trouver les Écossois, le premier qui ce lui rapporteroit il auroit cent livrées de terre à héritage, à l'esterlin, et le feroit le roi chevalier. Quand ces nouvelles furent épandues par l'ost (armée) toutes gens en eurent grande joie. Adonc se départirent de l'ost (armée)

(1) On appeloit livre ou livrée une portion de terre qui produisoit une livre de revenu: ainsi elle re formoit point une mesure déterminée; elle étoit plus ou moins étendue selon que le sol étoit plus ou moins fertile. (Gloss. de Ducange au mot Libra ou Libruta terræ. ) J. D.

aucuns chevaliers et écuyers Anglois jusques à quinze ou à seize, pour la convoitise de gagner cette promesse, et passèrent les rivières en grand péril, et montèrent les montagnes et puis se départirent l'un çà, l'autre là, et se mit chacun à l'aventure à part lui.

Lendemain tout l'ost(armée) se délogea et chevauchèrent assez bellement, car leurs chevaux étoient foulés et mal livrés (nourris), mal ferrés, tachés (blessés) és sangles et sur le dos; et firent tant qu'ils repassèrent la dite rivière en grand'malaise, car elle étoit grosse pour la pluie; pourquoi il en y eut assez de baignés et des Anglois noyés. Quand tous furent repassés, ils se logèrent là endroit, car ils trouvèrent fourrages ès prés et ès champs pour passer la nuit de-lez(près) un petit village que les Écossois avoient ars (brûlé) à leur passer. Si leur sembla droitement qu'ils fussent chus (tombés) en paradis: lendemain ils se départirent et chevauchèrent par montagnes et par vallées toute jour jusques près de nonne (midi) que on trouva aucuns hamelets ars(brûlés), et aucunes champagnes (plaines) où il avoit blés et prés; si que tout l'ost se logea là endroit cette nuit; et le tiers jour chevauchèrent-ils en tel manière. Si ne savoient le plus (la plupart) où l'on les menoit, ni nouvelles des Écossois; et le quart jour en tel manière, jusques à heure de tierce (avant midi). Adonc vint un écuyer fort chevauchant par devers le roi, et lui dit: « Sire, je vous apporte nouvelles ; les Écossois sont à trois lieues près de ci logés sur une montagne,et vous attendent là, et y ont bien été jà huit jours, et ne savoient nouvelles de vous non plus que vous saviez

nouvelles d'eux; ce vous fais-je ferme et vrai, car je me embatis (avançai) si près d'eux que je fus pris et mené en leur ost (armée) devant les seigneurs, prisonnier: si leur dis nouvelles de vous et comment vous les quériez (cherchiez) pour combattre à cux; et tantôt les seigneurs me quittèrent ma prison que je leur dis que vous donnez cent livrées de terre à l'esterlin, à celui qui premier vous rapporteroit nouvelles certaines d'eux; par telle condition que je leur créantai(promis) que je n'aurois repos jusques à tant que je vous aurois dit ces nouvelles: et disent, ce sachiez, , que aussi grand désir ont-ils de combattre à vous que vous avez à eux; et les trouverez là endroit sans faute. >>

CHAPITRE XLI.

COMMENT LE ROI D'ANGLETERRE FIT ORDONNER SES BATAILLES POUR ALLER CONTRE LES ÉCOSSOIS; ET COMMENT IL FIT L'ÉCUYER CHEVALIER ET LUI DONNA CENT LIVRÉES DE TERRE.

TANTÔT que le roi entendit ces nouvelles, il fit tout l'ost (armée) là endroit arrêter en uns blés, pour leurs chevaux paître et ressangler, d'encoste (auprès) une abbaye blanche (de moines blancs) qui étoit toute arse (brûlée), qu'on appeloit du temps le roi Artus, la Lande blanche. Là endroit se confessa et adressa chacun àson loyal pouvoir, et fit là endroit leroi dire grand'foison de messes pour accommunier ceux qui dévotion en auroient, et assigna tantôt bien et suffisamment à l'écuyer les cent livrées de terre que promi

« ПредыдущаяПродолжить »