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donner, ai, par plaisance qui toudis (toujours) m'à à ce incliné, fréquenté plusieurs nobles et grands seigneurs, tant en France comme en Angleterre, en Ecosse, en Bretagne et en autres pays, et ai eu la connoissance d'eux, si ai toujours à mon pouvoir enquis et demandé du fait desguerres justement et des aventures qui en sont avenues, et par spécial depuis la grosse bataille de Poitiers (), où le goble roi Jean de "/ France fut pris, car devant ce j'étois encore moult jeune de sens et d'âge; et ce nonobstant si empris-je assez hardiment, moi issu de l'école, àrimer et à dicter les guerres dessus dites et pour porter le livre en Angleterre tout compilé, si comme je fis, et le présentai adonc à très haute et très noble dame madame Philippe de Hainaut () reine d'Angleterre, qui liement et doucement le reçut de moi et m'en fit grand profit.

Or peut-être que ce livre n'est mie (pas) examiné

(1) J'ai entre les mains un manuscrit de Froissart en tête duquel on lit: << Ci comme.ice it les chroniques de France et d'Angleterre commen>>cées par discrète personne mons. Jehan le Bel, chanoine de St-Lam>>bert de Liége et continućes jusques à la bataille de Poitiers; et après fu»rent parfaites et compilées par vénérable homme mons. Jean Frois>> sart, » Je crus d'abord avǝir trouvé la chronique originale de Jean le Bel, à cause de l'ambiguité du titre; mais en comparant ce manuscrit à ceux de Froissart, je trouvai une identité parfaite entr'eux. Ce qu'on en doit seulement conclure, c'est que jusqu'à l'époque de la bataille de Poitiers, Froissart a travaillé d'après les manuscrits de Jean le Bel, et que depuis cette époque il a raconté les faits tels qu'il les avoit recueillis luimêine. Ce titre au reste a beaucoup d'analogie avec celui d'un manuscrit de Froissart qui se trouvoit dana la bibliothèque du prince de Soubise et sur lequel on trouvera quelques renseignements dans la préface qui est en tête de cette édition de Froissart. J. A. B.

(2) Ele étoit fille de Guillaume Ier, comte de Hainaut et nièce de Jea dont il est parlé ci-dessus (Note 1.) J. D.

ni ordonné si justement que telle chose le requiert; car faits d'armes qui si chèrement sont comparés (achetés) doivent être donnés et loyalement départis à ceux qui par prouesse y travaillent. Donc, pour moi acquitter envers tous, ainsi que droit est, j'aiemprise cette histoire à poursuir(poursuivre) sur l'ordonnance et fondation devant dits ("), à la prière et requête d'un mien cher seigneur et maître, monseigneur Robert de Namur, seigneur de Beaufort (2) ‚ à qui je veux devoir amour et obéissance; et Dieu me laist (laisse) faire chose qui lui puisse plaire !

(1) On croit communément que nous avons les 34 premières années de l'histoire de Froissart depuis 1326 jusqu'en 1360, telles qu'il les présenta à la reine d'Angleterre. C'est l'opinion de Mr. de la Curne de Ste. Palaye, dans ses mémoires, sur la vie et les ouvrages de Froissart, (Mem. de l'Acad. des belles lettres, T. 10. P. 654 et T. 8. P. 534 et suiv. ) Mais cette opinion paroît inconciliable avec ce que dit ici l'historien : >> Que l'ouvrage offert par lui à la reine Philippe de Hainaut n'est peut» être pas examiné ni ordonné si justement que telle chose le requiert, et » qu'ainsi, pour s'acquitter envers tout, il a entrepris cette histoire sur » l'ordonnance et fondation devant dits (Les chroniques de Jean le Bel), << à la prière de Robert de Namur. » Ainsi Froissart vouloit corriger dans cette nouvelle histoire les erreurs et les omissions qu'il avoit remarquées dans celle qu'il composa pour la reine Philippe de Hainaut. Elles different donc l'une de l'autre. Il auroit été curieux de pouvoir les comparer; mais la première histoire n'existe plus, ou du moins elle a échappé aux recherches que nous avons faites pour la recouvrer. Au reste, la perte de cette production d'un auteur âgé d'environ vingt ans et qui étoit encore, comme il le dit lui-même, moult jeune de sens et d'áge, doit exciter peu de regrets, puisqu'on ne sauroit douter qu'il n'ait transporté dans le récit qui nous reste, tout ce qu'il y avoit de bon dans l'autre. J. D.

(2) Il étoit issu des comtes de Flandre de la maison de Dampierre, et possédoit les seigneuries de Beaufort sur Meuse et de Renais, Il mourut sans postérité légitime, le 18 août 1392.( Hist. généal, de la mais ̧ de Fr. T. 2. P. 748.) J. D,

LES

CHRONIQUES

DE

JEAN FROISSART.

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

CI S'ENSUIVENT LES NOMS DES PLUS PREUX DE CETTE

HISTOIRE.

Pour tous nobles cœurs encourager et eux montrer exemple en matière d'honneur, je, Jean Froissart, commence à parler, après la relation de monseigneur Jean le Bel, jadis chanoine de Saint-Lambert de Liége, et dis ainsi que plusieurs gens nobles et in-nobles ont parlé par maintes fois des guerres de France et d'Angleterre qui pas justement n'en savoient ou sauroient à dire, si requis et examinés en étoient, comment ni pourquoi ni par quelle raison elles vinrent; mais en voici la droite vraie fondation de la matière. Et pour ce que je n'y veux mettre ni ôter, oublier ni corrompre, ni abréger histoire en rien par défaut de langage, mais la veux multiplier et accroître ce que je pourrai, vous veux de point en point. parler et montrer toutes les aventures, depuis la na

tivité du noble roi Édouard d'Angleterre qui si puissamment a régné. Ettant y sont avenues d'aventures notables et périlleuses, et tant de batailles adressées, et d'autres faits d'armes et de grands prouesses puis (depuis) l'an de grâce MCCCXXVI, que le gentil roi fut couronné en Angleterre ), que il et tous ceux qui ont été avec lui en ces batailles et heureuses aventures, ou avec ses gens, là où il n'a mie (pas) été en propre personne, si comme vous pourrez ouïr ciaprès, doivent bien être tenus et réputés pour preux; combien qu'il y en ait grand' foison d'iceux qui doivent et peuvent bien être tenus pour souverains preux entre les autres, et devant tous autres, si comme le propre corps du gentil roi dessus dit, le prince de Galles son fils (3), le duc de Lancastre (4), messire Regnault de Cobham, messire Gautier de Mauny en Hainaut, messire Jean Chandos, messire Franke de Halle, et plusieurs autres quise ramentevront (seront célébrés) pour le bien et la prouesse d'eux dedansce livre:car par toutes les batailles où ils ont été, ils ont eu renommée des mieux faisants parterre et parmer,

(1) Édouard III dont il est question ici naquit le 15 novembre 1313. Il étoit de la famille des Plantagenet d'Anjou, J. A. B.

(2) Il y a erreur dans cette date. Édouard III débarqua bien en Angleterre avec sa mère Isabelle, fille de Philippe le Bel, roi de France, le 24 septembre 1326, mais son couronnement n'eut lieu que dans l'année suivante. La déposition de son père Édouard II est du 14 janvier 1327.

J. A.B.

(3) C'est celui qui fut surnommé le Prince noir.J. A. B.

(4) Jean de Gand, comte de Richmont, duc de Lancastre, troisième frère du Prince noir, tige du rameau de Lancastre si fameux dans l'histoire d'Angleterre sous le nom de Rose Rouge. Son fils Henri IV obtint la couronne aux dépens de Richard II fils du Prince noir.J. A. B.

et s'y sont montrés si vaillamment qu'on les doit bien tenir pour souverains preux. Mais pour ce n'en doivent mie (pas) les autres, qui avec eux ont été, pis valoir.

Aussi en France a été trouvée bonne chevalerie, roide, forte, apperte (experte) et grand'foison; car le royaume de France ne fut oncques si déconfit qu'on n'y trouvât bien toujours à (avec) qui combattre: et fut le nobleroi Philippe de Valois très hârdi etbachelereux (vaillant) chevalier, et le roi Jean son fils (2) Charles roi de Bohême (3), le comte d'Alençon (4) le comte de Foix (5), messire Jean de Saintré (6), messire Arnoul d'Audeneham (2), messire Boucicaut (8) messire Guichart d'Angles, monseigneur de Beaujeu le père et le fils (9), et plusieurs autres que je ne

(1) Philippe VI. J. A. B.

(2) Jean dit le bon qui mourut prisonnier en Angleterre. J. A B.

(3) Froissart dit Behaigne. On appeloit ainsi autrefois la Bohême. Le prince dont il s'agit se nommoit Jean et non Charles. C'est le fameux Jean de Luxembourg, roi de Bohême, tué à la bataille de Crécy. J. D. (4) Charles, comte d'Alençon, frère du roi Philippe de Valois. J. D. (5) On ignore si Froissart veut parler de Gaston II ou de son fils Gaston Phœbus, si célèbre par sa magnificence, qui vivoient tous les deux à cette époque. ( Hist. de la mais. de Fr. T. 3. P. 348 et 349. )J.D. (6) Ce Jean de Saintré étoit sénéchal d'Anjou et du Maine, et lieutenant du sire de Craon sous lequel il commandoit 30 hommes d'armes. (Cabinet de l'ordre du St. Esprit. Voyez aussi la préface du roman du Petit Jean de Saintré. )J. D.

(7) Maréchal de France. (Voyez. son article dans l' Hist. de la mais de Fr. T. 4. P. 751..) J.D.

(8) Jean le Meingre, dit Boucicaut, maréchal de France. (Lid. F· 753.) J. D..

(9) Édouard, sire de Beaujeu et de Dombes, maréchal de France; et Guichard, son fils, issus des comtes de Forez. ( His!, de la mais, de. Fr. T. 4. P. 733., J.D.

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