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383 et le sénéchal de Hainaut, et firent tant finalement que la porte fut conquise et le chevalier qui la gardoit pris et morts et occis la plus grand'partie des autres; et furent pris plusieurs des moines qui laiens (dedans) furent trouvés, et toute la dite abbaye robée (volée) et pillée, et puis arse (brûlée) et détruite, et la ville aussi. Et quand ils eurent fait leur emprise, le comte et tous ses gens d'armes, qui furent à la destruction de Marchiennes et en cette chevauchée, s'en retournèrent au siége de Tour

nay.

CHAPITRE CXXXIX.

COMMENT LES ALLEMANDS SE PARTIRENT DU SIÉGE de TOURNAY ET VINRENT ESCAR MOUCHER EN L'OST DU ROI DE FRANCE; ET COMMENT LE SIRE DE MONTMORENCY LES SUIVIT JUSQUES AU PONT DE TRESSIN.

LE siége qui fut devant Tournay fut grand etlong et bien tenu, et moult y eut le roi Anglois grand' foison de bonnes gens d'armes; et s'y tenoit le dit roi volontiers, car bien la pensoit à conquérir, pourtant (attendu) qu'il pensoit qu'il y avait grand'foisou de gens d'armes et assez escharsement (peu) de vivres. Pourquoi il les pensoit plutôt avoir par affamer que par assauts. Mais les aucuns disent qu'ils trouvèrent moult de courtoisies en ceux de Brabant, et qu'ils souffrirent par plusieurs fois laisser passer parmi leur ost vivres assez largement pour mener

dedans Tournay, dont ils furent bien confortés. Avec tout ce ceux de Bruxelles et ceux de Louvaing, qui étoient tous tanés (fatigués) de là tant seoir et demeurer, firent une requête au maréchal de l'ost qu'ils se pussent partir et retraire (retirer) en Brabant, car trop avoient là demeuré à (avec) de fait. Le maréchal qui vit bien que la requête peu n'étoit mie honorable, ni raisonnable, leur répondit que c'étoit bien son gré que ils s'en partissent quand il leur plairoit; mais leur convenoit mettre jus (bas) leurs armures. Les dessus dits furent tous honteux; si se souffrirent (restèrent) atant (alors) et n'en parlèrent oncques depuis.

Or vous recorderons d'une chevauchée des Allemands, qui fut faite devant Tournay à ce même pont de Tressin où messire Robert de Bailleul et les Liégeois avoient déconfit les Hainuyers. Le sire de Randenrode et messire Jean de Randenrode son fils adonc écuyer et messire Jean de Randebourch aussi adonc écuyer et maître du fils au seigneur de Randenrode, messire Arnoul de Blankenheym, messire Regnault de Scoinevorst, messire Courard de Lensemach, messire Conrard d'Aerschot, messire Bastien de Barsies et Canedolier son frère, et messire Stramen de Venone, et plusieurs autres de la duché de Juliers et de Gueldres avoient pris en grand'vergogne ce que les Hainuyers avoient été ainsi rencontrés. Si parlementèrent ensemble à un . soir, et s'accordèrent de chevaucher le matin au point du jour, et passer ce pont que on dit de Tressin. Si se armèrent et ordonnèrent dès la nuit bien

:

et faiticement (régulièrement), et se partirent sur le jour et aussi se mirent avec eux aucuns bacheliers de Hainaut qui point n'avoient été à la chevauchée dessus dite; si comme messire Florent de Beaurieu, messire Bertran de la Haye, maréchal de l'ost, messire Jean de Hainaut, messire Oulphart de Ghistelles, messire Robert de Glennes de la comté de Los, adonc écuyer, et du corps messire Jean de Hainaut, et plusieurs autres. Si chevauchèrent ces chevaliers et ces compagnons dessus nommés bellement et sagement; et étoient bien trois cents ou plus, toutes bonnes armures de fer; et vinrent droit au pont de Tressin droit au point du jour; et le passèrent outre sans dommage. Et quand ils furent par delà, ils s'avisèrent et conseillèrent ensemble comment ils s'ordonneroient, pour le mieux et à leur honneur réveiller et escarmoucher l'ost de France. Là furent ordonnés le sire de Randenrode et Arnoul son fils, messire Henry de Kakeren un chevalier mercenaire, messire Thielemans de Saussy, messire Oulphart de Ghistelles, messire l'Alemant bâtard de Hainaut, messire Robert de Glennes et Jaquelot de Thians à être coureurs et chevaucher jusques aux tentes et logis des François; et tous les autres chevaliers et écuyers, qui bien étoient trois cents, devoient demeurer au pont et garder le passage, pour le défendre aux aventures des survenants. Ainsi et sur cet état se partirent les coureurs, qui pouvoient être environ quarante lances, et très bien montés sur fleur de roncins et de gros coursiers, et chevauchèrent de premier tout bellement tant qu'ils vinrent en l'ost

FROISSART. T. I.

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du roi de France: donc se boutèrent (jetèrent) eux dedans de plein eslai (élan), et commencèrent à découper cordes et paissons (pieux) et à abattre et renverser tentes et trez (pavillons), et à faire un très grand desroi (dégât), et François à eux estourmir (assembler). Cette nuit avoient fait le guet deux grands barons de France, le sire de Montmorency et le sire de Saint Sauflieu; et étoient encore à cette heure que les Allemands vinrent à leur garde. Quand ils ouïrent la noise (bruit) et entendirent l'effroi, si tournèrent cette part leurs bannières et leurs gens, et chevauchèrent fort et roide sur les coureurs qui leur ost avoient estourmy (troublé). Et quand le sire. de Randenrode les vit venir, il tourna son frein tout sagement et fit chevaucher son pennon (bannière) et ses compagnons, pour revenir au pont à leur grosse route (troupe); et les François après. En cette chasse là eut bon coureis (course) car les Allemands se hâtoient pour revenir au pont, et les François aussi pour eux retenir. En cette chasse fut pris et retenu des François messire Oulphart de Ghistelles, qui ne se sut ni put garder à point, car le chevalier avoit courte vue. Si fut enclos de ses ennemis par trop demeurer derrière, et fiança prison, et aussi deux écuyers, dont on nommoit l'un Jean de Mondorp et l'autre Jaquelot de Thians; les François et leur route (troupe) chevauchoient d'un côté, et les coureurs Allemands d'autre, et étoient environ demi bonnier() près l'un de l'autre, et tant

(1) Mesure de terre dont il n'est guère possible de fixer l'étendue, parce qu'elle n'étoit pas la même dans toutes les contrées. J. D.

qu'ils se pouvoient bien reconnoître et entendre de leurs langages; et disoient les François aux Allemands: « Ha, ha, seigneurs, vous n'en irez pas ainsi» et se hâtoient pour prendre le pont; et pas ne savoient la grosse embûche qui étoit au pont, de messire Regnault de Scoinevorst et des autres. Si que il fut dit au seigneur de Randenrode: « Sire, sire, avisez-vous; car il nous semble que ces François nous toldront (ôteront) le pont. » Adonc répondit le sire de Randenrode et dit : « Si ils savent un chemin, j'en sais bien un autre » Adoncse retourna sur destre (droite) et sa route (suite), et prirent un chemin assez frayé, qui les mena droit à cette petite rivière dessus dite, qui est si noire et si parfonde (profonde) et si environnée de grands marais. Et quand ils furent là venus, si ne purent passer, mais les convint retourner devers le pont. Et toudis (toujours) chevauchoient les François les grands galops devers le pont, qui cuidoient (croyoient) ces Allemands coureurs enclorre et prendre, ainsi qu'ils avoient jà pris de leurs compagnons; et par spécial moult y mettoit le sire de Montmorency grand'entente (ardeur).

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