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quitter à Dieu et au monde, et que ce n'étoit pas sa coulpe (faute) qu'elle étoit partie de lui, car il ne lui vouloit que tout amour et bonne loyauté, telle qu'on doit tenir en mariage. Avec ces lettres que le dit messire Hugh fit écrire par le roi d'Angleterre au pape et aux cardinaux, en lui écrivant ainsi comme vous avez ouï, et encore par plusieurs subtiles voies qui ci ne peuvent mie (pas) être toutes décrites, il envoya grand or et grand argent à plusieurs cardinaux et prélats les plus secrets et les plus prochains du pape, et aussi messagers sages et avisés et bien idoines (propres) et taillés de faire ce message, et mena tellement le pape par ses dons et par ses fallaces (fourberies) qu'ils contournèrent du tout la reine d'Angleterre et condamnèrent en son tort, et mirent le roi d'Angleterre et son conseil à son droit; et escripst(écrivit) le pape par le conseil d'aucuns cardinaux, qui étoient de l'accord du dessus dit Spenser, au roi Charles de France que sur peine d'excommuniement il renvoyât sa sœur la reine Isabelle en Angleterre devers son mari le roi. Ces lettres vues et apportées devers le roi de France et par si spécial messager que par l'évêque de Xaintes en Poitou (1) que le pape y envoyoit en légation, le roi fut durement ému sur sa sœur et dit qu'il ne la vouloit plus soutenir à l'encontre de l'église ; et fit dire à sa sœur, car jà de grand temps ne parloit-il point à li (elle), qu'elle vuidât tôt et hâtivement son royaume, ou il l'en feroit vuider à (avec) honte.

(1) Thibaud de Châtillon occupoit alors ce siége. (Gallia Christiana, T. 2. Col. 1077.) Pour parler exactement, Froissart auroit du dire, Saintes en Saintonge; mais il lui arrive quelquefois d'agrandir une province aux dépens des provinces voisines: on en trouvera plusieurs exemples dans le cours de son histoire. J. D.

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CHAPITRE XII.

COMMENT LA REINE D'ANGLETERRE SE PARTIT DE NUIT secrètement de PARIS, ELLE ET SA ROUTE (SUITE), POUR peur qu'elle ne fut PRISE DE SON FRÈRE ET RENVOYÉE EN Angleterre; ET S'EN ALLA EN L'EM

PIRE.

QUAND la reine ouït ces nouvelles, si fut plus déconfortée et ébahie que devant, car elle se voyoit entre pieds (embarrassée) et toute arrière du confort et aide que elle cuidoit (croyoit) avoir du roi Charles son frère. Si ne sut que dire ni quel conseil prendre, car jà l'éloignoient ceux de France par le commandement du roi et n'avoit à aucuns conseil ni recours fors à son cher cousin messire Robert d'Artois tant seulement. Mais cil (celui-ci) secrètement la conseilloit et confortoit de ce qu'il pouvoit, et non à vue, car autrement ne l'osoit faire pour le roi qui défense y avoit mise et en quel haine et malivolence (malveillance) la reine étoit échue, dont moult lui ennuyoit et savoit bien que par mal et par envic elle étoit ainsi déchassée. Si étoit ce messire Robert d'Artois si bien du roi qu'il vouloit ; mais il ne lui en osoit parler, car il avoit ouï dire au roi et jurer que, à celui qui lui en parleroit, quelqu'il fut, il lui ôteroit sa terre et le banniroit de son royaume. Si entendit-il secrètement que le roi étoit en volonté de faire prendre sa sœur, son fils, le comte de Kent

et messire Roger de Mortimer et de eux remettre ès mains du roi d'Angleterre et du dit Spenser; et ainsi le vint-il dire de nuit à la reine d'Angleterre et l'avisa du péril où elle étoit. Adonc fut la dame moult ébahie et requit tout en pleurant conseil à monsei– gneur Robert d'Artois quelle chose elle en pourroit faire, ni où se traire (retirer) à garant ni à conseil. << En nom Dieu, dit messire Robert, le royaume vous louè-je (conseille) bien vider, et traire (retirer) devers l'Empire: là il y a plusieurs grands seigneurs qui bien aider vous pourroient, et par spécial, le comte Guillaume de Hainaut et messire Jean de Hainaut son frère. Ces deux sont grands seigneurs, prud'hommes et loyaux, craints et redoutés de leurs ennemis, aimés de leurs amis et pourvus de grand sens et de parfaite honneur, et crois bien que en eux vous trouverez toute adresse (secours) de bon conseil; car autrement ils ne le voudroient ni sauroient faire. » La dame s'arrêta sur cet avis et se reconforta un petit à la parole et prière monseigneur Robert d'Artois, et fit appareiller toutes ses besognes, et payer et délivrer aux hôtes le plus coyement (secrètement) et bellement qu'elle put, et partit de Paris, et son jeune fils avec elle, et le comte de Kent et leur suite, et s'acheminèrent devers Hainaut. Et fit tant la reine d'Angleterre par ses journées qu'elle vint en Cambresis. Quand elle se trouva en l'Empire si fut un peu plus assurée que devant, et passa parmi Cambresis et entra en Ostrevant et en Hainaut et vint loger à Buignicourt (1) en l'hôtel d'un cheva

(1) Village voisin d'Arleux, à l'est de cette ville. J. D.

lier qui s'appeloit le sire d'Aubrecicourt ("), et là reçut adonc le chevalier et sa femme moult liement (joyeusement) et la tint toute aise selon son état, et tant que la reine d'Angleterre et son fils en aima depuis le chevalier et la dame à toujours et les enfans qui d'eux naquirent, et les avancèrent en plusieurs manières.

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CHAPITRE XIII. ·

COMMENT MESSIRE JEAN DE HAINAUT VINt a BuigniCOURT A L'ENCONTRE DE LA REINE D'ANGLeterre.

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A VENUE de la reine d'Angleterre qui descendoit en Hainaut étoit bien sue en l'hôtel du bon comte Guillaume de Hainaut, qui lors se tenoit à Valenciennes, et (ainsi que) messire Jean de Hainaut son frère; et sut le dit messire Jean l'heure qu'elle vint en l'hôtel monseigneur d'Aubrecicourt. Il qui étoit

(1) Les seigneurs d'Aubercicourt, que l'on trouve nommés Aubrecicourt, Aubregicourt, Aubrechicourt, Obrecicourt, Auberchicourt, etc., paroissent avoir pris leur nom du village d'Aubercicourt au comté d'Ostrevant à une lieue de Bouchain: c'est même dans ce village que les imprimés et plusieurs manuscrits font arriver la reine d'Angleterre. Le sire d'Aubercicourt dont il est ici question s'appeloit Eustache. (Hist. de Cambray par Le Carpentier, T. 2. P. 3 et suiv.) Je n'ignore pas, en citant cet ouvrage, que plusieurs des pièces qu'il renferme sont suspectes de fausseté; mais quand elles seroient toutes fausses, ce que je suis bien éloigné de croire, il n'en seroit pas moins utile pour fixer la manière d'écrire les noms d'un grand nombre de familles du Cambresis et des pays voisins; et c'est le seul usage que je me propose d'en faire

J. D.

moult honorable, jeune et désirant d'acquérir honneur et prix monta erraument (promptement) à cheval et se partit à privée mesgnie (avec peu de suite) de Valenciennes, et vint ce soir à Buignicourt etfità la reine d'Angleterre toute l'honneur et révérence qu'il pût, car bien le savoit faire.

La dame (1) qui étoit moult triste et moult égarée lui commença à conter en pleurant moult piteusement ses douleurs et ses mésavenues, comment elle étoit déchassée d'Angleterre et son fils, et venue en France sur l'espoir et fiance de son frère le roi, et comment elle cuidoit (croyoit) être pourvue de gens d'armes de France par la bonne volonté et conseil de son frère, pour aller plus puissamment et emmener son fils en son royaume, si comme ses amis d'Angleterre lui avoient mandé; et comment son frère fut tellement conseillé depuis, comme vous avez ouï; et lui conta comment et à quel meschef (malheur) elle étoit là affuie atout (avec) son fils, comme celle qui ne savoit à qui ni en quel pays trouver confort ni soutenance.

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CHAPITRE XIV.

COMMENT MESSIRE JEAN DE HAINAUT PROMIT A LA REINE D'ANGLETERRE QU'IL NE LUI FAULDRA (MANQUERA) JUSQUES A MOURIR.

Er quand le gentil chevalier messire Jean de Hainaut eut ouï complaindre la reine si tendrement et

(1) La fin de ce chapitre et le commencement du suivant sont fort abrégés dans les imprimés.

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