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CHAPITRE CXI.

COMMENT LE SIRE DE FAUQUEMONT ATOUT (AVEC) CENT LANCES SE BOUTA EN L'OST DES FRANÇOIS ET EN TUA

ET PRIT PLUSIEURS A PRISONNIERS; ET COMMENT QUATRE CENTS LANCES DE FRANÇOIS ARDIRENT (BRULÈRENT) PLUSIEURS VILLES ET PRIRENT LA VILLE DE TRITH.

MESSIRE Waleran sire de Fauquemont étoit gardien et capitaine de la ville de Maubeuge, et bien cent lances d'Allemands et de Hainuyers avec lui. Quand il sut que les François chevauchoient, qui ardoient (brûloient) le pays, et ouït les pauvres gens pleurer, crier et plaindre le leur, si en eut grand' pitié. Si s'arma et fit ses gens armer, et recommanda la ville de Maubeuge au seigneur de Beaujeu et au seigneur de Montigny, et dit à ses gens qu'il avoit très grand désir de trouver les François. Si chevaucha ce jour toudis (toujours) cotoyant les bois et la forêt de Mormal. Quand ce vint sur le soir, il entendit et sut que le duc de Normandie et tout son ost étoient logés sur la rivière de Salle, assez près de Haussi, dont il fut tout joyeux et dit brièvement qu'il les iroit réveiller. Si chevaucha cette vesprée (soirée) tout sagement: environ mie-nuit il passa la dite rivière à gué, et toute sa route (suite). Quand ils furent outre, ils ressanglèrent leurs chevaux et se mirent à point, et puis chevauchèrent tout souef(doucement) jusques adonc qu'ils vinrent au logis du

duc. Quand ils durent approcher, ils férirent chevaux des éperons tous d'un randon (impétuosité), et se plantèrent en l'ost du duc, en écriant: « Fauquemont, Fauquemont!» et commencèrent à couper cordes, à ruer et abattre tentes et pavillons par terre, et à occire et découper gens, et d'eux mettre en grand meschef. L'ost se commença à émouvoir, et toutes gens à armer et à traire (aller) celle part où la noise (bruit) et le hutin (désordre) étoit. Quand le sire de Fauquemont vit que point étoit, il se retraist (retira) arrière en retraiant (retirant) ses gens tout sagement, et adonc fut mort, des François, le sire de Pequigny, Picard, et fiancé prisonnier le vicomte de Quesnes et le Borgne de Rouvroy, et durement blessé messire Antoine de Codun.

Quand le sire de Fauquemont eut faite son emprise, et il vit que le temps fut et que l'ost s'émouvoit, il se partit, et toutes ses gens, et repassèrent la rivière de Salle sans dommage, car point ne furent poursuivis ; et chevauchèrent depuis tout bellement; et vinrent environ soleil levant au Quesnoy où le maréchal de Hainaut se tenoit, messire Thierry de Walecourt, qui leur ouvrit la porte et les reçut liement. Et d'autre part, le duc de Normandie fut moult courroucé de ses gens que on avoit occis et blessés et fiancés prisonniers; et dit: « Agar (1) comment ces Hainuyers nous réveillent. »

Alendemain, au point du jour, fit tromper les trompettes en l'ost le duc de Normandie: si s'armèrent et

(1) Agar ou Aga, mot usité encore dans plusieurs provinces, pour signifier, vois, regarde. J. D.

ordonnèrent toutes manières de gens, et mirent à pied et à cheval, et arroutèrent (assemblèrent) le charroi, et passèrent la dite rivière de Salle, et entrèrent de rechef en Hainaut, car le duc vouloit venir devers Valenciennes et aviser comment il la pourroit assiéger. Ceux qui chevauchoient devant, c'est à savoir, le maréchal de Mirepoix, le sire de Noyers, le Gallois de la Baume et messire Thibaut de Moreuil à (avec) bien quatre cents lances, sans les bidaus (1), s'envinrent devant le Quesnoy, et approchèrent la ville jusques aux barrières, et firent semblant de l'assaillir; mais elle étoit si bien pourvue de bonnes gens d'armes et de grand'artillerie (2) qu'ils y eussent perdu leur peine. Toutes voies (fois), ils escarmouchèrent un petit devant les barrières, mais on les fit retraire; car ceux du Quesnoy descliquèrent canons et bombardes qui jetoient

(1) Voyez la note de la Page 303.

(2) Quoique les canons re fussent pas encore d'un usage ordînaire, ́ ils étoient connus en France avant cette époque. On s'en servoit pour l'attaque et la défense des places dès l'année 1338, comme nous l'appreuons d'un registre de la chambre des comptes de Paris. Barthelemy de Drach, trésorier des guerres, porte sur ses comptes de ceite année, une somme d'argent donnée à Henry de Famechon, pour avoir poudre et autres choses nécessaires aux canons qui étoient devant Puy-Guillaume. (Voyez le gloss. de Ducange aux mots Bombardes et Canon.) Mais on convient assez généralement qu'avant la journée de Crécy on ne s'en servoit point dans les batailles. On pourroit même douter, à la rigueur, si on en fit usage à Crécy, puisqu'aucun des historiens contemporains ne fait mention d'un fait aussi remarquable, excepté Villani, étranger, éloigné du théâtre de la guerre et de qui, par conséquent, le silence des historices françois et anglois, témoins, pour ainsi dire, des faits qu'ils raco tent, affoiblit singulièrement le témoignage. (Voyez Istoria di Gicvani Villani. Liv. 12. Chap. 66. ) J. P.

grands carreaux (). Si se doutèrent (craignirent) les François de leurs chevaux, et se retrairent (retirèrent) pardevers Wargnies et ardirent Wargnies le grand et Wargnies le petit, Fieulainnes, Famars, Sepmeries, Artre, Artenel, Saultaín, Curgies, Estreu et Aulnoit; et en voloient les flaméches et les tisons en la ville de Valenciennes. Et puis vinrent les coureurs vers Valenciennes endementres (pendant) que les François ordonnoient leurs batailles sur le mont de Châtre près de Valenciennes; et se tenoient là en grand'étoffe, et moult richement. Dont il avint que environ deux cents lances des leurs, dont le sire de Craon, le sire de Maulevrier, le sire de Mathefelon et le sire d'Avoir étoient conduiseurs, s'avalèrent devers Maing, et vinrent assaillir une forte tour quarrée, qui pour le temps étoit à Jean Bernier de Valenciennes: depuis fut-elle à Jean de Neufville. Là eut grand assaut, dur et fort, et dura presque tout le jour, ni on n'en pouvoit les François faire partir. Si y en eut-il morts cinq ou six ; et si bien se tinrent et défendirent ceux qui la gardoient qu'ils n'y eurent point de dommage. Si s'en vinrent le plus (la plupart) de ces François à Trith, et cuidèrent (crurent) de première venue là passer l'Escaut; mais ceux de la ville avoient défait le pont et défendoient le passage roidement et fièrement; et jamais à cet endroit ne l'eussent les François conquis, mais

(1) Espèce de flèche dont la pointe de fer étoit triangulaire. On don_ noit aussi ce rom à de gros traits d'albalétriers. Les éclats de la foudre ont reçu depuis le rom de carreaux, parcequ'ils sont comme un trait rapice. J. A. B.

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il en y eut entr'eux de ceux qui connaissoient le passage, la rivière et le pays. Si emmenèrent bien deux cents de pied passer à planches à Prouvy. Quand cils (ceux-ci) furent outre, ils vinrent tantôt baudement (hardiment) sur ceux de Trith qui n'étoient qu'un peu de gens dedans, au regard (comparaison) de eux, et ne purent durer: si tournèrent en fuite, et en y eut de morts et de navrés (blessés) plusieurs.

Ce même jour étoit parti de Valenciennes le sénéchal de Hainaut à (avec) cent armures de fer, et issit (sortit) de la ville par la porte d'Anzain ; et pensoit bien que ceux de Trith auroient à faire: si les vouloit secourir. Dont il avint que dessus Saint Vast il trouva de rencontre vingt cinq coureurs François que trois chevaliers de Ponthieu menoient, messire Boucicaut l'un, le sire de Surgères l'autre, et messire Guillaume Blondeau le tiers;' et avoient passé l'Escant assez près de Valenciennes au pont que on dit la Tournelle, et avoient couru par droite bachelerie (valeur) dessus Saint Vast. Si très tôt que le sénéchal les perçut, si fut moult lie (joyeux), car bicn connut que c'étoient ses ennemis ; et férit après eux et toute sa route (suite) aussi. Là eut bon estequis (combat) des uns aux autres; et me semble aussi que le sénéchal de Hainaut porta jus (bas) de coup de lance messire Boucicant, qui adonc étoit moult appert (expert) chevalier, et fut plus encore depuis et maréchal de France, si comme vous orrez avant en l'histoire, et le fit là fiancer (jurer) prison, et l'envoya à Valenciennes. Mais je ne sais comment ce peut être car le sire de Surgères échappa et se sauva,

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