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la ville d'Ypres, qu'ils se traissent (rendissent) celle part. Et encore pour mieux montrer que la besogne étoit sienne et qu'elle lui touchoit, il se partit de Gand moult étoffément, et s'en vint entre la ville d'Audenarde et la cité de Tournay, sur un certain pas que on dit le pont de fer; et se logea là, attendant les dessusdits comtes d'Angleterre et aussi ceux du Franc de Bruges.

CHAPITRE CVIII.

COMMENT LES COMTES DE SALISBURY ET DE SUFFOLK QUI ALLOIENT AU SECOURS DES FLAMANDS FURENT PRIS DE CEUX DE LILLE ET ENVOYÉS AU ROI DE FRANCE.

QUAND les deux comtes d'Angleterre entendirent ces nouvelles, ils ne voulurent mie pour leur honneur délaier (différer), ains (mais) envoyèrent tantôt pardevers Artevelle en disant qu'ils seroient là au jour qui assigné y étoit. Sur ce ils partirent assez brièvement de la ville d'Ypres environ cinquante lances et quarante arbalétriers, et se mirent au chemin venir là ou Artevelle les attendoit (1). Ainsi pour

(1) Froissart passe sous silence un fait rapporté par les autres historiens, savoir, la prise et la destruction d'Armentières par le comte de Salisbury; mais en revanche ceux-ci ne parlent point du projet de réunion du comte avec Artevelle pour assiéger Tournay et disent seulement qu'en allant d'Armentières à Marquettes, il fut surpris par un détachement de la garnison de Lille et fait prisonnier. ( Chron. de Fr. Chap. 17. Chron. de Fl. P. 150. Annales de Flandre par Meyer, P. 240, etc.) J. D.

qu'ils chevauchoient et qu'il leur convenoit passer au dehors de Lille, leur venue et chevauchée fut sçue en la dite ville; dont s'armèrent secrètement ceux de Lille et, partirent de leur ville bien quinze cents à pied et à heval, et se mirent et établirent en trois aguets, afir. que cils (ceux-ci) ne leur pussent mie échapper; et vinrent les plusieurs et les plus certains sur un pas entre haies et buissons, et là s'embuchèrent.

Or chevauchoient adonc ces deux comtes Anglois et leur route (suite), au guidement de messire Waflart de la Croix, qui un grand temps avoit guerroyé ceux de Lille, et encore guerroyoit quand il pouvoit, et s'étoit tenu à Ypres celle saison pour eux mieux guerroyer; et se faisoit fort d'eux mener sans péril, car il savoit toutes les adresses et les torses voies, et encore en fut-il bien venu à chef (bout), si ceux de Lille n'eussent fait au dehors de leur ville un grand'tranchée nouvellement, qui n'y étoit mie accoutumé d'être. Et quand ce messire Waflart les eut amenés jusques là, et il vit qu'on leur avoit coupé la voie, si fut tout ébahi et dit aux comtes d'Angleterre: «< Messeigneurs, nous ne pouvons nullement passer le chemin que nous allons, sans nous mettre en grand danger et péril de ceux de Lille; pourquoi je conseille que nous retournions et prenions ailleurs notre chemin. >> Adonc répondirent les barons d'Angleterre: «Messire Waflard, il n'aviendra jà que nous issions (sortions) de notre chemin pour ceux de Lille; chevauchez toujours avant, car nous avons accordé à Artevelle que nous serons ce jour, à quelle heure

que ce soit, là où ilest. » Lors chevauchèrent les Anglois sans esmai (inquiétude) nul. Et quand messire Waflart vit que c'étoit acertes (sérieux), et qu'il ne pouvoit être cru ni ouï, si fit son marché tout avant œuvre, et dit: «Beaux seigneurs, voir (vrai) est que pour guide et conduiseur en ce voyage vous m'avez pris, et que tout cet hiver je me suis tenu avec vous en Ypres, et me loue de vous et de votre compagnie grandement; mais toute fois s'il avient que ceux de Lille saillent ni issent (sortent) contre nous, ni sur nous, n'ayez nulle fiance que je les doive attendre; mais me sauverai au plutôt que je pourrai, car si je étois pris ou arrêté par aucun cas de fortune, ce seroit sur ma tête que j'ai plus chère que votre compagnie. >> Adonc commencèrent à rire les chevaliers, et dirent à messire Waflart qu'ils le tenoient pour excusé. Tout ainsi comme il imagina il avint, car ils ne se donnèrent garde; si se boutèrent en l'embuche qui étoit grande et forte et bien pourvue de gens d'armes et d'arbalétriers, et qui les écrièrent tantôt.

Avant, avant, par cy ne pouvez-vous passer sans notre congé ! » Lors commencèrent-ils à traire (tirer) et à lancer sur les Anglois et leur route (suite). Et sitôt comme messire Waflart en vit la manière il n'eut cure de chevaucher plus avant, mais retourna le plus tôt qu'il put, et se bouta hors de la presse et se sauva, et ne fut mie pris cette fois. Et les deux seigneurs d'Angleterre messire Guillaume de Montagu, comte de Salisbury et le comte de Suffolk escheirent (tombèrent) dedans les mains de leurs ennemis et furent mieux pris qu'à la roix (filet); car

ils furent embuchés en un chemin étroit entre haies et épines et fossés à tous lez (côtés), si fort et par telle manière qu'ils ne se pouvoient ravoir ni retourner ni monter, ni prendre les champs. Toute fois quand ils virent la mésaventure, ils descendirent tous à pied et se défendirent ce qu'ils purent, et en navrèrent (blessèrent) et mehaignièrent (maltraitèrent) assez de ceux de la ville; mais finalement leur défense ne valut néant, car gens d'armes frisques et nouveaux croissoient toudis (toujours) sur eux: là furent-ils pris et retenus par force, et un écuyer jeune et frisque (vif) de Limosin, neveu du pape Clément qui s'appeloit Raymond: mais depuis qu'il fut créanté prisonnier fut-il occis, pour la convoitise de ses belles armures, dont moult de gens en furent courroucés (2).

Ainsi furent pris et retenus les deux comtes d'Angleterre et mis en la halle de Lille en prison; et depuis envoyés en France devers le roi Philippe qui en eut grand'joie,et en sut grand gré à ceux de Lille; et dit adonc le roi et promit à ceux de la ville de Lille qu'il leur seroit guère donné (récompensé) grandement, car ils avoient fait un beau service. Et quand Jacquemart d'Artevelle, qui se tenoit au pont de fer, en sut les nouvelles, il en fut durement cour

(1) Clément VI s'appeloit Pierre Roger. Si Raymond étoit son neveu du côté paternel, il devoit porter le même nom. Au reste, Pierre Roger n'étoit point encore pape, il re fut élu qu'en 1342, comme on l'a remarqué ci-dessus. J. D.

(2) Selon Dugdale ce ne seroit pas le comte de Suffolk lui-même, mais son fils Robert de Ufford-le-fitz qui auroit été fait prisonnier à cet endroit. J.A. B.

roucé, et brisa pour cette avenue son propos et son emprise, et donna à ses Flamands congé, et s'en retourna en la ville de Gand.

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CHAPITRE CIX.

COMMENT LE DUC DE NORMANDIE FIT TRÈS GRAND'ASSEMBLÉE DE GENS D'ARMES POUR ALLER DÉTRUIRE TOUT LE PAYS DE HAINAUT.

Nous retournerons, car la matière le requiert, aux guerres de Hainaut et à la contrevengeance que le roi Philippe y fit prendre par le dit duc de Normandie son ains-né (ainé) fils. Le duc, au commandement et ordonnance du roi son père, fit son spécial mandement à être à Saint-Quentin et là environ; et se partit de Paris environ pâques, l'an mil trois cent quarante (1), et vint à Saint-Quentin. Et là étoit avec lui le duc d'Athènes, le comte de Flandre, le comte d'Auxerre, le comte de Sancerre, le comte Raoul d'Eu, connétable de France, le comte de Ponthieu, le comte de Roussy, le comte de Braine, le comte Grandpré, le sire de Coucy, le sire de Craon, et grand'foison de noble chevalerie de Normandie et des basses marches.

Quand ils furent tous assemblés à Saint-Quentin et là environ, le connétable, le comte de Ghines, et les maréchaux de France, messire Robert Bertrand

(1) Pâques étoit cette année le 19 avril. J. A B.

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