Изображения страниц
PDF
EPUB

chevaliers Allemands, qui tous trois se nommoient messire Conrard, et envoya à Escaudeuvre messire Girard de Sassegnies et aussi en la ville d'Avesnes leseigneur de Fauquemont, et aussi par toutes les forteresses de Hainaut, voire (même) sur les frontières du royaume; et pria et enjoignit à chacun de ces capitaines qu'ils fussent soigneux pour leur honneur d'entendre à ce qui leur étoit enchargé; et chacun lui enconvenança (promit). Si se traist (retira) chacun sire et capitaine avec ses gens en sa garnison et entendirent de mettre en point, garnir et pourvoir ce dontils étoient gardes. Or reviendrons-nous au roide France et recorderons (raconterons) comment il envoya une grand'chevauchée de gens d'armes en Hainaut pour ardoir (brûler) et exillier (ravager) le pays; et en fit le duc de Normandie son fils chef.

CHAPITRE CVI.

COMMENT LE ROI PHILIPPE COMMANDA AU Duc de NorMANDIE SON FILS QU'IL ALLAT DÉTRUIRE LE PAYS DE HAINAUT, ET ENVOYA LE COMTE DE LILLE EN Gas

COGNE SON LIEUTENANT.

QUAND le roi de France eut ouï recorder comment ies Hainuyers avoient ars (brulé) au pays de Thiérasche, pris et occis ses chevaliers et écuyers, et détruit sa bonne ville d'Aubenton, sachez qu'il ne prit mie cette chose en gré, mais commanda à son fils le duc de Normandie, qu'il mît une grosse che

vauchée sus, et s'en venist (vint) en Hainaut, et sans déport (délai) atournast (ravageât) tel le pays que jamais ne fut recouvré (réparé); et le duc répondit qu'il le feroit volontiers. Encore ordonna le roi de France le comte de Lille (), gascon, qui se tenoit adonc à Paris de-lez (près) lui, et que moult aimoit, que il mît une grosse chevauchée de gens d'armes sus, et s'en allât en Gascogne, et y chevauchât comme lieutenant du roi de France, et guerroyât durement et roidement Bordeaux et Bordelois et toutes les forteresses qui là se tenoient pour le roi d'Angleterre.

Le comte dessusdit obéit au commandement du roi et se partit de Paris et fit son mandement à Toulouse à être à pâques closes (2); lequel mandement fut tenu, ainsi que vous orrez (entendrez) ci-après quand lieu et temps sera. Encore renforça grandement le roi de France l'armée qu'il tenoit sur mer, et la grosse armée des écumeurs, et manda à messire Hugues Quieret, à Barbevaire et aux autres capitaines qu'ils fussent soigneux d'eux tenir sur les mettes (limites) de Flandre, et que nullement ils ne laissassent le roi d'Angleterre repasser, ni prendre port en Flandre; et si par leur coulpe (faute) en demeuroit, il les feroit tous mourir de male mort.

Avec tout ce vous avez bien ouï recorder (raconter) comment de nouveau les Flamands étoient alliés et

(1) Il s'agit de Bertrand comte de Lille-jourdain.(Voyez l'hist. généal. de la mais, de France. T. 2. P. 703.) J. A. B.

(2) On appeloit paques closes, le dimanche de l'octave de pâques, nommé aujourd'hui Quasimodo,(Cangii, Gloss. Art. Pascha clausum.) J. D.

conjoints par scel (traité) avec le roi d'Angleterre, et lui avoient juré à lui aider à poursuivre sa guerre, et lui avoient fait encharger les armes de France; etcil (ce)roi les avoit absous et clamés (déclarés) quittes d'une grand'somme de florins dont ils étoient de jadis obligés et liés au roi de France. Dont il avint que quand le roi Philippe ouït ces nouvelles si ne lui plurent mie bien, tant pour ce qu'ils avoient fait hommage à son adversaire, comme pour ce que le roi Anglois comme roi de France les avoit quittés de la somme et de l'obligation, ce que nullement il ne pouvoit faire. De quoi encore pour eux retraire (rappeler), il leur manda par un prélat, sous l'ombre du pape, qu'ils tinssent ferme et stable leur serment, autrement 'il jetteroit sentence contre eux : nonobstant ce et la petite et foible information qu'ils avoient eue, si ils se vouloient reconnoître et retourner à lui et à la couronne de France et relenquir (abandonner) ce roi d'Angleterre, qui enchantés les avoit, il leur pardonneroit tous mau-talents et leur quitteroit la dite somme, et leur donneroit et scelleroit plusieurs belles franchises en son royaume. Les Flamands n'eurent mie adonc conseil ni accord de ce faire, et répondirent qu'ils se tenoient bien pour absous et pour quittes de tout ce où obligés étoient tant comme au roi de France. Et quand le roi de France ouït et sçut qu'il n'en auroit autre chose, il s'en complaignit au pape Clément VI qui

(1) Froissart se trompe sur le nom de ce pape. Benoît XII vivoit encore et ne mourut qu'en 1342. Son successeur Clément VI fut élu le 7 mai de cette année. (Vitæ Pap. Aven. T. 1. Col. 211. 243, etc.) J. D.

régnoit pour le temps, lequel pape jeta une sentence et un excommuniement en Flandre si grand et si horrible qu'il n'étoit prêtre qui y osât célébrer ni faire le divin service. De quoi les Flamands furent moult courroucés et envoyèrent complaintes grands et grosses au roi Anglois, lequel pour eux apaiser leur manda que de ce ils ne fussent néant effrayés, car la première fois qu'il repasseroit la mer, il leur méneroit des prêtres de son pays, qui leur chanteroient des messes, voulut le pape ou non, car il est bien privilégié de ce faire. Parmi ce s'appaisèrent les Flamands.

CHAPITRE CVII.

COMMENT CEUX de Tournay, de Lille et de Douay COURURENT JUSQUES DEVANT COURTRAY OU ILS PRIRENT GRAND' PROIE DE BÊTES ET TUÈRENT PLUSIEURS

HOMMES.

QUAND le roi vit que par nulle voie ni pourchas (sollicitation) qu'il sut faire ni montrer il ne pourroit retraire (rappeler) les Flamands niôter de leur opinion, si commanda à ceux qu'il tenoit en garnison à Tournay,à Lille, à Douay, à Béthune et aux châteaux voisins, qu'ils fissent guerre aux Flamands et courussent leur pays sans déport (délai). Dontilavint que messire Mathieu de Roye, qui pour le temps se tenoit dedans Tournay et messire Mathieu de Trye, maréchal de France, avec messire Godemar du Fay, et plusieurs

autres mirent sus une chevauchée de mille armures de fer, tous bien montés et trois cents arbalétriers, tant de Tournay, de Lille que de Douay, et se partirent de la cité de Tournay un soir après souper, et chevauchèrent tant que sur le point du jour ils vinrent devant Courtray, et accueillirent entour soleil levant toute la proie de là environ. Et coururentles coureurs jusques aux portes, et occirent et méhaignièrent (blessèrent) aucuns hommes qu'ils trouvèrent dedans les faubourgs; et puis s'en retournèrent arrière et sans dommage; et prirent ces gens d'armes leur retour devers la rivière du Lis et devers Warneston, en accueillant et emmenant devant eux toute la proie qu'ils trouvèrent et encontrèrent. Et amenèrent ce jour là en la cité de Tournay plus de dix mille blanches bêtes et bien autant, que porcs, que bœufs, que vaches; et en fut la dite cité bien pourvue et rafraichie un grand temps et largement avitaillée.

Ces nouvelles qui ne furent mie trop plaisants pour les Flamands s'espartirent (répandirent) parmi Flandre. Si en fut le pays durement ému et troublé, et en vinrent les complaintes à Jaquemart d'Artevelle qui se tenoit à Gand: pourquoi le dit Artevelle fut durement courroucé et dit et jura que cette forfaiture seroit vengée au pays de Tournesis. Si fit son mandement partout, et commanda par toutes les bonnes villes de Flandre que tous vuidassent et fussent à un certain jour qu'il leur assigna, avec lui devant la cité de Tournay; et écrivit au comte de Salisbury et au comte de Suffolk, qui se tenoient en

« ПредыдущаяПродолжить »