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montroit sa besogne et pourquoi elle étoit venue en France, si en eut grand'pitié et lui dit: « Ma belle sœur, appaisez-vous et vous confortez, car foi que je dois à Dieu et à monseigneur Saint Denis, j'y pourvoirai de remède. » Adonc la dame s'agenouilla, voulut ou non le roi, tout bas à terre et lui dit: «Mon très cher seigneur et beau frère, Dieu vous en veuille ouïr. >> Lors la prit le roi entre ses bras et la mena en une autre chambre plus avant qui étoit toute parée et ordonnée pour lui et pour le jeune Édouard son fils, et là la laissa. Ainsi fut la noble reine d'Angleterre reçue et bien venue à ce premier jour du roi Charles de France son frère; et lui fit délivrer le roi par la Chambre aux Deniers tout ce qui à la reine étoit nécessaire pour elle et son état.

Depuis ne demeura guères que sur cet état que vous avez ouï, Charles le roi de France assembla plusieurs grands seigneurs et barons du royaume de France pour avoir conseil et bon avis comment on ordonneroit de la besogne de la reine sa sœur, à qui il avoit promis confort et aide et tenir lui vouloit. Dont fut ainsi conseillé au roi, et pour le mieux, que il laissât madame sa sœur acquérir et pourchasser amis et confortans au royaume de France et se feignit de cette emprise: car d'émouvoir (exciter) guerre au roi d'Angleterre et de mettre en haine les deux royaumes qui étoient en paix, ce n'étoit pas chose qui fut appartenante; mais couvertement et secrètement l'aidât et confortât tant d'or que d'argent, car c'est le métal parquoi on acquiert l'amour des gentils hommes et des pauvres bacheliers. A ce conseil et avis s'ac

(1325) corda le roi et le fit dire ainsi tout coyement (secrètement) à la reine d'Angleterre sa sœur par monseigneur Robert d'Artois, qui lors étoit l'un des plus grands de France (). Sur ce la bonne reine toute réjouie et confortée persévéra et se pourvut d'acquérir amis parmi le royaume de France. Les aucuns prioit ;aux autres promettoit ou donnoit or, argent ou joyaux; et tant, qu'il y eut moult de grands seigneurs et de jeunes chevaliers et écuyers qui tous lui accordèrent confort et aide et alliance pour la remener en Angleterre et de force malgré tous ses ennemis, pour l'honneur du roi leur seigneur.

CHAPITRE IX.

COMMENT LES BARONS D'ANGLETERRE MANDERENT SECRÈTEMENT A LA REINE QU'ELLE S'EN RETOURNAT ELLE ET SON FILS EN ANGLETERRE ATOUT (AVEC) MILLE HOMMES D'ARMES.

OR NOUS parlerons de ce messire Hugh un petit, et

assez tôt retournerons et reviendrons à la reine. Quand cil messire Hugh vit qu'il avoit grand'partie fait de ses volontés et mis à destruction les plus grands barons d'Angleterre, la reine et son aînéfils déchassé hors d'Angleterre, et qu'il avoit le roi si attrait (attiré) à sa volonté que le roine lui contredisoit nulle chose qu'il voulut dire ni faire, il qui persévéroit en sa grand'mauvaiseté fit depuis tant de bonnes gens justicier et mettre tant de gens à mort sans loi et sans

(1) La fin de ce chapitre est omise dans les imprimés.

jugement, pourtant (attendu) qu'il les tenoit pour suspects encontre lui, et fit tant de merveilles par son orgueil, que les barons qui demeurés étoient et le remenant (reste) du pays ne le purent plus porter, ains (mais) accordèrent ses ennemis entre eux paisiblement et firent secrètement savoir à la reine leur dame dessus dite, qui avoit sa demeure à Paris par l'espace de trois ans (), comme enchassée et bannie du royaume d'Angleterre, si comme vous avez ouï, si elle pouvoit trouver voie ou sens parquoi elle put avoir aucune compagnie de gens d'armes de mille armures de fer ou là environ, et elle voulut ramener son fils au royaume d'Angleterre, ils se trairoient (retireroient) tantôt vers li (elle) et obéiroient à li (elle) comme à leur dame, et à son fils comme à leur seigneur: car ils ne pouvoient plus porter les desrois (cruautés) et les faits que le roi faisoit au pays par le conseil du dit messire Hugh. Ces lettres et ces nouvelles secrètes envoyées d'Angleterre montra la reine au roi Charles son frère, lequel lui répondit adonc tout joyeusement: «Ma belle sœur, Dieu y ait part; de tant valent vos besognes mieux. Or l'emprenez hardiment et priez de mes hommes jusques à la somme que vos aidants d'Angleterre vous ont signi

(1) Isabelle ne fit pas un si long séjour en France; elle y étoit arrivée au mois de mars 1325; et elle étoit retournée en Angleterre avant le 27 septembre de l'année suivante 1326, date des lettres d'Édouard II dans lesquelles il annonce à ses sujets l'arrivée de la reine et de son fils, qui avec Roger de Mortimer et autres bannis et ennemis de l'Angleterre étoient descendus dans son royaume pour l'en chasser. Ainsi elle ne fut en France qu'environ dix-huit mois. (Rymer, T. 2. Part. 2. P. 132. 167, etc.) J. D.

fiée; je consentirai ce voyage et leur ferai faire délivrance d'or et d'argent tant que ils vous serviront volontiers. >>

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CHAPITRE X.

COMMENT MESSIRE HUGH SPENSER CORROMPIT LE ROI DE FRANCE ET TOUT SON CONSEIL PAR DONS, AFIN QU'IL NE RENVOYAT LA REINE en Angleterre.

SUR ce la bonne dame avoit jà prié moult de chevaliers bachelers (vaillans) et aventureux qui lui promettoient que très volontiers ils iroient; et ordonnoit la dame tout secrètement son affaire et ses pourvéances (provisions): mais oncques si secrètement ne le put faire ni écrire aux barons d'Angleterre, que messire Hugh Spenser ne le sut. Lors se douta-t-il que par force le roi de France la renvoyât en Angleterre; si s'avisa que par dons il attrairoit si le roi de France et son conseil qu'ils n'auroient aucune volonté de la dame aider ni de lui porter contraire. Adonc envoya par messages secrets et affaitiés (accoutumés) de ce faire grand plenté (abondance) d'or et d'argent et joyaux riches, et spécialement devers le roi et son plus privé conseil, et fit tant en bref terme que le roi et tout son conseil furent aussi froids d'aider à la dame comme ils en avoient été en grand désir; et brisa le roi tout ce voyage, et défendit sur peine de perdre (être bannis) le royaume qu'il ne fut nul qui

avec la reine d'Angleterre se mit à voic pour lui aider à remettre en Angleterre à main armée ("). Dont plusieurs chevaliers et bacheliers du dit royaume en furent moult courroucés et s'émerveillèrent entre eux pourquoi si soudainement le roi avoit fait cette défense, et en murmuroient les aucuns, et dirent bien que or et argent y étoient efforciement (abondamment) accourus d'Angleterre et que Français sont trop convoiteux.

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CHAPITRE XI.

COMMENT LE ROI DE FRANCE FIT DIRE A SA SOEUR QU'ELLE VUIDAT HORS DE SON ROYAUME.

ENCORE vous dirai-je, si j'ai loisir, de quoi ce messire Hugh Spenser s'avisa quand il vit qu'il n'auroit garde du roi de France ni de ce côté. Pour embellir et fleurir sa mauvaiseté et retraire (rappeler) la reine en Angleterre et remettre en son danger et du roi son mari, il fit le roi d'Angleterre écrire au SaintPère (2), en suppliant assez affectueusement qu'il voulut écrire et mander au roi Charles de France qu'il lui voulut renvoyer sa femme, car il s'en vouloit ac

(1) La fin de ce chapitre manque dans les imprimés français et anglais qui abrégent aussi considérablement le suivant.

(2) Jean XXII occupoit alors le St. Siége. Il s'agit probablement ici des lettres qu'Édouard II lui écrivit le 5 décembre de cette année 1325, ainsi qu'à plusieurs cardinaux concernant cette affaire. (Rymer, ubi sup. P 148.) J. D.

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