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mais plus avant il n'en feroit rien qui dut être au déplaisir du roi. Le roi le crut cette fois; si s'en apaisa atant (alors). Et toute fois le duc ne laissa mie pour ce, qu'il ne retint des gens d'armes en Brabant et ailleurs là où il les pouvoit et pensoit avoir, jusques à la somme que enconvenencé (promis) avoit au roi d'Angleterre. Et quand les dessusdits seigneurs d'Angleterre eurent fait en partie ce pourquoi ils avoient passé la mer, ils se partirent de Valenciennes où ils tenoient leur souverain séjour, premièrement l'évêque de Lincoln, messire Regnault de Cobham, et les autres, et vuidèrent Hainaut et vinrent à Dordrecht en Hollande, et montèrent là en mer, pour eschever (éviter) le passage de Cadsand, où les dessusdits chevaliers de Flandre se tenoient en garnison de par le roi de France et le comte de Flandre, si comme on disoit; et s'en vinrent au mieux qu'ils purent, et au plus couvertement (secrètement) arrière en leur pays, devers le roi Anglois, leur seigneur, qui les reçut à grand' joie. Si lui recordèrent tout l'état des seigneurs de par deçà, premièrement du duc de Brabant, du comte de Juliers, du duc de Gueldres, de l'archevêque de Cologne, de messire Jean de Hainaut, du seigneur de Fauquemont, et des alliés; et sur quel point ils s'étoient accordés à lui; et à quelle quantité de gens d'armes chacun le devoit servir; et aussi quelle chose chacun devoit avoir. A ces paroles entendit le roi Anglois volontiers, et dit que ses gens avoient bien exploité; mais trop durement plaignit la mort du comte de Hainaut de qui il avoit la fille, 13

FROISSART. T. I.

et disoit qu'il avoit perdu en lui un très grand confort; si lui convenoit-il porter et faire à l'avenant. Encore racontèrent les dits seigneurs au roi le convenant (disposition) de ceux qui se tenoient en la garnison de Cadsand et qui hérioient (fatiguoient) ses gens tous les jours; et comment pour doute (crainte) d'eux ils étoient revenus par Hollande, et avoient alongé grandement leur chemin; dont dit le roi qu'il y pourverroit temprement (promptement) de remède. Si ordonna assez tôt après le comte de Derby son cousin et messire Gautier de Mauny, qui jà avoit fait tant de belles bacheleries (prouesses) en Ecosse qu'il en étoit durement alosé (loué), et aussi aucuns autres chevaliers et écuyers Anglois qu'ils se voulussent traire (rendre) devers Cadsand et combattre ceux qui là se tenoient. Les dessusdits obéirent au commandement du roi leur seigneur et firent leurs pourvéances (provisions) et leurs amas de gens d'armes et d'archers à Londres, et chargèrent leurs vaisseaux en la Tamise. Quand ils furent venus et appareillés, ils étoient environ cinq cents armures de fer et deux mille archers. Si entrèrent en leur navie (flotte) qui étoit toute prête, et puis se désancrèrent et vinrent de cette marée la première nuit gésir (coucher) devant Gravesend; à lendemain ils désanerèrent et vinrent devant Margate; à la tierce marée ils tirèrent les voiles à mont et prirent le parfont (profond) et nagèrent (naviguèrent) tant par mer qu'ils virent Flandre: si arroutèrent (réunirent) leurs vaisseaux et mirent en bon convenant (disposition): si vinrent assez près de

195 Cadsand à heure de nonne (midi). Ce fut la veille Saint Martin en hiver, l'an de grâce mil trois cent trente sept.

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CHAPITRE LXIX.

COMMENT LES ANGLOIS PRIRENT TERRE SUR LES FLA

MANDS QUI GARDOIENT LE PASSAGE DE CADSAND ET VINRENT COMBATTRE MAIN A MAIN.

QUAND les Anglois virent la ville de Cadsand où ils tendoient venir et combattre à ceux qui dedans se tenoient, si s'avisèrent qu'ils avoient le vent et la marée pour eux et que au nom de Dieu et Saint George ils approcheroient. Adonc firent-ils sonner leurs trompettes et s'armèrent et appareillèrent vîtement et ordonnèrent les vaisseaux et mirent les archers devant et singlèrent fort vers la ville. Moult bien avoient les gaites (guets) et les gardes qui en Cadsand se tenoient vu approcher cette grosse armée: si supposoient assez que c'étoient Anglois; parquoi ils s'étoientjà tous armés et rangés sur les dikes (digues) et sur le sablon, et mis leurs pennons (bannières) par ordonnance devant eux, et fait entre eux des nouveaux chevaliers jusques à seize; et pouvoient bien être environ cinq mille tous comptés, bien apperts bacheliers et compagnons, hardis et légers ainsi qu'ils le montrèrent.

Et là étoit messire Guy de Flandre, frère au comte Louis de Flandre, un bon et sûr chevalier, mais bâtard étoit, qui admonestoit et prioit tous les compagnons de bien faire. Et là étoient messire Dutres de

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(1337) Hallewyn, messire Jean de Rhodes, messire Gille de l'Estrief, qui fut là fait chevalier, messire Simon et messire Jean de Brukedent, quiy furent faits chevaliers aussi, et Pierre d'Englemoustier, et maints compagnons bacheliers et écuyers et apperts hommes d'armes, ainsi qu'ils le montrèrent, et qui moult désiroient la bataille aux Anglois. Et étoient tous ceux ordonnés et rangés à l'encontre des Anglois; et n'y eut rien parlementé ni devisé, car les Anglois qui étoient désirants de les assaillir, et ceux de défendre, crièrent leur cri et firent traire (tirer) leurs archers moult fort et moult roide, et tant que ceux qui le hâvre (port) gardoient et défendoient en furent si essoinniés (accablés), qu'ils voulussent ou non, il les en convint reculer; et en yeutdu traità ce premier coup moultde mehaigniés (blessés); et prirent terre les barons et chevaliers d'Angleterre, et s'en vinrent combattre à haches, à épées et à glaives l'un à l'autre. Et là y eut plusieurs belles bacheleries et appertises d'armes faites; et moult vaillamment se combattirent les Flamands: aussi moult bachelereusement les requirent les Anglois; et là fut moult bon chevalier le comte de Derby et s'avança des premiers si avant qu'il fut, en lançant de glaives, mis par terre; et lui fut là messire Gautier de Mauny bon confort, car par appertises d'armes il le releva et ôta de tous périls, en écrian!: Lancastre, au comte de Derby! » Et adonc ils approchèrent de tous côtés, et y eut plusieurs mehaigniés (blessés), et par spécial plus des Flamands que des Anglois; car les archers d'Angleterre qui continuellement traioient (tiroient), leur portèrent très grand dommage.

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CHAPITRE LXX.

COMMENT LES ANGLOIS DÉCONFIRENT CEUX DE CADSAND;

ET Y FUT PRIS LE FRÈRE BATARD DU COMTE DE FLAN-
DRE, QUI PUIS SE RENDIT ANGLOIS.

y

A PRENDRE terre au hâvre de Cadsand fut la bataille dure et fière, car les Flamands qui là étoient et qui la ville et le hâvre gardoient et défendoient, étoient très bonnes gens et de grand'appertise pleins; car par élection (choix) le comte de Flandre les avoit mis et établis pour garder ce passage contre les Anglois: si s'en vouloient acquitter bachelereuse-ment (vaillamment) et faire leur devoir en tous états, ainsi qu'ils firent. Là étoient des barons et chevaliers d'Angleterre, premièrement le comte Derby, fils au comte Henry de Lancastre au tort col, le comte de Suffolk, messire Regnault de Cobham, messire Louis de Beauchamp, messire Guillaume Fitz-Warwick "), le sire de Beauclerc, messire Gautier de Mauny et plusieurs autres chevaliers et bacheliers, qui très vassaument (vaillamment) se portoient et assailloient les Flamands. Là eut dure bataille et fort combattue, car ils étoient main à main, et là firent les plusieurs moult de belles appertises d'armes et d'un côté et d'autre; mais finalement les Anglois obtinrent la place et furent les Flamands déconfits et

(1) Les imprimés françois et anglois disent: Messire Guillaume fils au comte de Warwick. Fitz Warwick signifie fils naturel du comte de Warwick. J. A. B.

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