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saisine et la possession de par le roi Anglois, et vinrent les bourgeois de la cité en l'ost faire hommage et féauté au dit roi, et jurèrent et reconnurent à tenir la cité de Berwick de lui. Après y entra le roi à grand'solennité de trompes et de nacaires (timballes), cornemuses, claronceaux (clairons) et tambourins et y séjourna depuis douze jours, et y établit un chevalier à gardien et à souverain, qui s'appeloit messire Édouard de Balliol (; et quand il se partit de Berwick, il laissa avec le dit chevalier plusieurs jeunes chevaliers et écuyers, pour aider à garder la terre conquise sur les Écossois et les frontières d'icelui pays. Si s'en retourna le roi vers Londres et donna à toutes manières de gens congé, et s'en ralla chacun en son lieu; et lui-même s'en revint à Windsor, où le plus volontiers se tenoit, et messire Robert d'Artois de-lez (près)lui, qui ne cessoit nuit ni jour de lui remontrer quel droit il avoit à la couronne de France, et le roi y entendoit volontiers.

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CHAPITRE LIX.

COMMENT MESSIRE GUILLAUME DE MONTAGU ET MESSIRE GAUTIER DE MAUNY SE PORTÈRENT VAILLAMMENT CONTRE LES ÉCOSSOIS, DONT ILS FURENT GRANÉDOUARD.

DEMENT EN LA GRACE DU ROI

AINSI alla en ce temps de la chevauchée du roi Anglois sur les Écossois: il gâta etexilla (ravagea) la plus

(1) Balliol, dont Froissart parle ici comme d'un simple chevalier, étoit dès lors reconnu pour roi d'Écosse par une partie de la nation et par Édouard III, ainsi qu'on a pu le voir ci-dessus dans la note page 150.J.D.

grand'partie de leur pays, et y prit plusieurs forts châteaux que ses gens obtinrent sur les Écossois depuis un grand temps, et principalement la bonne cité de Berwick. Et étoient demeurés de par le roi Anglois, pour tenir les frontières, plusieurs apperts chevaliers, bacheliers et écuyers, entre lesquels messire Guillaume de Montagu et messire Gautier de Mauny sont bien à ramentevoir (rappeler); car de la partie des Anglois ces deux en avoient toute la huée (renommée), et faisoient souvent sur les Écossois des hardies entreprises de belles chevauchées, de mêlées et de hutins (combats); et par usage le plus (la plupart du temps) ils gagnoient sur eux; dont ils acquirent grand'grâce devers le roi et les barons d'Angleterre. Et pour mieux avoir leur entrée et leur issue en Ecosse et maîtriser le pays, messire Guillaume de Montagu qui fut appert (expert), hardi et entreprenant chevalier durement, fortifia la bastide (1) de Roxburgh sur la marche d'Écosse, et en fit un bon châtel pour tenir contre tout homme; de quoi le roi Anglois lui en sut grand gré, et acquit si grand' renommée et si grand'grâce en ces entreprises du roi Édouard, que le roi le fit comte de Salisbury, et le maria moult hautement et noblement. Aussi fit messire Gautier de Mauny, qui devint en ces chevauchées chevalier, et fut retenu du plus grand conseil du roi et moult avancé en sa cour. Et fit depuis le dit messire Gautier tant de belles appertises et de grands faits d'armes, si comme vous orrez avant en

(1) On appeloit ainsi une ville nouvellement bâtic. Ce mot signifie dans le midi une maison de campagne, J. A. B.

l'histoire, que ce livre est moult renluminé de ses prouesses.

Bien est vrai que aucuns chevaliers d'Écosse faisoient souvent ennui aux Anglois, et se tenoient toujours pardevers le sauvage pays d'Écosse, entre grands marais et grands forêts; et là nul ne les pouvoit suivre, et suivoient aucune fois les Anglois de si près que tous les jours y avoit poingneis (combats) ou hutin (mêlée). Et toujours messire Guillaume de Montagu et messire Gautier de Mauny, adonc nouvel chevalier, y étoient renommés pour les mieux faisants et les plus aventureux; et y perdit à ces hutins et poingneis (combats) le dit messire Guillaume de Montagu, qui étoit hardi et dur chevalier merveilleusement, un œil pour ses hardies entreprises.

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En ces grands marais et ces grands forêts là où ces seigneurs d'Écosse se tenoient, s'étoit jadis le preux roi Robert d'Écosse tenu par plusieurs fois, quand le roi Édouard, ayeul à celui dont nous parlons présentement, l'avoit déconfit, et conquis tout royaume d'Écosse. Et plusieurs fois fut-il si mené et si déchassé que il ne trouvoit aucun en son royaume qui l'osât héberger, ni soutenir en châtel, ni en forteresse, pour doute (crainte) de ce roi Édouard qui avoit si nettement conquis toute Écosse qu'il n'y avoit ville, ni châtel, ni forteresse qui n'obéit à lui. Et quand ce roi Édouard étoit arrière revenu en Angleterre, ce preux roi Robert rassembloit gens, quelque part qu'il les pouvoit trouver, et reconquéroit ses châteaux, forteresses et ses bonnes . villes, jusques à Berwick, les unes par force et ba

taille, les autres par beau parler et par amour. Et quand le roi Édouard le savoit, il en avoit grand dépit, et faisoit semondre son ost, et ne cessoit jusques à tant qu'il avoit de rechef déconfit et reconquis le royaume d'Écosse comme devant. Ainsi avint entre ces deux rois, si comme j'ai ouï recorder, que ce roi Robert reconquit son royaume par cinq fois. Et ainsi se maintinrent ces deux rois, que on tenoit en leur temps pour les deux plus preux du monde, tant que le bon roi Édouard fut trépassé. Et trépassa en la bonne cité de Berwick (: et avant qu'il mourut il fit appeler son aîné fils, qui fut roi après lui, pardevant tous ses hommes, et lui fit jurer sur saints que sitôt qu'il seroit trépassé il le feroit bouillir en une chaudière, tant que la chair se partiroit des os,et feroit la chair mettre en terre et garderoit les os; et toutes fois que les Écossois rebelleroient contre lui, il semonceroit ses gens et assembleroit et porteroit avec lui les os de son père: car il tenoit fermement que tant qu'il auroit ses os avec lui, les Écossois n'auroient point victoire contrelui(2). Lequel n'accomplit mie ce qu'il avoit juré; ains (mais) fit son père rapporter à Londres, et là ensevelir contre son serment; de quoi il lui meschey (arriva mal) depuis en plusieurs manières, si comme vous avez ouï; et premièrement à la bataille de Stirling où les Écossois

eurent victoire contre lui.

(1) Édouard Ier me ruta Burgh on the sands le 7 juillet 1307, à l'âge de 68 ans. J. A. B.

(2) Dans le 11. siècle Le Cid avoit exprimé un vœu à peu près semblable. Il commanda par son testament qu'on le placât revêtu de ses armés sur son bon cheval Babicca. (Romancero del Cid.) J. A. P.

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CHAPITRE LX.

COMMENT LE ROI DE FRANCE ALLA VOIR LE PAPE EN AVIGNON, ET COMMENT, A LA PRÉDICATION DU PAPE,

IL PRIT LA CROIX POUR ALLER OUTRE MER; ET AUSSI

fit le roi de Behaigne (BohêME), LE ROI DE NAVARRE ET LE ROI D'ARRAGON.

APRÈS que le jeune roi d'Angleterre eut fait hommage au roi Philippe de France de la comté de Ponthieu et de tout ce qui lui appartenoit à faire, eut le roi Philippe grâce et dévotion de venir voir le saint père pape Benedict ("), qui pour le temps régnoit et se tenoit en Avignon, et de visiter une partie de son royaume, pour lui déduire et ébattre, et pour apprendre à connoître ses cités, ses villes et ses châteaux, et les nobles de son royaume (2). Si fit faire en cette instance ses pourvéances grandes et grosses, et se partit de Paris, en très grand arroi, le roi de Behaigne (Bohême) et le roi de Navarre en sa compagnie, et aussi grand'foison de ducs et de comtes et de seigneurs; car il tenoit grand état et étoffé, et faisoit grands livrées (dons) et grands dépens. Si chevaucha

(1) Jacques Fournier, né dans le comté de Foix, pape sous le nom de Benoit XII. J. D.

(2) Les chroniques de France (Chap. 14, édit. de Bonhomme, infol. Paris, 1476), et le continuateur de Nangis(Spicileg. D.L. Dachery.T. 3. P. 99) fournissent des détails intéressants sur le voyage de Philippe de Valois, qu'ils placent avec raison sous l'année 1336; car il est certain que ce prince étoit à Avignon le 14 mars de cette année et qu'il étoit de retour à Paris le 22 mai suivant. (Voy. l'Itinéraire des rois de France dans le recueil intitulé, Pièces fugitives pour servir à l'histoire de France in-4°. Paris, 1759.) J. D.

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