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Dedans cette trève advint que le roi Robert d'Écosse, qui moult preux avoit été, étoit devenu vieux et foible et si chargé de la grosse maladie, ce disoit-on, que mourir le convint . Quand il sentit et connut que mourir lui convenoit, il manda tous les barons de son royaume ès quels il se fioit le plus par devant lui; si leur pria moult affectueusement et leur chargea sur leur féauté qu'ils gardassent féalement son royaume en aide de David son fils, et quand il seroit venu en âge, qu'ils obéissent à lui et le couronnassent à roi, et le mariassent en lieu si suffisant que à lui appartenoit. En après il appela le gentil chevalier messire Jacques de Douglas et lui dit devant tous les autres: « Monseigneur Jacques, cher ami, vous savez que j'ai eu moult à faire et à souffrir en mon temps que j'ai vécu, pour soutenir les droits de cettui royaume; et, quand j'eus le plus à faire, je fis un vou que je n'aipoint accompli, dont moult me pèse; je vouai que s'il étoit ainsi que je pusse tant faire que je visse ma guerre achevée, par quoi je pusse cettui royaume gouverner en paix, j'irois aider à guerroyer les ennemis notre seigneur et les contraires de la foi chrétienne, à mon loyal

désista de ses prétentions de suzeraineté sur l'Écosse et rendit à Robert Bruce tous les titres qui leur servoient de fondement. Cette pièce est datée d'Yorck le 1 er. mars 1328. (Rymer. Ibid. P. 6.) J. D.

(1) Tout ce qui suit concernant la dernière maladie et la mort du roi Robert Bruce, doit être attribué à l'année 1329, ainsi qu'on le verra à la fin du chapitre. Mais comme Froissart, faute d'être instruit de la date de la mort de ce Prince, la place avant celle du roi Charles le Bel arrivée en 1328, et avant d'autres événemens qui appartiennent certainement à la même année, je continuerai de compter 1328, en marquant en note la véritable date des faiis postérieurs à cette année. J. D. 8

FROISSART. T. I.

pouvoir. A ce point a toujours mon cœur tendu; mais notre seigneur ne l'a mie voulu consentir; si m'a donné tant à faire en mon temps, et au dernier suis entrepris si gravement de si grande maladie qu'il me convient mourir, si comme vous voyez ; et puisqu'il est ainsi que le corps de moi n'y peut aller, ni achever ce que le cœur a tant désiré, j'y veux envoyer mon cœur en lieu du corps, pour mon vœu achever. Et pour ce que je ne sais en mon royaume nul chevalier plus preux de votre corps, ni mieux taillé pour mon vœu accomplir en lieu de moi, je vous prie, très cher et spécial ami, tant comme je puis, que ce voyage veuilliez entreprendre pour l'amour de moi, et mon âme acquitter envers notre seigneur; car je tiens (estime) tant de vous et de votre noblesse et de votre loyauté, que si vous l'entreprenez vous n'en faudrez (manquerez) aucunement, et si en mourrai plus aise, mais que ce soit par telle manière que je vous dirai. Je vueil (veux), sitôt que je serai trépassé, que vous prenez le cœur de mon corps et le faites bien embaumer, et prendrez tant de mon trésor qu'il vous semblera que assez en ayez pour parfournir tout le voyage, pour vous et pour tous ceux que vous voudrez mener avec vous; et emporterez mon cœur avec, pour présenter au saint sépulchre, là où notre seigneur fut enseveli, puisque le corps n'y peut aller. Et le faites si grandement et vous pourvoyez si suffisamment de telle compagnie et de toutes autres choses à votre état appartient, et que partout là où vous viendrez que on sache que vous emportez outre mer le cœur du roi Ro

que

bert d'Écosse, et de son commandement, puisque ainsi est que le corps n'y peut aller. »

Tous ceux qui là étoient commencèrent à pleurer moult tendrement; et quand le dit messire Jacques put parler, il répondit et dit ainsi: «< Gentil et noble sire, cent mille mercis de la grand'honneur que vous me faites, que vous de si noble et si grand' chose et tel trésor me chargez et me recommandez, et je le ferai volontiers et de clair cœur votre commandement, à mon loyal pouvoir. Jamais n'en doutez combien que je ne suis mie digne ni suffisant pour telle chose achever. » — « Ah! gentil chevalier, dit adonc le roi, grand merci, mais (pourvu) que vous le me créantez (promettiez) comme bon chevalier et loyal. » — « Certes, sire, moult volontiers, dit le chevalier. » Lors lui créanta (promit) comme loyal chevalier. « Adonc, dit le roi, or soit Dieu gracié (remercié); car je mourrai plus à paix dorénavant, quand je sais que le plus suffisant et le plus preux de mon royaume achèvera pour moi ce que je ne puis oncques achever. >>

Assez tôt après trépassa de ce siècle le preux Robert de Bruce roi d'Écosse, et fut enseveli si honorablement que à lui appartenoit, selon l'usage du pays; et fut le cœur ôté et embaumé, ainsi que commandé l'avoit. Si gît le dessusdit roi en l'abbaye de Dunfermline (), en Écosse, très révéremment; et trépassa de ce siècle l'an de grâce mil trois cent vingt

(1) Au lieu de Dumfermline ville du comté de Fife, Froissart écrit Donfremelin. J. A. B.

sept, le septième jour de novembre ("). En ce temps là assez tôt trépassa aussi le vaillant comte de Mo(1) qui étoit le plus gentil et le plus puissant prince d'Écosse et s'armoit d'argent à trois oreillers de gueules.

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CHAPITRE XLVIII.

COMMENT MESSIRE GUILLAUME DE DOUGLAS EN ALLANT OUTRE MER FUT TUÉ EN ESPAGNE MAL FORTUNÉMENT, ET COMMENT LE JEUNE ROI D'ÉCOSSE FUT MARIÉ A LA SOEUR DU ROI D'ANGLETERRE.

QUAND le printemps vint et la bonne saison pour

mouvoir qui vouloit passer outre mer, messire Jacques de Douglas se pourvut ainsi qu'il lui appartenoit (3), selon ce que commandé lui étoit. Il monta

à

(2) Cette date est fausse. Il paroît certaia que Robert Bruce mourut peu après le 7 juin 1329. On trouve dans Rymer des pièces qui le supposent vivant vers cette date (T. 2. Part. 3. P. 25), et une lettre qui prouve qu'il étoit mort avant la fin de ce mois. Walsingham place mal propos la mort de ce prince au 7 juin 1328. (Walsing. P. 110.) J. D. (2) Thomas Randolphe, premier comte de Moray, se distingua par sa valeur sous le règne de Robert Bruce qui lui accorda le comté de Moray avec la seigneurie de l'île de Man, en fief ainsi que plusieurs autres vastes possessions en Écosse, vers l'année 1315. Cette même année, le comte de Moray fut nommé gouverneur d'Écosse, à cause de la minorité du roi futur, et il entra dans cet emploi aussitôt après la mort de Robert Bruce. Il mourut de la pierre le 21 juillet 1332. (Voyez lord Hailes, annales d'Écosse.) J. A. B.

(3) Le passe-port que Jacques de Douglas obtint du roi d'Angleterre est daté du 1er septembre 1329 (Rymer. T. 2. Part. 3. P. 11.); mais peut-être différa-t-il son voyage jusqu'au printemps de l'année suivanle. J. D.

sur mer au port de Montrose en Ecosse, et s'en vint en Flandre droit à l'Écluse, pour ouïr nouvelles, et savoir si aucun de par deçà la mer s'appareilloit pour aller par devers la sainte terre de Jérusalem, afin qu'il put avoir meilleure compagnię. Si séjourna bien à l'Écluse par l'espace de douze jours, ainçois (avant) qu'il s'en partit; mais oncques ne voulut là endroit mettre pied à terre tout le terme des douze jours; mais demeura toujours sur sa nef, et tenoit son tinel (cour plénière) honorablement à trompes et à nacaires (timballes), comme si ce fut le roi d'Écosse. Et avoit en sa compagnie un chevalier banneret et six autres chevaliers des plus preux de son pays, sans l'autre menée; et avoit toute vaisselle d'or et d'argent, pots, bassins, écuelles, hanaps(coupes), bouteilles, barils et autres si faites choses; et avoit jusques à vingt huit écuyers jeunes gentils hommes des plus suffisans d'Écosse, dont il étoit servi. Et devez savoir que tous ceux qui le vouloient aller voir étoient bien fêtés de toutes manières de vins et de toutes manières d'épices, mais (pourvu) que ce fussent gens d'état. Au dernier, quand il eut séjourné là endroit à l'Écluse par l'espace de douze jours, il entendit que le roi Alphonse d'Espagne guerroyoit au roi de Grenade" qui étoit sarrasin: si s'avisa qu'il se trairoit (retireroit) cette part pour mieux employer son temps et son voyage, et quand il auroit là fait

(1) Il s'agit ici d'Alphonse XI, roi de Castille et de Léon, couronné en 1311, mort en 1350. J. A. B.

(2) Muley Muhamad IV, souverain de Grenade qui monta sur le trône en 1315 et mourut en 1333. J. A. B.

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