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cher à diminuer la chaleur de cette eau, aussi nuisible à sa santé, que désagréable à son palais; mais une fois parvenu à la rafraîchir un peu, il n'a plus formé d'autres

voeux, ni fait d'autres tentatives.

sous une

Le peuple au contraire, qui, sous zône tempérée, a eu en tout temps de l'eau fraîche à boire, ne s'en est pas tenu à cet avantage, déja si précieux; il lui a fallu de l'eau plus fraîche encore; il a voulu, en été, de la neige et de la glace, et le luxe est venu contenter ses goûts et diversifier habilement ses plaisirs.

Les Grecs, si voluptueux, furent à ce qu'on croit les premiers qui burent à la glace. Athénée, Eyticlès, Xénophon rapportent que d'abord ils en mangèrent pour se rafraîchir, et qu'ils la conservoient dans des fosses profondes dont ils couvroient l'entrée avec des branches de chêne; qu'ensuite ils en firent fondre dans leur eau, et qu'enfin leur soif ingénieuse, comme dit Martial, sut plonger dans la neige des vases pleins d'une eau choisie, qui y contractoit une fraîcheur plus égale et plus flatteuse.

Non potare nivem, sed aquam potare rigentem
De nive, commenta est ingeniosa sitis.

Du temps de Plutarque, on étendoit de la neige sur un drap grossier, et on en enve

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loppoit le vase, qui, étant placé à l'abri de l'air, rendoit l'eau très-fraîche et la conservoit longtemps en cet état. Selon cet auteur, Aristote conseilloit de mettre des lames de plomb et des morceaux de grès dans les vases d'eau qu'on vouloit rafraîchir; ce qui feroit croire que le précepteur d'Alexandre, pour s'être assis à la table des rois, n'en étoit pas pour cela, plus versé dans la science des gourmands in deliciis et scientiâ gulæ, comme disoient ses heureux compatriotes.

Les Romains qui longtemps avoient borné leurs plaisirs à l'eau et au vin rafraîchis au fond d'un puits, apprirent des Grecs, la vraie manière de boire frais, et surtout l'eau dont alors ils faisoient un si grand usage, et dont le mélange avec le vin avoit des règles de proportions, selon la nature des vins qu'on servoit à table. Ils eurent donc aussi recours à la neige; mais c'étoit trop peu pour un peuple exagéré en tout, que le froid qu'elle procuroit; ils en voulurent un plus fort encore, et ils crurent l'obtenir en faisant bouilD lir leur eau, en la laissant refroidir, et en l'enfermant dans des bouteilles de verre qu'ils entouroient de neige.

Ce fut Néron, à ce que prétend Jérôme Mercurial (1*), qui imagina ce procédé; (1*) Hyeronimi Mercurialis variarum lectionum, libri quatuor Venetiis, 1571.

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aussi appela-t-on decocta Neroniana l'eau rafraîchie de cette façon, et la mode en devint telle, dans Rome qui ignora pendant quelque temps le secret, qu'on y vendit fort cher une petite mesure de cette eau qui servoit, dans les maisons peu opulentes, à ra-' fraîchir l'eau commune avec laquelle on la mêloit. On retrancha dans la suite du nom de l'eau cuite, celui d'un monstre dont les Romains abhorroient la mémoire, et on l'appela simplement decocta, ou aqua decocta. Ce n'étoit guères que dans les familles des nobles et des riches praticiens qu'on en buvoit habituellement.

Spoletina bibis, vel marsis condita cellis,
Quo tibi decoctæ nobile frigus aquæ.

En comparaison de cette eau éminemment froide, l'eau ordinaire devoit paroître chaude. C'est pourquoi on appeloit celle-ci aqua calida. Bien des convives lui donnoient la préférence, soit par goût, soit pour raison de santé. Ainsi il y en avoit de l'une et de l'autre à toutes les bonnes tables, et les billets d'invitation en avertissoient :

Non deerit calda petenti (2). Il ne faudroit pas, avec quelques commentateurs, inférer de ce mot calida ou calda, les Romains bûssent de l'eau chaude à

que

(2) Quando vocatus adest calidæ gelidæque minister.

leur repas. Cette idée absurde a pris naissance dans les plus fausses interprétations. On ne faisoit chauffer que l'eau qui, après son refroidissement, devoit être rafraîchie à la neige, et c'est ce qu'exprime assez l'épigramme connue contre Cecilianus qui ne put donner de cette eau aux personnes qu'il avoit invitées, parce que le feu n'étoit pas encore allumé dans son avare cuisine.

Caldam poscis aquam, sed nondum frigida venit;
Alget adhue nudo clausa culina foco.

Galien recommande beaucoup cette eau niviale dans l'intempérie de l'estomac et des membres, c'est-à-dire, dans leur relâchement accidentel, ou leur mollesse organique, et l'on voit l'abus, seulement une ou deux fois heureux, qu'en fit Antoine Musa, premier médecin d'Auguste, lequel après les excès de la table, et même dans les indigestions, en donnoit à boire copieusement.

Cum stomachus domini fervet potuque, ciboque,
Frigidior gelicis petitur decocta pruinis.

JUVÉNAL:

La manière de rafraîchir l'eau dans des vases spécialement destinés à cet usage, doit remonter également à une très-haute antiquité; et s'il est superflu de rechercher dans quelle contrée elle a commencé à s'établir, il n'est pas inutile de dire qu'elle est la même

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dans toutes celles où la chaleur du climat fait qu'on ne connoît ni la neige, ni la glace, et que les vases dont on s'y sert ne diffèrent entre eux que par les formes ex

térieures, qui sont indifférentes, ότι par la

couleur de la terre, qui n'influe pas davantage sur leur effet. Ils sont cribleux; ils laissent transuder l'eau dont on les remplit; ils ont très-peu d'épaisseur dans leurs parois, et ils ont été cuits à l'ardeur du soleil, ou dans un four à moitié chaud voilà les caractères essentiels qu'ils présentent tous, de quelque pays qu'ils aient été rapportés; et certainement ceux d'aujourd'hui sont semblables à ceux dont usoient les plus anciens peuples, parmi lesquels ce moyen réfrigérant étoit

connu.

On est porté à croire que c'étoit dans les vases dont il s'agit ici que l'armée d'Antiochus faisoit rafraîchir l'eau fangeuse et chaude dont elle étoit forcé de s'abreuver pendant l'expédition qui fit surnommer ce roi, par les uns, Epiphanès ou illustre, et par d'autres, Epimanès, c'est-à-dire, insensé. Protagoride que je cite, non d'après Athénée qui n'a peut-être pas été assez bien traduit, mais d'après le deuxième livre de ses histoires comiques, que j'ai eu sous les yeux, rapporte que les soldats exposoient leur eau au soleil, dans la journée, ayant soin, sur le soir, de

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