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qui accompagnent par fois l'homme de lettres dans sa carrière, ou répandent quelque éclat sur la fin de ses jours, qu'il s'était dévoué à l'étude. Une passion plus noble, un sentiment plus généreux, le seul qui puisse garantir l'homme des illusions de l'esprit de système, de cet esprit qui convertit en ténébres la lumière, et en poison les sources même de la vie, fut constamment le ressort qui l'anima. La découverte de la vérité, surtout si elle pouvait être utile à ses semblables, prévenir leurs erreurs, redresser leurs jugemens, les préserver de quelqué écueil, était l'unique récompense à laquelle il aspirât, le seul prix qu'il jugeât digne d'un homme de lettres, pénétré de la grandeur de sa vocation, « Quand l'homme supérieur entre dans » la carrière, a dit quelque part M. de Sainte» Croix, ce n'est pas pour se faire remarquer, » c'est pour atteindre le but. L'homme mé» diocre croit y parvenir, lorsqu'il ne fait » qu'attirer sur lui-même les regards de la » multitude ». Getté élévation de sentimens cette noblesse d'amé, jointes à une confiance aveugle dans la Providence, et à une parfaite résignation à ses volontés, ont été la source de la paix dont il a joui au milieu des plus affreux renversemens.

M. de Sainte-Croix avait épousé, le 11 décembre 1770, Mademoiselle d'Elbène, et leur union avait été heureuse, comme toutes celles qui sont fondées sur les qualités les plus estimables de l'esprit et du cœur. Deux fils, dont l'un après avoir été attaché comme page à Monsieur, frère du Roi, avait été

nommé en 1788 sous-lieutenant, et en 1795, lieutenant au régiment de Beauvoisis, et l'autre élevé au collège d'Alais parmi les aspirans à la marine, était près d'être admis dans les gardes du Pavillon, partageaient avec une fille toutes les affections d'un père et d'une mère, dont ils se montraient dignes, et semblaient ne leur promettre que de nouveaux sujets de satisfaction. Les travaux littéraires de M. de Sainte-Croix lui avaient d'ailleurs mérité des succès flatteurs. Trois fois, en 1772,1773 et 1777,il avait été couronné par l'Académie des Belles-Lettres, et cette illustre Compagnie ne pouvant se l'attacher autrement, parce qu'il faisait sa résidence dans les états d'une puissance étrangère, l'avait mis, dès 1772, au nombre de ses associés étrangers. Ainsi M. de Sainte-Croix se trouvait placé dans des circonstances qui devaient lui assurer le bonheur qu'il est permis au vrai sage de désirer sur la terre, lorsque tout d'un coup il s'est vu jeté au sein d'une mer orageuse, et surpris par la plus violente tempête. Les plus belles années de sa vie, celles où il devait être heureux de la considération qu'il s'était si justement acquise, ainsi que des vertus et du bonheur de tout ce qui lui était cher, n'ont plus été qu'une succession non interrompue de scènes déchirantes. Dès lė mois d'avril 1791, obligé de fuir avec toute sa famille devant l'armée des brigands sortis d'Avignon, il quitta sa maison paternelle, et n'y revint, quand un moment de calme eut succédé à ce premier orage, que pour être témoin des dégâts que les soldats de Jourdan y

avoient commis, et y attendre de nouveaux malheurs. L'année suivante, 1792, jeté dans une prison où il ne demeura que quelques jours, et déjà ayant sous les yeux l'instrument de son supplice, il parvint à s'évader de Mormoiron le 4 octobre, et se rendit à Paris à la faveur d'un déguisement. Madame de Sainte-Croix, dont le courage, la fermeté d'ame, la présence d'esprit avaient lutté longtemps contre toute la fureur des brigands, et avaient sauvé les jours du père et des enfans, aurait fini par être elle-même la victime de son zèle, si, au moment où l'on allait exécuter l'ordre donné de l'arrêter, elle ne se fût échappée le 9 mars 1794 d'Avignon, où elle s'étoit retirée après l'évasion de M. de SainteCroix, et ne fût venue le joindre dans la capitale. La vengeance des scélérats privés de feur proie, s'exerça sur les biens, la maison, les livres, les papiers de l'homme estimable qui s'était soustrait à leur fureur : les biens furent séquestrés, la maison livrée à un club, les livres pillés, les papiers jetés au feu. Heureux cependant M. de Sainte-Croix, s'il n'avait pas eu d'autres biens plus chers encore à regretter ! Mais bientôt privé de ses deux fils, il vit chacune de ses affections changée en une source de chagrins cuisans, et ses yeux ne purent plus s'arrêter sur rien de ce qui l'entourait, sans y trouver quelques restes échappés à un naufrage affreux, qui lui rappelaient douloureusement des pertes irréparables. Sa fille, le seul enfant qui lui restait, lui fut encore enlevée il y a trois ans, au moment où les plaies profondes qu'il portait,

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commençaient à se cicatriser, et cette cruelle blessure rouvrit toutes celles de son cœur. Cependant, au milieu de ces tristes circonstances, fort de la paix de son ame, et pardonnant aux auteurs de ses maux, parce qu'il envisageait de plus haut tous les évènemens de la vie, il n'a jamais cessé de chercher le soulagement dont il avait besoin dans la religion, l'étude et la société de quelques amis, que sa simplicité jointe à tant de talens, et la bonté de son coeur relevée par l'éclat de son génie, lui avaient inviolablement attachés. Aussi, attaqué d'une maladie cruelle qui sembla pendant plusieurs mois ne point menacer son existence, et lui préparer seulement une vieillesse pénible, il a vu ces amis entourer constamment son lit de douleur, et s'estimer heureux, lorsqu'ils pouvaient le distraire un moment de ses souffrances, ou s'entretenir avec lui des travaux dont il devait bientôt reprendre le cours. Malheureusement leurs espérances ont été trompées; M. de Sainte-Croix a été enlevé à leur amitié le 11 mars 1809, et s'il leur reste quelque consolation, c'est de penser que la mort de l'ami qu'ils ont perdu, a excité un concert unanime de regrets et de pleurs, et que tous les hommes capables d'apprécier les talens et les vertus, ont partagé leur juste douleur.

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Le grand nombre et la variété des sujets traités par M. de Sainte-Croix, suffisent pour faire juger de l'étendue de ses connaissances. La rectitude de son jugement se manifeste en toute occasion par le choix des sujets aux

quels il consacre ses recherches, l'heureux emploi qu'il fait de l'érudition, les rapports qu'il établit entre l'histoire ancienne et l'histoire moderne, la critique avec laquelle il pèse les témoignages, et les leçons qu'il sait tirer du passé. Son génie éclate souvent par de sublimes réflexions, des élans d'imagination toujours consacrés à l'honneur de la vertu ou à la censure du vice. Enfin, chacune de ses pages est empreinte de la bonté de son cœur et de la noblesse de ses sentimens.

Pour faire dignement l'éloge de M. de Sainte-Croix, il suffirait d'offtir aux lecteurs une liste exacte de ses travaux et une analyse de ses ouvrages. L'espace dans lequel nous devons nous renfermer, ne nous permet de faire ni l'un ni l'autre. Divers Journaux littéraires, tels que le Journal des Savans, le Magasin Encyclopédique, les Archives Lit téraires, renferment un grand nombre de morceaux fournis par M. de Sainte-Croix, et qui auraient pu orner des recueils académiques. Les Mémoires de l'Académie des Belles Lettres, dont il fut un des plus zélés collaborateurs, contiennent un grand nom bre de dissertations également intéressantes par leurs objets, et par la manière dont l'au teur les a traités. Les quatre tomes du Recueil de cette célèbre Académie, qui ne tarderont pas à paraître, feront jouir le public de plusieurs travaux de M. de Sainte-Croix. La classe d'Histoire et de Littérature ancienne de l'Institut, dont il était membre depuis le 8 pluviôse an 11, époque de la nouvelle or ganisation de ce Corps savant, lui doit aussi

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