Изображения страниц
PDF
EPUB

Je suis loin d'avoir des opinions arrêtées sur les monopoles qui sont aujourd'hui l'objet du débat entre les deux partis. Quant aux sucres, dès que vos colonies seront bien organisées je n'ai aucun doute que le travail libre ne soutienne avec avantage la concurrence du travail servile; qu'il ne soit beaucoup plus économique au planteur de payer ses ouvriers en argent plutôt qu'en coups de fouet, l'espoir faisant faire bien plus et de meilleur ouvrage que la crainte; mais la loi présentée par le Ministère me paraît prématurée. Ce n'est pas lorsque vos ateliers sont encore dans un état de désordre et presque d'ivresse qu'ils peuvent braver la concurrence de la Havane et du Brésil.

Il

La question des blés me fait naître des doutes de même nature. Ce n'est pas de la rente des propriétaires non plus que des fermiers que je me préoccupe; les riches se tireront toujours assez d'affaire; mais il ne me semble pas que dans vos débats Parlementaires on traite la question du pauvre sous son vrai point de vue. Pour le bonheur d'une nation ce n'est point de procurer des vivres à bon marché qu'il s'agit, mais bien d'assurer aux hommes la demande du travail et son salaire. importe peu que le pain soit cher pourvu que l'ouvrier soit assez bien payé pour l'acheter en abondance au prix du marché. Or de tous les pays de la terre il n'y en a aucun où l'agriculture employe moins de bras que l'Angleterre, soit comparativement à la masse de ses produits ou aux classes de la population qui n'y sont pas employées. Convient-il de diminuer encore cette proportion? Convient-il de renvoyer encore cent mille familles peut-être des champs dans les villes? Le but

de ceux qui demandent la liberté du commerce des grains est de faire que le quart ou le cinquième de la population Anglaise se nourrisse de blés étrangers; mais c'est précisément comme demander que le quart ou le cinquième des laboureurs de l'Angleterre renoncent à cultiver le blé; et en effet ils annoncent que beaucoup de terres trop pauvres pour étre profitables ont été mises en culture à taux de monopole, et qu'on les remettra en pâturage dès que les ports seront ouverts. Chose étrange, que personne ne parle de ce que deviendront les familles qui les labourent! Les ateliers des villes déjà surchargés de mains inutiles sont-ils en état de les recevoir ? La baisse des salaires, soit dans les campagnes d'où on les chassera, soit dans les villes où ils reflueront, ne fera-t-elle pas pour augmenter la misère plus que compenser la baisse du pain? Les chefs d'atelier y gagneront peut-être; la baisse des salaires leur permettra de vendre davantage de leurs produits au dehors, mais le pauvre sera plus mal. Je n'en conclus point que l'état actuel soit bon; bien au contraire. Dans tout le reste de l'Europe l'ancienne organisation du travail qui associe le laboureur au produit de ses sueurs subsiste encore, et elle le dérobe aux funestes effets de la concurrence universelle, et aux révolutions aléatoires d'un marché trop vaste. Mais dans l'état économique auquel vous êtes arrivé toutes les innovations semblent produire un même effet, augmenter la richesse du riche et la misère du pauvre.

Votre dévoué serviteur,

J. C. L. DE SISMONDI.

M. de Sismondi à Lord Mahon.

Chesne, près Genève, 25 octobre, 1841.

Puissiez vous, my Lord, réaliser le projet que j'ai tant de plaisir à vous entendre annoncer, de visiter de nouveau notre lac et nos montagnes avec Lady Mahon, et le faire pendant que je suis encore en état de profiter du plaisir extrême de vous revoir? Je suis toujours tourmenté par le même insupportable hoquet dont je vous parlais il y a six mois; et cette petite convulsion qui m'interrompt quatre ou cinq fois à chaque phrase me rend bien peu propre à la conversation; mais il me semble que l'entraînement de parler avec vous me le ferait oublier.

Il y a en effet quelque chose d'alarmant, je ne dirai pas dans la politique de l'Angleterre mais dans celle du monde entier; c'est cette irritation sourde qui se manifeste moins encore dans les Cabinets que dans les nations, cette disposition morbide de croire l'honneur national compromis par la moindre concession, cette brutalité, je dirais presque, avec laquelle chacun répète: Ou ma volonté ou la guerre; tandis que le grand but de la diplomatie doit être la conciliation, que la paix ne se maintient dans la république du monde civilisé que par des transactions continuelles entre des intérêts et plus encore des préjugés opposés. Ce sont toujours les gouvernements libres qui se montrent les plus entiers dans leurs prétentions, les plus éloignés de transiger, parceque la voix du peuple à l'intérieur parle si haut

qu'elle ne leur laisse pas entendre la voix du reste de l'Europe; et ne vous en déplaise, c'est ce qui me semble être arrivé aux Whigs d'Angleterre et aux Hollandais quand ils repoussaient la paix d'Utrecht. Mais ces volontés inflexibles, qu'on ne trouvait jadis que dans ces deux Etats libres, on les rencontre de toutes parts aujourd'hui; la France, les Etats Unis, et dans leur anarchie l'Espagne, le Portugal, et tous les Etats nouveaux nés de leur débris, sont tous intraitables, tous n'écoutant que la voix qui retentit en dedans, la voix qui fortifie tous les préjugés, toutes les animosités, la voix qui empêche toute concession à faire pour le bien de la paix. Aussi je l'avoue je suis fort effrayé de ce qui va se passer.

A moins d'une grande prudence, d'une grande modération, les hostilités vont éclater avec l'Amérique, et votre marine dans le moment actuel vous donne un si prodigieux avantage que vous aurez dans les premiers mois des succès qui feront frémir l'humanité. Peutêtre allez vous brûler New York et trois ou quatre autres grandes villes. C'est là votre plus grand danger, çar en ruinant les Américains vous ne les subjuguerez pas, mais en même temps que vous vous ruinerez vous mêmes en détruisant votre commerce avec eux vous exciterez un tel ressentiment chez les neutres que peut-être malgré eux les Gouvernements du Continent prendront part à la guerre. Depuis longtemps il existe des jalousies et des animosités croissantes contre l'Angleterre; c'est un funeste héritage que vous a laissé le dernier Ministère et qu'il a grossi avec une indiscrétion bien coupable.

Je suis bien flatté du témoignage d'attention pour ce que je pouvais dire que vous avez bien voulu m'attirer de Sir Robert Peel. C'est bien sincèrement que je fais des vœux pour ses succès, car se sera de la sagesse de ses mesures que dépendra notre tranquillité presque notre existence à tous.

[ocr errors]

J'espère si ma santé n'empire pas, àvoir ici à une année terminé mon grand ouvrage. Il aura 29 volumes de texte et un de tables. Il est dejà tout esquissé. Venez donc ici My Lord, l'année prochaine prendre les volumes qui vous manquent, car je ne sais comment vous les envoyer. Venez, que j'aie encore une fois le plaisir de vous entendre avant de mourir.

Votre dévoué serviteur,

J. C. L. DE SISMONDI.

Note.

M. de Sismondi wrote to me once more on the following 27th of February, and did not long survive the date He died at Chesnes, June 25, 1842,

of that last letter.

at the age of 69.

To whom the preceding letter had been shown.

S.

« ПредыдущаяПродолжить »