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jusqu'ici fait de sa lecture une sorte d'étude ; et le Lafontaine des historiens, l'écrivain le mieux fait pour vivre dans notre familiarité, pour être le compagnon de tous nos instants, à tous les âges de notre vie, le conteur naïf des faits d'amour et de chevalerie du siècle le plus poétique de notre histoire, a été relégué dans les poudreuses bibliothèques, apprécié seulement de quelques amis patients du vrai beau. J'étois alors en Angleterre. En vain je cherchai à me procurer un exemplaire de l'original françois. Je fus forcé d'avoir recours à la traduction estimable mais décolorée qu'en a donnée Johnes, la traduction ancienne de Bourchier lord Berners, faite par l'ordre d'Henri VIII étant devenue d'une rareté excessive.

Quelque pâle que soit la traduction de Johnes, elle peut cependant suffire pour faire pressentir ce que doit être le brillant coloris de l'original. A mon retour en France mon premier soin fut de me procurer un Froissart françois et je n'eus pas peu de peine à y parvenir, les exemplaires de cette chronique, imprimée toujours in-folio, étant aussi d'une assez grande rareté. La lecture de la chronique françoise répondit pleinement à mon attente. Les récits de l'historien françois sont sans doute moins animés du saint amour de la patrie que ceux de l'historien portugais Lopes, mais la position des deux pays et des deux hommes étoit aussi bien différente. Elevé dans l'état ecclésiastique et attaché au service d'un de

ces grands vassaux qui se disputoient les lambeaux de l'autorité souveraine, comment Froissart auroitil pu se former une idée bien juste de ce mot séduisant de patrie. Mais dans toutes les autres qualités qui constituent le grand historien, Froissart peut sans partialité être cité à côté de Fernam Lopes, qui est venu après lui et de J. Villani qui ne l'a précédé que de quelques années. Moins philosophe que ce dernier, et moins habitué à porter dans ses ouvrages cette connaissance profonde du cœur humain et des principes du gouvernement qui caractérise les anciens historiens italiens, il est aussi poëte que l'historien portugais et il offre à chaque page le reflet le plus vif des moeurs de son siècle.

Séduit davantage tous les jours par l'entraînement de son style, je ne pus résister à la tentation de faire partager aux autres le plaisir que j'éprouvois moi-même. Je commençai donc des études sérieuses sur le texte. Je lus tout ce qui avoit été écrit à ce sujet. Je cousultai les manuscrits de Londres et de Paris. L'article ingénieux de M. de Barante dans la Biographie universelle m'apprit qu'il existoit un magnifique manuscrit de cette chronique à Breslau en Silésie, et que d'un autre côté M. Dacier avoit fait avant la révolution d'assez grands travaux sur Froissart, et qu'il avoit même commencé l'impression de l'édition qu'il se proposoit d'en donner lorsque la révolution étoit venue l'interrompre. Je

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profitai alors d'un voyage que je fis en Allemagne pour m'informer des autres manuscrits qui pouvoient y exister. La comparaison que je fis des imprimés avec les manuscrits me montroit chaque jour davantage la difficulté de mon entreprise, et je résolus de m'adresser à M. Dacier savoir positivement où il en étoit de son travail avant d'y avoir renoncé, et tirer parti de ses lumières pour l'édition que j'étois bien décidé à donner au public.

pour

Je me serois évité bien des fatigues si je me fusse adressé plutôt à l'excellent M. Dacier. Je trouvai près de lui tous les renseignements possibles sur mon historien favori. Tout me fut expliqué avec justice et précision; et j'appris non-seulement où il me falloit chercher mes matériaux, mais aussi où il étoit inutile de m'adresser. Ainsi tomba le prestige attaché aux deux plus beaux manuscrits de Froissart existants, celui de Breslau et celui de la Bibliothèque du roi à Paris tant vanté par Montfaucon. M. Dacier qui les connoît parfaitement tous les deux, ne les trouve remarquables que par leur belle conservation, la richesse des ornements et l'élégance de l'écriture. Quant à la correction et à l'exactitude du texte il les trouve fort inférieurs à plusieurs autres manuscrits moins célèbres.

Une fois en possession de ces premières données, je devins plus exigeant. M. Dacier paraissoit décidé à ne point mettre son travail au jour. Si l'important

résultat de ses premières recherches lui faisoit attacher quelque prix à son édition, les recherches assez nombreuses qui lui restoient à faire effrayoient son grand âge. Il redoutoit ce nouvel embarras de la publication de plusieurs volumes in-folio; car c'est sous ce format consacré qu'il avoit commencé son édition. Il sentoit que le gouvernement seul pouvoit le mettre en état de terminer une semblable entreprise et il craignoit de demander une faveur qu'il ne craignoit pas moins d'obtenir. Mes sollicitations le décidèrent à s'en reposer sur l'activité de ma jeunesse d'un ouvrage aussi immense. Je connois l'époque où nous vivons et le besoin impatient de l'âge actuel de connaissances positives. et sérieuses; et j'avois la conviction parfaite que, pour l'exécution d'une entreprise aussi nationale que celle que j'avois en vue, je n'avois nullement besoin de la protection spéciale du gouvernement, protection qu'on paie d'ailleurs souvent trop cher.

M. Dacier voulut bien enfin m'autoriser à faire usage de ses nombreuses et savantes recherches. J'en donnerai dans cette préface un résumé exact afin que le public sache ce qu'il lui doit de reconnaissance, et afin aussi qu'on ne lui attribue pas les erreurs que j'aurois pu commettre moi-même dans les recherches qu'il m'a fallu faire pour compléter celles du respectable académicien.

Lorsque M. Dacierentreprit son Froissart, voici quelles étoient les éditions que nous en avions en France.

1.ère Édition.

- Caractères gothiques, imprimée

à Paris, sans date, chez Antoine Verard, trois vo

lumes in-folio.

2.o Édition.

Caractères gothiques, imprimée à Paris le 15 juillet 1505, chez Michel Le Noir, en deux volumes in-folio.

3. Édition. - Caractères gothiques, imprimée à Paris en 1530, chez Gaillot-Dupré, en trois volumes in-folio.

4. Édition. Caractères romains, imprimée à Lyon en 1559, 1560, 1561, chez Jean de Tournes, en trois volumes in-folio. Cette édition a été revue et corrigée, c'est-à-dire tronquée, par Denys Sauvage.

5, Édition, Caractères romains, imprimée à Paris en 1573, chez Michel Sonnius, en quatre volumes in-folio. Cette édition est une copie exacte de la quatrième.

6. Édition. Caractères romains, imprimée à Paris en 1574, chez Gervais Maillot, en trois volumes in-folio. Cette édition est également une réimpression de la quatrième.

Le P. Le Long (Bibliothèque historique de France) mentionne de plus une édition de 1518, faite à Paris chez Verard et une autre faite aussi à Paris quelques années plutôt, en 1513, avec une continuation jusqu'à cette même année.

On connoît en outre deux traductions anglaises de Froissart, l'une de Bourchier lord Berners entre

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