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CHAPITRE CXL.

COMMENT LE SIRE DE MONTMORENCY FUT PRIS DES AL

LEMANDS, ET BIEN QUATRE VINGTS GENTILS HOMMES QUI ÉTOIENT SOUS SA BANNIÈRE.

Qu UAND les François eurent tant chevauché qu'ils furent près du pont, et ils virent la grosse embûche qui étoit au devant du pont toute armée et ordonnée, et qui les attendoit en très bon convenant (disposition), si furent moult émerveillés, et dirent entr'eux les aucuns qui regardèrent la manière: « Nous chassons trop follement de leger; si pourrons-nous plus perdre que gagner ». Donc retournèrent les plusieurs, et par spécial la bannière du seigneur de Saint Sauflieu, et le sire aussi; et messire Charles de Montmorency et sa bannière chevaucha toudis (toujours) avant, et ne voulut oncques reculer; mais s'en vint de grand courage assembler (attaquer) aux Allemands, et les Allemands à lui et à ses gens. Là y eut de première venue durs encontres et fortes joutes, et maint homme renversé d'un côté et d'autre. Ainsi qu'ils assembloient (attaquoient), les coureurs dessus nommés qui costiez (accostés) les avoient, s'en vinrent férir sur eux, et se boutèrent (retirèrent) dedans, de plein eslai (élan) et de grand'volonté; et aussi les François les reçurent moult bien.

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Or vous dirai ( une grand'appertise d'armes et un grand avis dont messire Regnault de Scoinevorst usa à l'assembler (attaque), et que on doit bien tenir et recommander à sage fait d'armes. Il qui étoit adonc en la fleur de sa jeunesse, fort chevalier et roide durement, bien armé et bien monté pour la journée, s'en vint assembler (attaquer) à la bannière du sire de Montmorency qu'il reconnut assez bien; et s'avisa qu'il se viendroit éprouver à celui qui étoit plus prochain de sa bannière, car il pensoit bien que c'étoit le sire. Ainsi qu'il jeta son avis, il le fit et férit son cheval des éperons, et passa par force la route (suite), et s'en vint au seigneur de Montmorency, qui étoit dessous sa bannière, bien monté sur bon coursier; et le trouva en bon convenant (disposition), l'épée au poing, et combattant à tous lez (côtés), car il étoit aussi fort chevalier et grand durement; et lui vint le sire de Scoinevorst.sur destre (droite), et bouta (plaça) son bras senestre (gauche) au frein de son coursier, et puis férit le sien des éperons, en le tirant hors de la bataille, comme vîte et fort chevalier. Le sire de Montmorency, qui bien se donna de garde de ce tour, se prit à défendre vassalement (bravement) comme fort et hardi chevalier, pour soi délivrer de ce péril et des mains du seigneur de Scoinevorst; et féroit à tas (coups redoublés) de son épée sur son bassinet et sur le dos du seigneur de Scoinevorst. Mais le sire de Scoinevorst, qui bien étoit armé et monté, brisoit les coups à la

(1) Les imprimés abrégent considérablement la fin de ce chapitre.

(1340) fois et les recevoit moult vassalement (bravement) Et tant fit par son effort, voulut ou non le sire de Montmorency, qu'il le créanta (fit jurer) prisonnier. Et les autres se combattoient; et là furent bons chevaliers messire Arnoul de Randenrode, messire Henry de Kakeren, messire Thielemans de Saussy, messire Bastien de Barsies et Candoelier son frère et messire Robert de Glennes qui prit un homme d'armes en bon convenant (ordre), qui s'armoit de gueules à trois faulx d'or. Et firentadonc tant les Allemands et leur route (troupe) qu'ils obtinrent la place, et prirent bien quatre vingts prisonniers tous gentils hommes dessous la bannière messire Charles de Montmorency; et repassèrent le pont sans dommage, et vinrent en l'ost devant Tourna y et ralla chacun à sa partie et se désarmèrent, et puis allèrent voir les seigneurs, dont ils furent bien fêtés, le comte de Hainaut et messire Jean de Hainaut son oncle, et plusieurs autres grands seigneurs qui là étoient.

CHAPITRE CXLI.

COMMENT CEUX DE LA GARNISON DE SAINT-OMER DÉCONFIRENT TROIS MILLE FLAMANDS QUI ÉTOIENt veNUS COURRE (COURIR) DEVANT SAINT-OMER.

DE LAprise messire Charles de Montmorency furent les François moult courroucés, mais amender ne le

purent tant comme adoncques. Cette chose passa; le siége se tint; les prisonniers se rançonnèrent le plutôt qu'ils purent. Or vous recorderons d'une aventure qui avint aux Flamands que messire Robert d'Artois et messire Henry de Flandre gouvernoient, dont il en y avoit plus de soixante mille de la ville d'Ypres, de Poperingue, de Messines, de Cassel et de la châtellerie de Berg; et se tenoient tous ces Flamands, dont les dessus dits étoient chefs, au val de Cassel logés en tentes et en traits (pavillons) à grand arroy, pour contrester (résister) contre les garnisons fançoises que le roi Philippe avoit envoyées à Saint-Omer, à Aire, à Saint Venand et ès villes et forteresses voisines. Et se tenoient dedans Saint-Omer, de par le roi de France, le comte Dauphin d'Auvergne, le sire de Mercœur, le sire de Chalençon, le sire de Montagu, le sire de Rochefort, le vicomte de Thouars et plusieurs autres chevaliers d'Auvergne et de Limosin (). Et dedans Aire et dedans Saint-Venand aussi en avoit grand'foison; et issoient (sortoient) souvent hors et venoient escarmoucher aux Flamands: si gagnoient

(1) Les autres historiens François entrent dans beaucoup plus de détails sur le siége de Saint-Omer par Robert d'Artois, et font honneur de la défense de cette ville au duc de Fourgogne, au comte d'Armagnac et à d'autres chevaliers qui y étoient en garnison sous les ordres du duc, sans faire aucune mention de ceux dont parle Froissart; (Chron, de Fr. Chap. 20. Chron, de Flandre, P. 154 et suiv. Annal. de Fland. par Meyer, fol. 142. etc.) mais on ne peut, ce semble, conclure autre chose de cette différence, sinon que Froissart et les autres historiens ont omis respectivement de nommer une partie de ceux qui contribuèrent à la défense de Saint-Omer. J. D.

aucune fois, et aucune fois y perdoient. Or avintun jour à ces Flamands qu'ils s'en vinrent, environ trois mille, tous légers et habiles compagnons, et s'avalèrent (descendirent) et issirent (sortirent) hors de leurs logis pour venir hutiner (combattre) devant Saint-Omer; et se boutèrent dedans les faubourgs, et brisèrent plusieurs maisons, et entendirent tellement au pillage qu'ils dérobèrent tout ce qu'ils trouvèrent. La noise et l'effroi monta en la ville de SaintOmer: adonc s'armèrent les seigneurs qui laiens (dedans) étoient, et aussi firent toutes leurs gens, et se partirent par une autre porte que par celle devant qui les Flamands étoient venus, et pouvoient être entour six bannières et deux cents bassinets (1), et environ cinq cents bidaus (2) tous à pied ; et chevauchèrent tout autour de Saint-Omer, ainsi qu'ils avoient guides qui bien les savoient mener, et vinrent tout à temps à ces Flamands, qui se ensonnioient (fatiguoient) de piller et rober tout ce qu'ils trouvoient en la ville d'Arques, qui est assez près de Saint-Omer, et étoient dedans épars, sans capitaine et sans arroi (cortège). Et voilà les François soudainement venus sur eux, lances abaissées, bannières déployées, et en bon convenant (disposition) de bataille, et en écriant: « Clermont, Clermont, au Dauphin d'Auvergne. » Lors entrèrent en ces Flamands, qui furent tous ébahis, quand si près ils les virent d'eux, et ne tinrent ordonnance ni conroy

(1) Simples soldats la tête couverte de bassinets. J A.

(2) Voyez page 303.

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