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que toute fondoit en larmes et en pleurs, si en eut grand'pitié et commença à larmoyer, et dit ainsi à la dame : « Certes, dame, voyez ci votre chevalier qui ne vous fauldroit (manqueroit) pour mourir si tout le monde vous failloit; ains (mais) ferai tout mon pouvoir de vous et de monseigneur votre fils conduire, et de vous et lui remettre en votre état en Angleterre, à l'aide de vos amis qui delà la mer sont, ainsi que vous dites; et je et tous ceux que je pourrai prier y mettrons les vies et aurons gens d'armes assez,s'il plait à Dieu, sans le danger(crainte) du roide France. » Et quand la damel'eut ouï parler une si haute parole et si reconfortant ses besognes, elle qui séoit (était assise) et messire Jean devant elle, se dressa en estant (debout) et se voulut agenouiller, de la grand'joie qu'elle avoit pour l'amour et grand'grâce que le vaillant chevalier lui offroit. Mais le gentil sire de Beaumont ne l'eut jamais souffert, ains (mais) se leva moult appertement (lestement) et prit la noble dame entre ses bras, et dit: « Ne plaise jà à Dieu que la reine d'Angleterre fasse ce, ni ait empensé (pensé) de faire; mais dame, confortez-vous et votre gentil fils aussi, car je vous tiendrai ma promesse. Vous viendrez voir monseigneur mon frère et madame la comtesse de Hainaut et leurs beaux enfans qui vous recevront à (avec) grand'joie, car je leur en ai jà ouï parler. » Et la dame lui octroie et dit: Sire, je trouve en vous plus de confort et d'amour qu'en tout le monde. Et de ce que vous me dites et

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(1) Estant du mot latin stando. J. A. B.

FROISSART. T. I.

offrez, cinq cent mille mercis. Si vous me voulez faire ce que vous me promettez par votre courtoisie, je demeurerois votre serve (esclave) et mon fils votre serf à toujours et mettrions tout le royaume à votre abandon, et à bon droit (").» Lors répondit le gentil chevalier messire Jean de Hainaut, qui étoit en la fleur de son âge: « Certes, ma très chère dame, si je ne le voulois faire, je ne le vous promettrois mie (pas); mais je le vous ai promis, si ne vous en faudrai mie pour rien qui puisse avenir; mieux aimerois à mourir. >>

Après ce parlement, quand ainsi fut accordé, messire Jean de Hainaut prit congé pour ce soir à la reine et à son fils et aux autres seigneurs d'Angleterre qui là étoient, et s'en revint à Denain. Là se hébergea en l'abbaye cette nuit,et lendemain, après messe et boire, monta à cheval et s'en revint devers la reine qui à (avec) grand'joie le reçut et jà avoit dîné et jà l'avoit désiré et étoit toute appareillée de monter quand messire Jean de Hainaut vint.

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CHAPITRE XV.

COMMENT LA REINE D'ANGLETERRE SE PARTit de BuiGNICOURT ET S'EN ALLA A VALENCIENNES OU Elle

FUT

HONORABLEMENT REÇUE DU COMTE ET DE LA COMTESSE DE HAINAUT.

LORS se partit la reine d'Angleterre du châtel de Buignicourt et prit congé au chevalier et à la dame (i) Cette phrase manque dans les imprimés.

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et leur dit en eux remerciant, que de la bonne chère et liée (joyeuse) que laiens (la dedans) on lui avoit faite, un temps viendroit que grandement lui en souviendroit et à son fils aussi (). Ainsi se partitla reine en la compagnie du gentil seigneur de Beaumont, qui liement(joyeusement) et révéremment la mena à Valenciennes ; etcontre li(elle) vinrent moult de bourgeois de la ville bien parés et ordonnés pour la honorablement recevoir. Ainsi fut-elle amenée de monseigneur Jean de Hainaut devers le comte Guillaume de Hainaut qui la reçut à (avec) grand'joie; et aussi fit la comtesse (2), et la fêtèrent de ce qu'ils purent, ear bien le savoient faire. Adonc avoit le comte Guillaume quatre filles, Marguerite, Philippe, Jeanne et Isabelle, de quoi le jeune Édouard qui fut puis roi d'Angleterre, s'adonnoit le plus et s'inclinoit de regard et d'amour sur Philippe que sur les autres; et aussi la jeune fille le connoissoit plus, et lui tenoit plus grand'compagnie que nulles de ses sœurs. Ainsi l'ai-je depuis ouï recorder à la bonne dame qui fut reine d'Angleterre et de-lez (près) qui je demeurai et servis; mais ce fut trop tard pour moi: si me fit-elle tant de bien que j'en suis tenu de prier à toujours mais pour elle.

(1) Eustache, sire d'Aubrecicourt qui avoit accueilli la reine d'Angleterre et son fils dans son château à Buignicourt ou à Aubrecicourt (car les manuscrits donnent ces deux leçons),fut fait chevalier de la jarretière lors de l'institution de cet ordre par Édouard III. J. A. B.

(2) Jeanne de Valois, sœur du roi Philippe de Valois. (Hist. gén, de la mais. de Fr. T. 1. P. 100) J. D.

(3) Cette dernière phrase qui manque dans les imprimés, prouve que cette histoire n'a été écrite qu'après la mort de la reine Philippe de Hai

CHAPITRE XVI.

COMMENT MESSIRE JEAN DE HAINAUT FIT SA SEMONCE DE GENS D'ARMES POUR LA REINE D'ANGLETERRE RE

MENER EN SON ROYAUME.

AINSI Madame d'Angleterre, la reine Isabelle de France, trouva reconfort en monseigneur Jean de Hainaut,quand tout le monde lui faillit, et demeura à Valenciennes par l'espace de huit jours de-lez (près) le bon comte et madame la comtesse Jeanne de Valois; et endementres (cependant) fit appareiller son œuvre et ses besognes. Et le dit messire Jean de Hainaut fit écrire lettres moult affectueusement aux chevaliers et aux compagnons de qui il se fioit le plus en Hainaut, en Brabant, et en Hasbain ",et leur prioit si acertes (instamment) qu'il pouvoit à chacun sur toutes amitiés qu'ils vinssent avec lui en cette emprise. Si en y eut grand plenté (quantité) d'un pays et d'autres qui y allèrent pour l'amour de lui, et grand plenté qui n'y allèrent mie combien qu'ils en fussent priés. Et mêmement le dit messire Jean de Hainaut en fut durement repris de son propre frère et de son propre conseil, pourtant (attendu) qu'il leur sembloit que l'entreprise étoit si haute et si périlleu

naut, et confirme ce que j'ai avancé ci-dessus dans une des remarques sur le prologue, que nous n'avons point l'ouvrage de Froissart tel qu'il l'offrit à cette princesse. J. D.

(1) Cette province connue sous le nom de Hasbanie etplus récemment d'Hesbaie, comprenoit le pays situé sur la rive gauche de la Meuse et borné par le Démer, la Dyle et la Mehaigne. J. A. B.

se, selon le discord.et les grandes haines qui étoient adonc entre les hauts barons et les communes d'Angleterre, et selon ce que les Anglais sont communément envieux sur toutes étranges gens,quand ils sont à leur dessus, spécialement quand ils sont en leur pays, que chacun avoit peur et doutance (crainte) que le dit messire Jean de Hainaut ninul de ses compagnons pût jamais revenir. Mais quoiqu'on lui blamât ni déconseillât,le gentil chevalier ne s'en voulut oncques delaier (différer), ainçois (mais) dit: «Qu'il n'avoit qu'une mort à souffrir qui étoit en la volonté notre seigneur (1), mais il avoit promis à celle gentille dame de la conduire jusques en son royaume, si ne lui en fauldroit (manqueroit) pour mourir; et aussi cher avoit-il prendre la mort avec celle noble dame qui déchassée et déboutée étoit hors de son pays, si mourir y devoit, comme autre part; car tous chevaliers doivent aider à leur loyal pouvoir toutes dames et pucelles déchassées et déconfortées, à leur besoin, mêmement quand ils en sont requis.

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CHAPITRE XVII.

COMMENT MESSIRE JEAN DE HAINAUT PRIT CONGÉ DE

SON FRÈRE ET SE MIT SUR MER POUR AMENER LA REINE ET SON FILS EN ANGLETERRE.

AINSI étoit mû et encouragé messire Jean de Hainaut et faisoit sa semonce et prière des Hainuyers

(1) Les imprimés omettent la plus grande partie de la fin de ce chapitre.

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