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Ces paroles, ni plus ni moins, rapporta le sire de Maubuisson à messire Jean de Hainaut qui là l'attendoit sur le rivage. Et quand la relation lui en fut faite, il dit au chevalier: « Grands mercis. » Lors se partit et s'en revint arrière à leur logis, et trouva le comte de Hainaut son neveu qui jouoit aux échecs au comte de Namur. Le comte se leva sitôt qu'il vit son oncle, et lui demanda nouvelles. « Sire, dit messire Jean de Hainaut, à ce que je puis voir et considérer, le roi de France et son conseil prennent grand'plaisance en ce que vous séjournez ci à grands frais, et disent ainsi, qu'ils vous feront dépendre et engager toute votre terre; et quand bon leur semblera, ils vous combattront, non à votre aise ni volonté, mais à la leur. » De ces réponses fut le comte de Hainaut tout grigneux (triste), et dit qu'il n'iroit pas ainsi.

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CHAPITRE CXX.

COMMENT LE ROI D'ANGLETERRE MONTA SUR MER POUR VENIR EN FLANDRE; ET COMMENT IL TROUVA LES NORMANDS QUI LUI GARDOIENT LE PASSAGE, ET COMMENT IL ORDONNA SES BATAILLES.

Nous nous tairons un petit à parler du duc de Normandie et du comte de Hainaut, et parlerons du roi d'Angleterre, qui s'étoit mis sur mer pour venir et arriver selon son intention en Flandre, et puis venir en Hainaut aider à guerroyer le comte de

Hainaut son serourge (beau-frère) contre les François. Ce fut le jour devant la veille Saint Jean-Baptiste (", l'an mil troiscent quarante, qu'il nageoit (naviguoit) par mer, à (avec) grand'et belle charge de nefs et de vaisseaux ; et étoit toute sa navie (flotte) partie du hâvre de Tamise, et s'en venoit droitement à l'Écluse. Et adonc se tenoient entre Blankeberghe et l'Écluse et sur la mer messire Hugues Quieret et messire Pierre Bahuchet et Barbevaire, à(avec) plus de sept vingt gros vaisseaux sans les Hokeboz (2); et étoient bien, Normands, Bidaus (3), Génois et Picards quarante mille; et étoient là ancrés et arrêtés, au commandement du roi de France, pour attendre la revenue du roi d'Angleterre, car bien savoient qu'il devoit par là passer. Si lui vouloient dénéer (refuser) et défendre le passage, ainsi qu'ils firent bien et hardiment, tant comme ils purent, si comme vous orrez (entendrez) recorder.

Le roi d'Angleterre et les siens, qui s'en venoient singlant, regardèrent et virent devers l'Écluse si grand'quantité de vaisseaux que des mâts ce sembloit droitement un bois: si en fut fortement émerveillé et demanda au patron de sa navie (flotte) quels gens ce pouvoient être: il répondit qu'il cuidoit (croyoit) bien que ce fut l'armée des Normands que le roi de France tenoit sur mer, et qui plusieurs

(1) Ce fut en effet le 22 juin avant-veille de la fête de saint Jean-Baptiste qu'Édouard s'embarqua; et le combat dont Froissart va faire le récit se donna le jour même de la fête. (Rymer, T. 2. Part. 4. P. 79-) J. D.

(2) Espèce de barque. J. A. B.
(3) Voyez la note de la Page 303.

fois lui avoient fait grand dommage, et tant que ars (brûlé)etrobé (pillé) la bonne ville de Hampton (Southampton) et conquis Christophe, son grand vaisseau, et occis ceux qui le gardoientet conduisoient. Donc répondit le roi Anglois: « J'ai de long-temps désiré que je les pusse combattre ; si les combattrons, s'il plaît à Dieu et à Saint George; car voirement (vraiment) m'ont-ils fait tant de contraires que j'en vueil (veux) prendre la vengeance, si je y puis avenir. >> Lors fit leroi ordonner tous ses vaisseaux et mettre les plus forts devant, et fit frontière à tous côtés de ses archers; et entre deux nefs d'archers en y avoit une de gens d'armes; et encorefit-il une bataille surcôtière, toute pure d'archers, pour réconforter, si mestier (besoin) étoit, les plus lassés. Là y avoit grand'foison de dames d'Angleterre, de comtesses, baronnesses, chevaleresses et bourgeoises de Londres, qui venoient voir la reine d'Angleterre à Gand, que vue n'avoient un grand temps, et ces dames fit le roi Anglois bien garder et soigneusement, à(avec) trois cents hommes d'armes et cinq cents archers; et puis pria le roi à tous qu'ils voulsissent (voulussent) penser de bien faire et garder son honneur; et chacun lui enconvenança (promit).

CHAPITRE CXXI.

COMMENT LE ROI D'ANGLETERRE ET LES NORMANDS ET

AUTRES SE COMBATTIRENT DUREMENT; ET COMMENT CHRISTOPHE LE GRAND VAISSEAU FUT RECONQUIS DES ANGLOIS.

QUAND le roi d'Angleterre et son maréchal eurent ordonné les batailles et leurs navies (flottes) bien et sagement, ils firent tendre et traire (tirer) les voiles contre mont, et vinrent au vent, de quartier, sur destre (droite), pour avoir l'avantage du soleil, qui en venant leur étoit au visage. Si s'avisèrent et regardèrent que ce leur pouvoit trop nuire, et detrièrent (différèrent) un petit, et tournoyèrent tant qu'ils eurent vent à volonté. Les Normands qui les véoient (voyoient) tournoyer s'émerveilloient trop pourquoi ils le faisoient, et disoient: «< Ils ressongnent (redoutent) et reculent, car ils ne sont pas gens pour combattre à nous. >> Bien véoient (voyoient) entre eux les Normands, par les bannières, que le roi d'Angleterre y étoit personnellement: si en étoient moult joyeux, car trop le désiroient à combattre. Si mirent leurs vaisseaux en bon état, car ils étoient sages de meret bons combattants; et ordonnèrent Christophe le grand vaisseau que conquis avoient sur les Anglois en cette même année tout devant, et grand' foison d'arbalétriers Génois dedans pour le garder et traire (tirer) et escarmoucher aux Anglois, et puis

s'arroutèrent (s'assemblèrent) à (avec) grand' foison de trompes et de trompettes et de plusieurs autres instruments, et s'en vinrent requerre (chercher) leurs ennemis. Là se commença bataille dure et forte de tous côtés, et archers et arbalétriers à traire (tirer) et à lancer l'un contre l'autre diversement et roidement, et gens d'armes à approcher et à combattre main à main asprement et hardiment; et parquoi ils pussent mieux avenir l'un à l'autre, ils avoient grands crocs et havez (crochets) de fer tenants à chaînes; si les jetoient dedans les nefs de l'un à l'autre et les accrochoient ensemble, afin qu'ils pussent mieux aherdre (se joindre) et plus fièrement combattre. Là eut une très dure et forte bataille et maintes appertises d'armes faites, mainte lutte, mainte prise, mainte rescousse (délivrance). Là fut Christophe le grand vaisseau auques (aussi) de commencement reconquis des Anglois, et tous ceux morts et pris qui legardoient et défendoient. Et adonc y eut grand' huée et grand'noise, et approchèrent durement les Anglois, et repourveirent (reconquirent) incontinent Christophe ce bel et grand vaisseau depurs archers qu'ils firent passer tout devant et combattre aux Génevois (Génois).

FROISSART T. I.

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